Caractéristiques
- Titre : Arrêtez-moi là
- Réalisateur(s) : Gilles Bannier
- Avec : Reda Kateb, Léa Drucker, Gilles Cohen, Erika Sainte, Stéphanie Murat...
- Distributeur : EuropaCorp Distribution
- Genre : Drame
- Pays : France
- Durée : 94 minutes
- Date de sortie : 6 Janvier 2016
- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Samson est chauffeur de taxi sur Nice. Un jour, il charge une cliente à l’aéroport et la ramène jusque chez elle, à Grasse. Le courant passe entre eux. Mais le lendemain, la petite fille de la cette femme a disparu et Samson devient le coupable idéal. Commence alors une longue descente aux Enfers…
Gilles Bannier, habitué, avec la série Engrenages, à représenter le travail de la police, réalise avec Arrêtez-moi là son premier long-métrage, tiré du roman du même nom de l’Américain Iain Levison paru aux éditions Liana Levi. Un auteur peu connu dans son propre pays et qui s’inspira d’un fait divers survenu dans l’Utah quelques années plus tôt. Transposé en France à Nice, Arrêtez-moi là commence de manière assez tranquille avant que le piège ne se referme sur le héros : on suit le parcours de ce gentil chauffeur de taxi attaché à son indépendance et à son chat, qu’il emmène dans ses courses. Ce détail assez décalé apporte une certaine poésie au personnage, qui nous est tout de suite sympathique. Puis vient la rencontre avec la cliente, un bref regard complice échangé et, enfin, l’impensable : l’inculpation par la police pour enlèvement d’enfant.
C’est là que la machine judiciaire, implacable, se met en place et là aussi que quelques incohérences apparaissent. En effet, Samson, qui a raccompagné gratuitement la veille deux étudiantes à la Cité Universitaire un peu trop saoules pour rentrer à pied, ment sur le déroulement de sa journée à la police, qui ne lui a pas révélé le motif de cet interrogatoire surprise. La raison ? Il a peur que les policiers ne fassent partie de la brigade des taxis et qu’on lui retire son permis d’exercer son métier s’il avoue cette course gratuite. Le soucis, c’est qu’avant cet interrogatoire, la police (qui est venue le chercher chez lui), a procédé à un prélèvement d’empreintes et prélèvement ADN, tout en précisant qu’il était entendu en tant que témoin dans « une affaire criminelle ». Or, à priori, affaires criminelles et brigade des taxis ne vont pas vraiment de pair et, si on veut bien laisser le bénéfice du doute à Gilles Bannier qui a fourni des recherches approfondies sur Engrenages, par exemple, force est de reconnaître que la manière dont les choses sont présentées aux spectateurs déstabilise quelque peu.
Cependant, une fois Samson inculpé, Arrêtez-moi là dévoile une mécanique intéressante : l’absurdité du système judiciaire apparaît dans toute sa splendeur et on est pris de vertige face à la facilité déconcertante avec laquelle un citoyen lambda peut tout perdre du jour au lendemain. Le thème de l’erreur judiciaire, largement traité au cinéma, est ici envisagé avec froideur et, par moments, avec une touche d’humour assez surprenante venant du personnage de l’avocat commis d’office. Le réalisateur montre la souffrance de son héros, mais ne sort néanmoins pas les violons, ce qui est fort agréable et donne un récit tendu.
Difficile d’évoquer la dernière partie du film sans spoiler… Nous nous contenterons donc de dire que celle-ci s’écarte du modèle classique du drame juridique, ce qui est, là encore, une bonne idée. Cependant, la fin apparaît assez surprenante et peut faire tiquer. Il y a d’abord un deus ex-machina un peu facile. Puis vient la toute fin, très étonnante dans un film de ce genre. Tous ces éléments, dans un film se voulant par ailleurs plutôt réaliste, nuisent un peu au final. D’où un résultat en demi-teintes : si l’on est convaincus par le jeu de Reda Kateb et que l’on se laisse emporter par la mécanique implacable du récit jusqu’à un certain point, la fin divise et rend le tout moins mémorable que ce qu’il aurait pu être. Reste un film qui se laisse regarder, avec un acteur de grand talent.