Caractéristiques
- Titre : Contronatura
- Réalisateur(s) : Antonio Margheriti
- Avec : Claudio Camaso, Dominique Boschero, Joachim Fuchsberger
- Editeur : Artus Films
- Date de sortie Blu-Ray : 3 Mai 2016
- Date de sortie originale en salles : 1969
- Durée : 87 minutes
- Note : 7/10 par 1 critique
Image : 3/5
Comme pour Le Manoir Maudit, la note est due non pas à la qualité du master, très atteint par les effets néfastes du temps, mais au travail effectué pour rendre tout ça tout de même agréable. Certains plans sont marqués de griffures, surtout dans les premières minutes du film, et les séquences de nuit sont un chouïa moins nettes que les autres. L’ensemble est tout à fait regardable, la photographie garde de sa force d’origine, et l’on peut dire que cette découverte de Contronatura se fait dans de bonnes conditions.
Son : 4/5
Contronatura est proposé dans deux pistes : version italienne et allemande sous-titrées français en Dolby Digital 2.0. Les deux sont étonnamment nettes, un tout petit souffle s’entend sur quelques passages mais rien de vraiment remarquable. On salue ce très bon travail.
Bonus : 4/5
Un entretien avec le spécialiste Alain Petit, titré « Des Cris Dans La Nuit », long de 23 minutes. Ce spécialiste du cinéma bis italien revient avec une passion bien communicative sur l’historique de Contronatura, et surtout ses comédiens et son équipe technique. On apprend pas mal de choses, voici l’exemple typique du bonus utile. Attention cependant à ne pas regarder ce programme avant d’avoir vu le film, car s’y cache un gros spoiler (normal, il faut bien parler de l’œuvre). La rubrique est complétée par un diaporama de photos, et de trailers de la collection Gothique de chez Artus Films.
Synopsis
En Angleterre, dans les années 20, cinq notables se rendent à Brighton afin de traiter une affaire. Leur voiture s’étant embourbée à cause d’un violent orage, ils trouvent refuge dans un hôtel lugubre tenu par Uriat et sa mère, une vieille spirite. L’électricité et le téléphone étant en panne, ils se retrouvent coupés du reste du monde. La vieille femme organise alors une séance de spiritisme qui va faire revenir le passé trouble des personnages. Ils seraient responsables de trois meurtres. Et les morts réclameraient vengeance.
Le film
La carrière d’Antonio Margheriti aurait beaucoup plu à Forrest Gump : en la parcourant on ne sait jamais sur quoi on tombe. Auteurs de films gothiques parmi les plus marquants de son époque (La Vierge de Nuremberg, Danse Macabre, excusez du peu), mais aussi de westerns très marqués par ce talent pour les ambiances typiques de ce mouvement (Avec Django la Mort est là, l’énorme Et le Vent Apporta la Violence), l’un des réalisateurs préférés de Quentin Tarantino s’est aussi perdu dans pas mal de bisseries vraiment limites, devenant tout autant un auteur à cinéphiles qu’à fans de Nanarland. Dès lors découvrir un Margheriti comme Contronatura, totalement méconnu jusqu’ici, est une véritable roulette russe.
Dès les premiers instants de Contronatura, on comprend que nous sommes face à un film d’importance pour Margheriti. Il faut tout d’abord préciser que l’œuvre date de 1969, ce qui peut être un détail pour vous, mais pour les amateurs de gothique ça veut dire beaucoup. En effet, le grand Antonio n’hésite pas à s’adonner à ce mouvement alors qu’il est, en cette toute fin de la décenie 1960, plus ou moins mort. Celui qui se fait appeler Anthony M. Dawson fait tout sur Contronatura : il écrit le scénario, produit et réalise, ce qui de facto fait rentrer l’œuvre dans ses plus personnelles et, par ailleurs, celles qu’il appréciait le plus. Et le moins que l’on puisse dire est que ça se voit : décors purement gothiques mis en valeur par des mouvements de caméra qui sentent l’amour, comédiens choisis pour leurs visages certes grimés mais naturellement dessinés pour donner une sacrée impression d’inquiétude, photographie maîtrisée à la perfection malgré des moyens que l’on sent limités. Contronatura est d’un sérieux formel à toute épreuve.
On sent, donc, que l’on tient un Margheriti intéressant. Impression vite confirmée par un scénario réglé au millimètre, dont la structure à base de flashbacks lui donne un aspect mystérieux succulent. Contronatura est clairement un film marqué par son temps, se situant à la croisée de plusieurs genres, mais réalisé par un auteur à la patte très caractérisée. Pas vraiment un krimi, malgré son financement allemand, pas vraiment un giallo, on est plus dans une histoire que n’aurait pas renié un auteur de polar britannique mais marquée par un amour pour l’étrange, le fantastique. Si le récit se concentre évidemment à ce groupe « de la haute » tenu par un secret inavouable, c’est le duo hantant le manoir qui a tendance à nous intéresser le plus. Sans en révéler de trop, disons qu’Uriat et sa mère apportent le côté fantastique, et que celui-ci ne sert pas qu’à l’ambiance : il pousse à une résolution de la problématique en forme de gros bouquet final, que l’on a adoré, et qui rappelle un plan culte de Shining. Impossible, par ailleurs, de ne pas capter quelques points communs entre Contronatura et… Les Huit Salopards, le dernier Tarantino en date. Un moyen de locomotion rempli de personnages visiblement pas clairs, un manoir glauque qui rassemble les destins pour régler une problématique, une structure non-linéaire, il est claire que le père Quentin a sûrement ressorti sa VHS du film plusieurs fois…
Contronatura est une excellente découverte, traitée avec un grand sérieux de bout en bout. Signalons par ailleurs que ce titre est assez mensonger, et pourrait même insinuer que l’attirance gay ressentie par Vivian Taylor (sublime Marianne Koch) n’est pas jugée comme souhaitable. C’est évidemment faux, et jamais traité de la sorte dans le film. Disons plutôt que la soif sexuelle de cette femme, mise à mal par la rudesse de l’homme dont elle partage le lit, la pousse à l’excès malheureux. C’est décrit tel quel dans l’œuvre, il est important de le préciser. Contre toute attente, car il est clair que l’on ne pensait plus découvrir une pépite dans la carrière de Margheriti, Contronatura s’avère être l’un des efforts les plus maîtrisés de son auteur. Loin d’être son plus rocambolesque côté action, il s’agit plus d’un film d’ambiance qu’autre chose, voici une œuvre à découvrir sans hésiter.