Caractéristiques
- Titre : Under The Shadow
- Réalisateur(s) : Babak Anvari
- Avec : Bethany Whitmore, Harrison Feldman, Matthew Whittet
- Genre : Epouvante-horreur, Thriller
- Pays : Grande-Bretagne, Jordanie, Qatar
- Durée : 84 minutes
- Date de sortie : 24 Octobre 2022 sur Netflix
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Synopsis
1988. Voilà huit ans que Téhéran est victime des bombardements dans le conflit qui oppose l’Iran à l’Irak. Après le départ de son mari au combat, Shideh élève seule sa fille Dorsa. Mais quand le toit de l’appartement est traversé par un missile qui n’explose miraculeusement pas, c’est le début de phénomènes surnaturels…
La critique
Jusqu’ici, le cinéma iranien et de genre n’était pas ce que l’on peut appeler un couple rayonnant. Plus auteurisant, et avec moult talents, le septième art persan s’est cependant trouvé de nouveaux représentants, plus tournés vers le fantastique et autres joyeusetés. On pense évidemment à Ana Lily Amirpour qui, si elle est bel et bien américaine, ne renie aucunement ses origines et sa vision du monde iranienne avec son petit bijou vampirisant A Girl Walks Home Alone At Night. Aujourd’hui, c’est un homme qui attire le feu des projecteurs : Babak Anvari qui, avec Under The Shadow, nous délivre là encore un très bon moment de cet Étrange Festival 2016 décidément de haut vol.
Under The Shadow aborde avec délicatesse des sujets qui le sont tout autant. En effet, le film se déroule pendant la « guerre imposée », qui voit l’Iran s’opposer à l’Irak, quasiment tout au long de la décennie 1980. Cette situation inspire à Babak Anvari une situation propice à développer un thème horrifique : ses personnages sont quasiment tout le temps assignés à leur domicile, dans un immeuble fréquemment dérangé par des alertes aux bombardements. On y découvre la vie iranienne d’alors dans le privé, et avant tout celle des femmes, qui peuvent à cette époque tout autant vivre libérées que sous l’emprise des superstitions. Cette situation est malheureusement emmenée à changer…
Le mari de Shideh, femme dont le talent est freiné par une organisation sociétale prude et sexiste, est appelé à quitter le foyer pour rejoindre le combat. Dès lors, Under The Shadow développe une tonalité étonnante. Tout d’abord, un missile manque de traverser totalement le toit de l’immeuble, créant tout de même une ouverture vers l’extérieure, cette dernière devenant de plus en plus symbolique au fil du récit. Aussi, la fille de Shideh, Dorsa, est touchée par une rumeur : les Djinns existeraient. Et il suffit de la disparition de sa peluche, puis d’une cassette (d’entrainement physique, par Jane Fonda !) pour créer un véritable doute. Surtout que la mère est persuadée d’avoir vu une sorte de voile roder autour du foyer…
Under The Shadow profite d’un récit au fondamental incroyablement profond, aux multiples échos qui nous parlent même de nos sociétés actuelles. L’œuvre nous montre l’Iran en proie à un changement pour le pire, une sorte de menace plane sur le film tout du long. Que se passe-t-il à l’extérieur de cet immeuble ? Avec notre recul historique, on sait malheureusement très bien ce qui est arrivé au pays perse, ce fondamentalisme exacerbé et malheureux qui l’a empêcher de prendre la place qui lui revient à l’international. De là, la forme du Djinn, tout simplement un voile, est plus parlante que l’importe quel discours. Under The Shadow n’est pas qu’un film qui déploie un féminisme d’une belle justesse, le film fait ressentir la montée progressive d’un malaise lancinant.
Babak Anvari est aussi l’auteur de ce qui restera sans doute comme le meilleur jump scare vécu depuis bien longtemps : véritablement soudain et pas annoncé par une bande son grandiloquente. Under The Shadow est angoissant, fait même peur dans son dernier acte qui cite avec pertinence les classiques du kwaidan (ndlr : le film de fantôme « à la japonaise »). Ce n’est pas parfait, certaines réactions paraissent un peu étranges, mais rien qui fasse sortir du film. Tant et si bien qu’on ne peut que vous conseiller sa découverte si jamais un distributeur français (et doué) a la bonne idée de miser dessus…