Caractéristiques
- Titre : L'Ange Ivre
- Titre original : Yoidore Tenshi
- Réalisateur(s) : Akira Kurosawa
- Avec : Toshiro Mifune, Takashi Shimura, Reisaburo Yamamoto
- Editeur : Wild Side
- Date de sortie Blu-Ray : 2 Mars 2016
- Date de sortie originale en salles : 6 février 1991 (France)
- Durée : 98 minutes
- Note : 9/10 par 1 critique
Image : 5/5
Vous ne trouverez pas meilleure restauration de L’Ange Ivre dans le monde. Voilà, c’est dit. Plus précisément, la source est très usée, et il a fallu composer notamment avec quelques tremblements. Mais le travail de Wild Side est monstrueux, rien ne peut leur être reproché. Le grain, la compression, tout est optimal.
Son : 5/5
Deux pistes VOSTFR : DTS Digital Surround et Dolby Digital. Là aussi, le travail de restauration est grandiose : zéro souffle, même au casque ! Comme pour l’image, le son est évidemment assujetti à la qualité de la copie, d’où un rendu imparfait, mais le travail sur la netteté est grandiose.
Bonus : 4/5
L’entretien avec Jean Douchet (11 minutes) est toujours aussi précieux pour bien resituer le film dans la carrière du réalisateur. Peut-être un peu court. « Kurosawa contre Toshi Mifune » (31 minutes), nouvelle partie d’un documentaire produit par la Toho, ne se contente pas du rapport entre le metteur en scène et son acteur, mais couvre toute la période de l’Ange Ivre. Un bonus passionnant. L’édition, dont le packaging est un véritable plaisir des yeux, est complétée par un livret passionnant signé Charles Tesson, critique et historien du cinéma connu pour son travail aux Cahiers du Cinéma.
Synopsis
Sanada (Takashi Shimura), médecin et alcoolique, travaille dans un quartier pauvre du Tokyo de l’après guerre. Un soir il reçoit la visite de Matsunaga (Toshiro Mifune), un voyou qui a été touché par balle, il le soigne sans anesthésie tout en lui faisant la morale. Il découvre à cette occasion que ce dernier est également atteint de tuberculose. Mais le jeune homme ne veut rien entendre et refuse de se soigner…
Le film
Akira Kurosawa décrivait L’Ange Ivre comme son premier film véritablement personnel. En effet, il s’agit de sa première œuvre débarrassée de toute pression de la Toho, et elle marque le début de l’inexorable ascension du réalisateur vers les cimes qu’on lui reconnaîtra par la suite. Mais L’Ange Ivre vaut bien mieux que ce titre de libérateur, d’ailleurs aucun effort du maître n’est à prendre à la légère, tant on y voit des prémices qui subjuguent le cinéphile.
L’Ange Ivre est déjà dans le mélange du néo-réalisme et du polar à tendance expressionniste, une potion magique qui explosera dans Chien Enragé. Akira Kurosawa questionne sans cesse la condition humain et si, plus tard, ce sont les rapports avec l’occupant américain qui occupera le réalisateur, du moins partiellement, ici c’est avant tout le rapport de l’Homme japonais avec son quotidien qui rempli l’écran. La tuberculose atteint un yakuza, parfaitement interprété par Toshiro Mifune (est-il nécessaire de la préciser ?), qui est lui-même une véritable maladie pour le quartier dans lequel se déroule L’Ange Ivre. Enfin, uniquement quand le personnage reste prisonnier de sa condition de mafieux, de ses codes dépassés, et c’est là que la patte Kurosawa intervient : sous le yakuza, l’Homme.
L’Ange Ivre provoque une confrontation sensée, comme dans tous les films du metteur en scène. Ici, le mafieux Matsunaga va devoir mettre de côté son code d’honneur pour accepter le traitement de Sanada le médecin, seul à pouvoir le soigner de sa grave maladie. Au milieu de ces deux êtres humains, une vase odieuse, nid à maladie, qui croupit sous un soleil de plomb, et tellement symbolique qu’on en a presque l’odeur en la voyant. Cette eau sale diffuse une ambiance lourde, mortifère, qui enferme les personnages dans ce quartier pauvre. On trouve là tout le côté pessimiste de Kurosawa, mais ce serait une erreur de le limiter à cette facette.
Car si, dans L’Ange Ivre, l’on ne fait pas chambre à part avec la Mort, ce n’est pas non plus le propos du film. S’il ne recherche pas spécialement l’équilibre, mais la trouve à force de se questionner sur ses personnages, Kurosawa est loin d’être un désespéré. Matsunaga n’est pas un incurable fondamentalement, même s’il est condamné physiquement. Quelle puissance dans cette description qui démontre que tout Homme, lesté des codes, est capable de mieux comprendre sa condition. Aussi, le réalisateur croit en la femme, et son rapport avec les yakuzas, sexistes de par leurs codes, est là pour le confirmer, tout comme les quelques portraits féminins qui habitent le film. D’ailleurs, c’est par une collégienne qu’intervient, à la fin, l’éclaircie du film. Le personnage de Sanada, l’ange ivre du titre de par son métier et son amour sans modération pour l’alcool, aura réussi à sauvegarder ce qui est salvateur pour chaque peuple : la vision du futur…
L’Ange Ivre d’Akira Kurosawa (Blu-Ray/DVD), Wild Side, 24.99€.