Caractéristiques
- Titre : Sunset Song
- Réalisateur(s) : Terence Davies
- Avec : Agyness Deyn, Peter Mullan, Kevin Guthrie
- Distributeur : Rezo Films
- Genre : Drame
- Pays : Grande-Bretagne, Luxembourg
- Durée : 132 minutes
- Date de sortie : 30 Mars 2016
- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Si tout le monde a bien remarqué que l’heure est à un féminisme d’affirmation, il ne faut pas croire que ces belles valeurs sont nées d’hier. C’est ainsi que, au début du vingtième siècle, un certain Lewis Grassic Gibbon, écrivain prometteur, délivre un ouvrage remarqué et remarquable : Sunset Song. Devenu non pas un classique mais un livre tout de même très respecté, d’autant que son auteur décéda prématurément à l’âge de 34 ans, il eut le droit à une adaptation sur la BBC1. Parmi les spectateurs de ce programme télévisé, un certain Terence Davies, réalisateur de son état, dont les thèmes favoris sont, on va le voir parfaitement accordés à ceux de l’ouvrage qu’il adapte.
Sunset Song prend place en Écosse, dans la campagne du comté d’Aberdeen, quelques temps avant la première guerre mondiale. La famille Guthrie vit un quotidien fait de souffrances et de labeur, comme bien des travailleurs de la terre. Chris (Agyness Deyn), paie le fait d’être née femme,tout comme Will (Jack Greenlees) paie celui d’être né homme. Un jour, la mère trouve la mort, à cause de l’emprise du patriarche John (Peter Mullan) qui imposa des grossesses bien trop tardives à sa femme. Les quatre enfants sont alors séparés. Les deux plus jeunes partent avec leur tante, tandis que Chris et Will restent avec leur père, pour l’aider au champs mais aussi lui permettre de se passer les nerfs de façon bien violente. Will, poussé à bout par le patriarche plus qu’autoritaire, s’enfuit et finira par partir pour l’Argentine. Seule à la maison, sous l’emprise du seul homme de la maison, Chris se résout à oublier son rêve de devenir institutrice. C’est alors que Will est victime d’une attaque, qui le laisse à moitié paralysé…
Sunset Song débute par des plans incroyablement beaux, sur un rythme contemplatif, le tout pour mettre en valeur la majesté naturelle qui, pourtant, enferme les personnages. Fresque chargée en émotions sombres, notamment dans une première partie parfois dure, qui ne ménage pas une Chris interprétée par l’étonnante Agyness Deyn), Sunset Song met en place patiemment son discours. Terence Davies s’avère être le réalisateur idéal pour cette œuvre, tant sa façon de filmer l’effort, la violence du travail paysan, et toujours en sachant bien jouer avec la beauté de l’environnement. Très bonne idée du metteur en scène, afin de ne pas confondre l’horreur du quotidien sous l’emprise d’un patriarche odieux et la magnificence de la terre : utiliser le numérique pour les intérieurs, et le 70mm pour les extérieurs. En résulte une force purement visuelle qui nous renverse.
Une fresque féministe et pacifiste
On l’a écrit plus haut, Sunset Song est un film très sombre, dur, particulièrement dans sa première partie. Les châtiments, corporels ou mentaux, infligés par John, joué par l’excellent Peter Mullan, sont parfois insupportables. Mais il faut passer par là pour comprendre à quel point Chris est une une femme forte, dont l’envie de vivre son propre destin existe en contradiction avec sa situation. C’est parce qu’elle est réduite à des travaux sans liens avec ses capacités intellectuelles qu’elle est habitée par une envie de révolte. Ce personnage habite Sunset Song, traverse les saisons, à la mort du tyran succède la naissance d’un amour sincère, et c’est là que la seconde partie débute.
Sunset Song ne raconte pas que le cheminement d’une femme courageuse, le film est aussi un plaidoyer contre les guerres inutiles. Si certaines causes méritent le conflit armé (comment faire autrement face aux nazis, par exemple ?), d’autres paraissent plus « évitables ». Alors que le couple formé par Chris et Ewan, qui résulte sur la naissance d’un enfant, vit parfaitement bien. Jusqu’à ce que l’homme soit appelé pour partir au front. Ici, Sunset Song utilise la force symbolique pour exprimer une idée pacifiste certes, mais surtout le fait que la guerre change les hommes. Le retour au foyer d’Erwan, à ce titre, est un véritable coup de poing dans le ventre, tant la modification de son être profond est terrassant. Terence Davies capte bien ce sujet, même si l’on peut lui reprocher d’en faire peut-être un peu trop au niveau du rythme. Notamment dans ces plans à voix-off, un peu trop systématiques.
Au final, Sunset Song s’avère être un film fort, très sombre dans sa description des rapports entre hommes et femmes (gageons que des familles ont vécu une meilleure vie, plus respectueuse des envie de chacune et chacun), et brassant des sujets important. Malgré un rythme un peu trop étiré sur la fin, Terence Davies maîtrise son sujet, et le film se retrouve en première ligne des œuvres humanistes.