Caractéristiques
- Titre : Scoop
- Réalisateur(s) : Woody Allen
- Scénariste(s) : Woody Allen
- Avec : Scarlett Johansson, Woody Allen, Hugh Jackman, Ian McShane...
- Distributeur : TFM Distribution
- Genre : Comédie
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 96 minutes
- Date de sortie : 1er novembre 2006 (France)
- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Au rythme aussi soutenu que régulier d’un film par an, Woody Allen avait perdu ces dernières années selon certains une partie de sa verve et de sa force, se contentant de faire “du Woody Allen”. Mais depuis la sortie en 2005 de Match Point où il délaissait pour la première fois New York, sa ville fétiche, et le jazz pour Londres, sa société mondaine et l’opéra il s’est, de l’avis de tous (que nous partageons) ressourcé et réinventé.
Woody Allen continue sa cure de jouvence
Allen avait évacué dans ce drame cynique et implacable toute marque identifiable de ses précédents films (à quelques exceptions près de traits d’humour délicieux ) pour se livrer corps et âme au service de son histoire et de personnages incarnés avec grâce et puissance par Scarlett Johansson et Jonathan Ryce-Meyers. A l’annonce de la sortie de Scoop où il retrouve Londres et Scarlett, on salivait déjà d’avance, d’autant plus que le réalisateur y retrouvait le terrain familier de la comédie policière…
Le résultat est à la hauteur des espérances. C’est un Woody Allen inspiré et en grande forme, tout aussi bien derrière que devant la caméra que nous retrouvons ici. Sur une trame narrative à la fois tordue et jouissive, le cinéaste tisse, à partir de ressorts somme toute assez simples (les grands classiques du genre reviennent sous forme de clichés revisités, on peut deviner l’identité du meurtrier bien avant que les personnages en soient convaincus ) une comédie aussi drôle que décalée, où les rebondissements et répliques sarcastiques fusent de toutes parts sans perdre le spectateur ni l’ennuyer… on reste scotchés jusqu’à la fin avec même un regret : ne pas être restés plus longtemps en compagnie des personnages.
Un duo décalé
Car la dynamique du film est construite autour de deux personnages hors normes, en décalage complet avec la société mondaine londonienne dans laquelle ils vont devoir évoluer : le magicien juif-américain Splendini (ou Sid Waterman) interprété par Allen himself et l’apprentie-journaliste un peu nunuche au sex-appeal innocent Sondra Pransky, elle aussi américaine, incarnée avec beaucoup d’humour par Scarlett Johansson. Grandes lunettes, vêtements sages mais formes voluptueuses, la pauvrette a plus de facilité à se retrouver dans le lit des personnalités qu’elle doit interroger qu’à mener à bien ses interviews. Elle fait néanmoins preuve d’acharnement malgré ses facultés journalistiques assez étroites et d’un franc-parler aussi touchant que naïf et s’impose ainsi ici comme le pendant féminin du personnage de Woody Allen, un loser magnifique qui regrette New York, peste contre les Anglais qui roulent à gauche et répète les mêmes tours de magie en s’adressant avec des formules identiques au public, se révélant aussi étourdi qu’intenable.
Le duo fonctionne parfaitement et trouve son équilibre lorsque les deux “enquêteurs” infiltrent l’entourage du séduisant aristocrate Peter Lyman (Hugh Jackman), politicien de renom suspecté par Joe Strombel (grand reporter assassiné qui apparaît sous la forme de fantôme à Sondra dans la boîte magique de Splendini) d’être le Tueur Aux Tarots recherché par la police et qui s’en prend aux prostituées brunes aux cheveux courts. Le vieux magicien et la jeune journaliste se faisant passer pour père et fille, tout droit sortis d’une grande famille de l’industrie pétrolière.
Le cinéaste joue alors sur les décalages entre les deux gentils marginaux américains et la société aristocratique de Londres dans laquelle ils doivent se fondre, faisant ainsi écho à Match Point, mais de manière décalée et humoristique. Les blagues juives sarcastiques de Allen reviennent avec grande inspiration lorsque celui-ci lance un hilarant: “Je suis Juif mais je me suis converti au narcissime” à une femme qui lui demande de quelle confession il est, et le cinéaste se moque aussi gentiment des Anglais en apportant de somptueuses touches d’humour britannique (tourné en dérision) dans la bouche de son personnage.
Woody Allen s’amuse
L’enquête policière est elle aussi traitée de manière décalée et humoristique. Les tenants et aboutissants sont assez simples, l’identité du meurtrier supposé est révélée dès le départ, le suspense majeur demeurant: quand Sondra s’en rendra-t-elle compte et va-t-elle succomber (dans tous les sens du terme) au charme ravageur de son suspect ? Mais les chemins empruntés par Allen pour parvenir au dénouement et les menus détails de l’intrigue sont délicieusement tordus, le cinéaste s’amusant à reprendre et détourner tous les clichés du genre de la balade en barque (qui rappelle celle de Monsieur Verdoux de Chaplin), en passant par les alibis bidons et les motifs pseudo-freudiens, la découverte successive des pièces à conviction sans oublier l’incontournable scène de “sauvetage finale”.
Woody Allen ne nous épargne rien mais réussit toujours à tenir le spectateur en haleine, en faisant preuve d’imagination et d’un humour féroce mais surtout, il ne trompe jamais le spectateur en lui faisant croire au sérieux de l’intrigue policière… Enfin, le cinéaste fait également ici référence avec humour au Septième Sceau d’Ingmar Bergman, son modèle absolu, dans sa représentation de la Mort et fait quelques clins d’oeil au cinéma fantastique avec les apparitions de l’ectoplasme de Joe Strombel.
En quelques mots, Scoop est un film drôle et intelligent, tout à fait jouissif qui détourne la comédie policière avec humour. Vous pourrez en outre y découvrir Scarlett Johansson bien loin de ses précédents rôles dramatiques. Avec le charme naïf et sensuel d’une Marylin qui serait la fille spirituelle de Woody Allen, elle prouve qu’elle possède un réel talent pour la comédie et une belle aptitude à s’adapter aux univers de cinéastes très différents.