Luce : Chaud
Quatre ans après la sortie de son premier album et un régime plus tard, Luce est de retour avec un album réalisé avec soin, disposant d’excellents arrangements par Mathieu Boogaerts. Les chansons elles-mêmes sont inégales : chantées sur des textes qui se veulent drôles mais ne le sont pas toujours, on trouve du bon et du moins bon. Parmi le meilleur, il y a l’entêtant « Polka » où Luce susurre à l’homme de ses rêves vouloir danser toute nue. Un titre malicieux qu’elle a eu la bonne idée de choisir comme premier single. Dans le moins bon, « Chat doux » s’avère aussi irritant que répétitif avec ses « miaou miaou »et son humour qui ne prend pas. Entre les deux, une palette de titres courts dont certains sont plutôt charmants (« Vernis »), ou relativement anodins (« M’attends pas »). Le format court convient finalement bien à ce disque emprunt d’une véritable personnalité à défaut d’être parfait. On pourra reprocher à Chaud un aspect répétitif dans les paroles ou les mélodies, notamment sur un titre comme « Chaussures » qui ressemble beaucoup à certains titres précédents. Luce convainc d’ailleurs mieux lorsqu’elle ose un peu sortir de son registre vocal espiègle un brin enfantin (plaisant mais un peu lassant à la longue) et qu’elle se lâche et joue avec sa voix comme sur « Le feu au cul ». Recommandation : un album à écouter lors d’une soirée entre filles.
Brandi Carlile : The Firewatcher’s Daughter
Après un album folk de toute beauté en 2012, Brandi Carlile revient avec un disque clairement orienté country, au titre évocateur : « la fille du gardien du feu ». Mais il ne faut pas croire pour autant que la collection de chansons présentées ici serait juste bonne à écouter au coin de la cheminée. De « Mainstream Kid » à « The Stranger at My Door »(les deux perles de l’album), les titres rythmés s’enchaînent, entrecoupés de morceaux plus intimistes, comme le poignant « The Eye ». A vrai dire, cet album toujours très americana est bien plus rock que la plupart de ses précédents opus et il est possible que grâce à cela, elle conquiert un nouveau public. Si la country de Brandi Carlile est dite « alternative », elle reste en outre très accessible et ravira ceux qui veulent une alternative, plus adulte, à la country-pop FM de Shania Twain ou Taylor Swift. L’artiste et les frères Hanseroth, avec lesquels elle a en grande partie co-écrit l’album, possèdent de vrais qualités de songwriter et si l’on pourra regretter le ton plus intimiste et subtil de Bear Creek (2012), ce Firewatcher’s Daughter s’écoute avec plaisir.
Madonna : Rebel Heart
Sept ans après le catastrophique Hard Candy et trois ans après le légèrement supérieur MDNA, Madonna revient avec ce Rebel Heart de 14 titres, gonflé jusqu’à 23 titres dans son édition super deluxe. Un disque qui ne brille pas par son originalité ni même sa « rebelle attitude » mais qui a du coeur, comme le prouvent des titres plus intimistes tels que « Ghosttown », « Inside Out », « Heartbreak City » ou « Joan of Arc » dans lesquels la star laisse la place à la femme derrière l’armure. On est également contents de retrouver la veine électro-folk que l’artiste avait délaissée depuis quelques années, présente sur plusieurs morceaux, comme l’excellent « Devil Pray ».
Plaisant et cohérent, ce nouvel opus ne masque cependant pas certaines faiblesses : les titres les plus électro, produits par les producteurs du moment, risquent de vite se périmer et paraître datés, à l’inverse des sons de Ray of Light et Confessions on a Dancefloor, toujours actuels. Et si « Illuminati » brille par son originalité et son inventivité, on zappera sans regret « Bitch, I’m Madonna » ou encore « Holy Water », deux titres aussi irritants que poseurs qui se démarquent également par leur nombrilisme. Madonna peut certes se vanter de son statut d’icône, mais si elle pouvait le clamer avec plus d’originalité musicale, cela ne pourrait pas lui faire de mal.
Les titres bonus quant à eux vont du sympathique mais dispensable (« Veni Vidi Vici », « S.EX. ») au très bon (« Messiah », qui aurait gagné à être sur l’album) et viennent compléter l’expérience de manière satisfaisante. Cependant (et c’est la première fois depuis bien longtemps que cela se produit), l’album dans sa version standard s’apprécie dans son ensemble sans qu’on ait besoin de zapper la moitié des titres et s’achève même de manière aussi simple que poignante avec « Wash All Over Me », où l’artiste s’interroge sur la situation du monde et sa place dans celui-ci. Elle renoue alors avec le meilleur de Ray of Light et de l’engagé American Life, où des paroles subtiles et affutées le disputaient à des musiques ciselées et marquantes, toujours actuelles.