[Test – DVD] Le Manoir Maudit – Antonio Boccaci

Caractéristiques

  • Titre : Le Manoir Maudit
  • Réalisateur(s) : Antonio Boccaci
  • Avec : Marco Mariani, Annie Alberti, Adriano Micantoni
  • Editeur : Artus Films
  • Date de sortie Blu-Ray : 6 Mai 2016
  • Durée : 84 minutes
  • Note : 6/10

Image : 3/5

La note est due non pas à la qualité du master, très atteint par les effets néfastes du temps, mais au travail effectué pour rendre tout ça tout de même regardable. Beau boulot côté résolution, mais le spectateur doit le savoir : on ne juge pas pareillement ce genre de bande, d’une rareté telle que Le Manoir Maudit n’existe même pas en DVD dans son pays d’origine, et un blockbuster.

Son : 3/5

Le Manoir Maudit est proposé dans une seule piste : la version française en Dolby Digital 2.0. A première vue, on pourrait croire que proposer ce contenu et pas la version originale est une facilité, une économie. Erreur. On n’imagine même pas le calvaire que ça a dû être pour retrouver ce doublage et, miracle, cette quête fut payante ! En effet, on aurait pu craindre une piste très affectée, la réalité est autre : s’il y a évidemment du souffle, l’ensemble est plus que correct.

Bonus : 4/5

Un entretien avec le spécialiste Alain Petit, qui nous présente Le Manoir Maudit en profondeur avec un sens du détail poussé comme à son habitude. Ces 25 minutes de précisions abordent aussi bien le casting que l’équipe technique, en n’oubliant pas de citer une farandole de films tous plus alléchants les uns que les autres. Sont à signaler un diaporama et des bandes annonces d’autres films de la collection Les Chefs-d’œuvre du Gothique.

Synopsis

Alors qu’elle devait épouser le prince Raman dans son château, la comtesse Irène disparaît mystérieusement. Quelques années plus tard, alors que le château est victime de toutes les superstitions locales, le docteur Darnell et sa fille, Anna, viennent s’installer dans la région. Anna est en proie à de violents cauchemars dans lesquels elle imagine le meurtre de la comtesse. Son père pense que des visites régulières dans le lieu historique pourraient la guérir. Peu après, Raman revient au pays, et, devant cette étrange ressemblance, se rend compte qu’Anna pourrait être la réincarnation d’Irène.

image film le manoir maudit

Le film

Artus Films, l’un des fidèles amis du cinéphile, continue d’étayer sa collection Les Chefs-d’œuvre du Gothique, mais toujours en évitant soigneusement de proposer les films déjà bien connus de tous. Le Manoir Maudit est l’exemple typique de cette volonté de sortir des sentiers battus, loin des autoroutes Mario Bavo ou d’Antonio Margheriti qui, si elles sont évidemment d’une qualité indéniable, ont tendance à éclipser un peu les petites routes de campagne. On aborde ici une bande exhumée, arrachée à l’oubli, quasiment voire carrément clandestine, qui aujourd’hui est à la portée des amateurs pointus de cinéma de genre.

La première bobine du Manoir Maudit place de suite le film dans le genre gothique, en prenant soin de réciter les codes presque machinalement. Deux jeunes et belles filles qui se mettent en danger en cherchant à se frotter à une légende locale, un château hanté, et un monstre au maquillage aussi flippant que ses exactions. Cette première partie fonctionne agréablement, même si la musique n’est pas vraiment notre tasse de thé. Composée par Armando Sciascia, dont le style tout en rupture a séduit Jesus Franco (les deux ont notamment collaboré sur Les expériences érotiques de Frankenstein), cette OST apporte un rythme, mais aussi une sorte de ton un peu léger qui ne joue pas en la faveur du Manoir Maudit dans ses moment les plus tendus. Elle ne gâche rien, mais ne s’adapte pas, en ce sens on peut même penser que la volonté d’Antonio Boccaci, dont le film ici traité est l’unique réalisation, était d’ordre expérimentale.

image artus le manoir maudit

Après ce début intéressant, Le Manoir Maudit baisse un peu le pied pour installer ses personnages, tous interprétés par des seconds rôles anonymes, voir de simples figurants heureux de participer aux premiers plans d’un long-métrage. Seule exception, Annie Alberti, qu’on a pu voir dans La Terreur des Mers, rend une prestation tout à fait honorable. Ces quelques protagonistes ont tout d’abord l’effet bénéfique de préciser le scénario, mais aussi plus problématique de l’emmener vers des recoins qui font malheureusement tomber la cadence en moitié de métrage. L’histoire d’amour par exemple, entre Anna Darnell et le journaliste George Dickson, ralenti l’œuvre et éloigne même Le Manoir Maudit du genre gothique l’espace d’une parenthèse étrange, assez proche du « roman-photo ».

Heureusement, ce constat n’a pas pour vocation de durer jusqu’à la fin de ce Manoir Maudit. La dernière bobine est aussi intéressante que la première, en proposant un bouquet final là aussi typique du genre, avec une adversité certes convenue mais qui pousse à l’étalage de codes aujourd’hui agréablement désuets. On a un coup de cœur pour ce couple de rat, qui passe ce dernier quart d’heure à ronger le fil tendu d’une arbalète, dont la flèche aura des effets dévastateurs. Autre petit plaisir, cet antagoniste caché dans une armure de chevalier, cela nous rappelle une époque où cette figure était un classique de la production de genre. Alors non, on n’est pas en présence d’un grand bijou du gothique, encore que son noir et blanc est parfois admirable et maîtrisé à un point insoupçonné. Malgré ses défauts, cette œuvre s’avère effectivement assez typique d’une partie de ce genre de production, et possède indéniablement une âme. Tout en étant une véritable rareté, Le Manoir Maudit devient indispensable pour les cinéphiles qui y verront là une pièce de choix au rayon des films tombés dans l’oubli.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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