Caractéristiques
- Titre : La Revanche de la Créature
- Titre original : Revenge of the Creature
- Réalisateur(s) : Jack Arnold
- Avec : John Agar, Lori Nelson, John Bromfield
- Editeur : Elephant Films
- Date de sortie Blu-Ray : 27 Avril 2016
- Date de sortie originale en salles : 31 août 1956
- Durée : 82 minutes
- Note : 9/10 par 1 critique
Image : 5/5
Elephant Films nous propose un master HD de toute beauté, qui rend à la fois un travail d’une propreté très agréable, mais aussi un gros boulot sur les contrastes. Un ou deux plans, notamment ceux d’animaux réels, sont un peu moins précis, mais c’est lié aux moyens mis en place pour ces prises de vue.
Son : 4/5
La Revanche de la Créature est proposé en une seule piste, en version originale sous-titrée, DTS-HD Master 2.0. Le rendu de l’ensemble est, comme d’habitude avec cette collection Cinema Monster Club, très satisfaisant. On regrette l’absence d’une version française, juste pour la forme.
Bonus : 4/5
Autre habitude pour cette collection : deux présentations sont assurées par l’éminent Jean-Pierre Dionnet. La première aborde, sur une vingtaine de minutes, la figure de la créature et nous en apprend plus sur sa création de façon détaillée. La seconde, d’une dizaine de minutes, s’intéresse plus précisément à La Revanche de la Créature, avec toujours autant de cette passion qui caractérise ce grand conteur de la cinéphilie.
Synopsis
Des ichtyologues explorent le fleuve Amazone, autour duquel des rumeurs inquiétantes se font entendre. En effet, un être hybride, mi-homme, mi-poisson, aurait été vu, et aurait même tué une précédente équipe scientifique. Les on-dits n’avaient rien exagéré. Une fois capturée, et plongée dans le coma, l’étrange créature est envoyée en Floride pour y être étudiée, enchaînée et exposée. Mais on ne maîtrise pas aussi facilement l’inconnu…
Le film
Nous sommes en 1955, un an après le succès de L’étrange Créature du Lac Noir, qui signe le premier film de l’époque d’or de l’épouvante à être basé sur un monstre inédit. Le Gill-man revient en plein cœur de la peur du nucléaire, mais aussi pour rassasier une certaine soif de curiosité, celle d’une époque où l’on imaginait encore pouvoir éviter le cynisme d’un monde totalement verrouillé par l’approche scientifique, premier pas vers l’inévitable cynisme, puis la sensation de toute-puissance. Dans La Revanche de la Créature, on s’acoquine non seulement à l’horreur, mais aussi à l’aventure, en compagnie d’un monstre qui vient contredire Darwin et désignerait le chaînon manquant comme marin, et non simiesque.
Pourtant, La Revanche de la Créature a bien des choses en commun avec un singe du genre culte : King Kong. La trame est en fait quasiment identique au film signé Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, tout comme la horde de sentiments qu’elle provoque irrémédiablement. Un monstre épouvantable vit en harmonie dans son milieu naturel, jusqu’à ce que la grosse paloche maladroite, voire agressive et irrespectueuse, de l’Homme ne vienne le déranger. Pire, le déloger dans un but bien plus hideux que l’apparence de la créature. L’envie de comprendre, de connaître l’inconnu, a en fait bon dos chez des scientifiques plus attirés par une gloriole stupide, irrespectueuse de la nature au point de la sacrifier sur l’autel de la rentabilité. En effet, la créature est effectivement surveillée de près, mais aussi enchaînée dans un bassin autour duquel des visiteurs viennent s’ébahir contre paiement sonnant et trébuchant. Toute la réussite d’un film comme La Revanche de la Créature est là : faire comprendre que le monstre n’est pas forcément celui que l’on croit, et l’Homme qui a inventé le concept du zoo, triste comme une agonie, devrait sans aucun doute balayer devant sa porte, retrouver de l’humilité.
Autre point commun avec King Kong, La Revanche de la Créature développe une sorte d’histoire d’amour entre une femme et la créature. Ici, l’on doit préciser que la scientifique en question est incarnée par la remarquable Lori Nelson, magnifique actrice bizarrement passée à-côté d’une carrière plus clinquante. Pourtant, ce visage parfait pour jouer les femmes fatale, et ce charisme naturel qui la fait habiter le cadre avec une assurance surprenante, aurait dû charmer les studios. Pourtant, pas un seul ne la signa, et c’est bien dommage. Dans La Revanche de la créature, elle joue une ichtylogue : le belle Helen Dobson prise en étau entre trois galants, dont l’un a la particularité de ressembler à la sardine qui bloque le port de Marseille. Évidemment, cette courtoisie amoureuse pas vraiment ressentie mais plutôt évoquée, est de l’ordre du symbolisme. La jeune femme se voit disputée par deux hommes, et fait son choix qui la dirige vers un vécu amoureux tout sauf original. La créature, c’est l’autre, c’est l’inconnu, l’expérience. Bien entendu, il n’est pas question d’amourette contre-nature dans La Revanche de la Créature, mais l’on sent bien que Helen ressent quelque chose que les hommes qui l’entourent ne sont pas capable d’éprouver : de la compassion. Il fallait une femme pour se demander si le traitement infligé au monstre, enchaîné au fond d’un bassin à poisson, était juste.
La Revanche de la Créature, étrangement mal-aimé dans les différentes reviews disponibles ici ou là, est pourtant un film d’un sérieux de traitement remarquable. On retrouve des artistes de qualité à des postes clés, à commencer par Jack Arnold à celui du réalisateur. Ce nom résonnera tout de suite chez les amateurs de films fantastique puisqu’il est l’auteur d’un énorme classique : L’Homme qui rétrécit. Au montage, c’est Paul Weatherwax qui officie, un grand de la profession (récompensé pour ses énormes travaux sur La Cité Sans Voile et Le Tour du Monde en 80 Jours), ce qui explique en grande partie la fluidité des 80 minutes de La Revanche de la Créature. Côté musique on retrouve un autre nom bien renommé : William Lava, dont l’immense filmographie l’a mené autant sur de la série B que sur de la série (Zorro) ou du dessin animé avec différents Looney Tunes. On ne pouvait pas terminer autrement qu’en évoquant l’autre grande énigme de ce film, au moins aussi troublante que sa créature : Milicent Patrick, de son vrai nom Mildred Elizabeth Fulvia di Rossi. Une de ces femmes dont le talent considérable a été passé sous silence, et sans qui La Revanche de la Créature aurait pu ressembler à tout autre chose. Sans pression, comme disent les jeunes, cette artiste a été l’une des figures de proue du renouveau du bestiaire du fantastique et de la science-fiction, en inventant les concepts humanoïdes les plus réussis des années au sein desquelles Patrick a exercé. Dans les bonus, Jean-Pierre Dionnet nous informe qu’un livre sur cette grande dame devrait débarquer dans quelques temps, voilà un ouvrage qu’il ne faudra pas louper, tant la carrière de cette femme est aussi mystérieuse que ses œuvres.
Le Revanche de la Créature est certes loin de révolutionner l’épouvante, et propose un spectacle attendu. Seulement, il le fait avec un tel sérieux formel, et une telle aisance fondamentale, qu’il est difficile de bouder son plaisir. Impossible de se quitter sans signaler que La Revanche de la Créature signe la première apparition d’un acteur qui s’avérera, par la suite, du genre monstre sacré : Clint Eastwood, non-crédité, au détour d’une toute petite séquence…