Caractéristiques
![](https://culturellementvotre.fr/wp-content/uploads/2016/03/volta-a-terra-affiche.jpg)
- Titre : Volta à Terra
- Réalisateur(s) : João Pedro Plácido
- Avec : Daniel Xavier Pereira, Antonio Guimarães, Daniela Barroso
- Distributeur : UFO Distribution
- Genre : Documentaire
- Pays : Portugal, Suisse, France
- Durée : 78 minutes
- Date de sortie : 30 Mars 2016
- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Volta à Terra est né d’un voyage, et de l’envie de mettre à profit un véritable bâgout artistique. João Pedro Plácido, passé par l’ESTC (Escola Superior De Teatro E Cinema) de Lisbonne et la Hochschule für Fernsehn und Film de Munich, est un jeune Lisbonnais qui a fait ses armes au poste de directeur de la photographie. Sa rencontre avec le pays profond portugais, terriblement touché par bien des crises, donne une docu-fiction intéressante à plus d’un titre.
Volta à Terra prend place à Uz un hameau en plein cœur des régions les moins peuplées et les plus pauvre du Portugal. Vidée par l’immigration, cette terre de paysans montagnards paradoxalement peu fertile se rassemble une fois l’an pour les fêtes traditionnelles d’Août. C’est dans cette ambiance de célébrations rustiques, qui n’est qu’une parenthèse dans un quotidien de dure labeur, que le jeune berger Daniel s’amuse, cherche l’amour, tout en perpétuant des traditions ancestrales. Et pendant ce temps, les saisons font ce qu’elles font de mieux depuis des millénaires : elles passent…
Volta à Terra est une docu-fiction qui raconte plus qu’elle n’explique. Derrière une forme qui pourrait faire penser à une Nouvelle-Vague qui serait animée d’une véritable recherche artistique, ce film nous a conquis pour bien des raisons. Tout d’abord, pour ces portraits de femmes et d’hommes qui habitent Volta à Terra, qui nous plongent dans la ruralité dans ce qu’elle a de plus rude, mais aussi de plus touchant. On est comme hypnotisé devant leur rapport à la terre, par cette maîtrise d’une méthodologie difficile et ce malgré tous les progrès des différents moyens. Daniel, par exemple, est un adolescent. Un être humain entre deux âges donc mais aussi entre deux temps qui, s’il refuse certains des effets d’un progressisme galopant, est aussi un jeune mâle en chasse qui appelle celle qu’il drague à l’aide d’une téléphone portable. Sa famille nous passionne tout autant, bien immortalisée par une caméra qui colle aux basques juste ce qu’il faut.
Volta à Terra capture la « matière » humaine avec une aisance étonnante, tout en lui donnant une beauté éclatante. Certains plans ont un charme qui imprime durablement les rétines, notamment grâce à une lumière naturelle très bien observée, mais l’œuvre sait aussi capter d’autres sentiments, moins agréables. On sent tout du long non pas une colère qui serait signe que la situation n’est pas entrain d’être perdue, mais une sorte de lassitude quant aux coups assénés, depuis des années, aux paysans de tous horizons. On la vu récemment aux Salon de l’Agriculture 2016, les Hommes de la terre sont remontés. Très remontés. Et si certains esprits pas informés pensent que nos agriculteurs sont dans l’abus de complaintes, ils devraient sortir de Volta à Terra avec beaucoup moins de certitudes. On pense à ce plan fixe sur le père de Daniel, qui trie des légumes, et explique à quel point la politique européenne les a bien flingué. Uz ne connaît pas vraiment de crise économique, mais une mort lente pour cause d’oubli, et de remplacement. Un constat d’une amertume totale et qui est, malheureusement, vouée à ne pas être entendue par une horde de fidèles féroce au drapeau étoilé.
Volta à Terra réussit le mariage entre réel et fiction, en racontant grâce notamment, au temps qui passe, aux saisons qui s’enchaînent. Survivantes d’une époque qui est entrain de mondialiser notre savoir-faire, en nous emmenant à la seule production à grande échelle par des multinationales aussi efficaces que gloutonnes, les âmes qui traversent le film ont tout de cet ancien monde au charme indubitablement saisissant. Les visages, les démarches, les mots, tout ce qui est entrain de disparaître au profit d’une société cynique et totalitaire a ce rendu que seul l’innocence du réalisme le plus pur peut provoquer. Volta à Terra suscite bien des émotions, fait réagir tout en nous emportant à la rencontre d’une situation paysanne difficile mais que nous regretterons d’ici quelques années tant ce qui est décrit ne laisse, finalement, que peu d’espoirs pour une agriculture plus humaine…