Caractéristiques
- Titre : 99 Homes
- Réalisateur(s) : Ramin Bahrani
- Avec : Andrew Garfield, Michael Shannon, Laura Dern
- Editeur : Wild Bunch
- Date de sortie originale en salles : 18 Mars 2016 en E- Cinéma
- Durée : 112 minutes
- Note : 7/10 par 1 critique
Critique
Nous le sentons venir depuis un bon moment, et notamment la sortie de Profanation directement par ce biais : le e-cinema lance désormais des films que l’on aurait très bien pu découvrir en salles. C’est sans aucun doute le cas de 99 Homes, Grand Prix du Festival du Cinéma Américain de Deauville, et réalisé par un illustre inconnu : Ramin Bahrani. Le film se présente à nous sous cette forme de consommation qui doit encore gagner véritablement la confiance des spectateurs. Le moins que l’on puisse dire est que 99 Homes est le genre d’œuvre qui peuvent faire avancer le shmilblick.
99 Homes s’intéresse à Dennis Nash (Andrew Garfield), un père de famille célibataire vivant avec son fils et sa mère (Laura Dern). La vie est dure, mais ces citoyens sans histoires ont un toit au-dessus de leur tête, donc tout baigne… Du moins jusqu’à ce que, un jour, un certain Rick Carver (Michael Shannon) vienne sonner à la porte. En effet, la famille Nash n’est pas à jour dans ses loyers, et se fait impitoyablement expulser. Le très énergique Carver propose alors à Nash un pacte : s’il veut récupérer sa maison, le jeune père devra devenir l’un de ses employés et expulser, à son tour, des familles de chez elles.
Un thriller conscient
Cela fait quelques temps que nous voyons émerger des films directement inspirés de la gigantesque et dramatique crise des subprimes de Juillet 2007. Une crise de confiance catastrophique, véritable prémisse du krash de 2008, qui a fait perdre leur habitation à bien des citoyens. Un drame dont les conséquences ont finalement peu fait l’objet d’éclaircissements, tandis que le cinéma semblait ne pas vouloir aborder le sujet. C’était sans compter sur le 99 Homes de Ramin Bahrani, dont le courage est à souligner. Il en faut pour se lancer dans une telle entreprise : parler des subprimes, mais aussi leurs conséquences sur les Hommes, et le tout dans un thriller tendu.
Le conflit de 99 Homes est exemplairement limpide. Si les multiples personnages apportent une dose d’histoires secondaires, il faut bien dire que le film absorbe avant tout pour ses sujets profonds. Tout d’abord, le plus simple à remarquer mais certainement le plus captivant : la capacité en chacun de nous de répéter à autrui ce que nous prenons en pleine tronche. Ramin Bahrani profite d’un scénario incroyablement stimulant sur ce point, avec une évolution des personnages très bien gérée. Dennis Nash passe par bien des stades, et l’on pourrait capter sa relation avec Rick Carver comme un chemin de croix pour bien faire comprendre ce que la notion d’expulsion signifie, en termes humains.
Home sweet home
L’autre sujet de 99 Homes, c’est notre rapport à l’adversité, qui évolue étrangement depuis quelques années. Le duo formé par Dennis et Rick ne marche que grâce à un rapport de dominé à dominant. La finesse du scénario, c’est de nous faire comprendre que ce genre de liaison a pu faciliter la crise des subprimes, de par notre envie de posséder toujours plus, toujours mieux, en dépit du bon sens et en inadéquation avec nos moyens. Cet aspect explose quand Dennis annonce à son fils et à sa mère qu’il a pu obtenir une maison ultra luxueuse. Problème, le jeune père avait promis qu’ils retourneraient « à la maison », oubliant que cette promesse avait une valeur stabilisante dans les esprits de ceux qu’il aime.
99 Homes s’avère plaisant grâce à cette facilité à aborder sujets graves et conflits purement cinématographiques. D’ailleurs, si le scénario peut s’avérer un peu tout tracé, il nous réserve pas mal de moments forts, comme ce plan-séquence du début, qui vaut quasiment à lui tout seul que l’on s’attarde sur le film. Petit regret, peut-être que Ramin Bahrani n’aborde pas assez les véritables responsables de cette crise, sans doute pour ne pas trop froisser non plus. Mais 99 Homes enfile tellement les qualités comme des perles que l’on a du mal à lui tenir rigueur. On ne peut pas se quitter avant de vous toucher un mot du casting qui nous fait un sans-faute réjouissant, surtout que le film, qui fait la part belle aux personnages, en avait bien besoin.