[Critique] Tori Amos : Abnormally Attracted to Sin (2009)

pochette tori amos abnormally attracted to sin Adieu Epic, bonjour indépendance

Après trois albums publiés sous le label Epic de Sony BMG, voici donc 1er album de Tori Amos en tant qu’artiste indépendante,
Abnormally Attracted to Sin, qui est sorti hier en Europe.
Ayant conclu un accord équitable avec Universal Republic, un label indépendant de Universal Music (dont le boss n’est autre que Doug Morris, le
1er mentor de Tori au début des années 90 chez Atlantic), c’est donc une artiste libre et apaisée qui sort cet album après avoir quitté en juillet dernier
Epic, avec lequel elle était en désaccord depuis un certain temps, puisqu’après Scarlet’s Walk en 2002 la direction du label avait changée. L’album
comporte 17 titres dans son édition simple et possède 1 titre bonus et un DVD avec 16 vidéos ou visualettes, pour reprendre les termes de la chanteuse, filmées en 8 et 16mm et
correspondant aux chansons de l’album.17 chansons, et alors? Un album très cohérent en dépit des apparencesAlors que la majeure partie des critiques, même très positives, se sont plaintes de la longueur de l’album, qui affiche 73 minutes et, souvent, de la grande variété de styles composant
Abnormally Attracted to Sin, il convient de mettre les choses au point: l’album passe très bien et paraît bien moins long que certains de ses albums précédents, tels que
Scarlet’s Walk et American Doll Posse, qui étaient néanmoins excellents. Certains critiques ont argumenté que l’attention de l’auditeur se
relâche dans la dernière partie de l’album, poussant  ce dernier à rejouer séparément certains morceaux. Cependant, je ne suis pas persuadée que la durée en elle-même soit en cause
là-dedans. Si l’on prend un album tel que To Venus and Back (1999), avec lequel Abnormally Attracted to Sin entretient quelques points communs,
comme nous le verrons, il s’agit d’un disque de 48 minutes ne comportant que 11 chansons (son album le plus concis donc) et pourtant, certains titres ne coulent pas de source dès la 1ère écoute
et demandent du temps  avant d’en percevoir pleinement la force et la subtilité. Avant d’apprécier à leur juste valeur des titres comme « Juarez » ou « Datura » il m’a
ainsi fallu presque un an et demi: cet album m’avait pour moitié un peu déroutée car j’avais découvert Tori Amos avec un son beaucoup plus mélodieux, sensible, et je n’étaits en
outre pas une grande fan de musique électro. Tout dépend ensuite des affinités de chacun cependant, il me paraît désolant que ,de plus en plus , les journalistes de presse musicale ne semblent
pas réellement prendre le temps d’écouter un album et soient frustrés si chaque morceau écouté ne se révèle pas à eux de manière immédiate. La musique d’un artiste devrait être capable de grandir
en nous si elle est réellement bonne au lieu de se présenter comme un bonbon acidulé appétissant lors de sa mise en bouche mais qui perd toute saveur dès qu’on croque dedans (dédicacé au
Hard Candy de Madonna). Quant à la variété des styles musicaux, elle est bien intégrée et bien moins abrupte que sur son avant-dernier album,
American Doll Posse, qui passait d’une chanson à une autre de manière assez incohérente et déroutante dans sa dernière partie et il s’agit sans doute de son album le
plus homogène et cohérent depuis Scarlet’s Walk en 2002. D’ailleurs, comment pourrait-on lui reprocher de ne pas nous servir plus d’une quinzaine de chansons avec un son
identique?
Tori Amos dans la chambre d'hôtel très victorienne des photos de Abnormally Attracted to Sin
Venons-en à la musique, donc. Tori Amos est connue pour ne pas suivre de chemin balisé d’album en album et prendre souvent des chemins musicaux inattendus. C’est une
caractéristique qui constitue à la fois sa force et son intégrité d’artiste mais lui vaut également souvent des critiques (de la presse, de fans qui regrettent qu’elles ne refasse pas de musique
identique à leur album préféré).  De nombreux artistes restent musicalement sur les mêmes chemins musicaux d’album en album, soit pour satisfaire les attentes du public qui les ont
découverts et aimés avec un son ou des caractéristiques musicales particulières, soit parce-qu’ils ne possèdent pas nécessairement les capacités de composition nécessaires à donner une réelle
évolution à leur musique seuls. La découverte de chaque nouvel album de Tori Amos est en cela excitante et euphorisante puisqu’elle s’apparente à chaque fois à un cadeau
surprise: on ne sait jamais tout à fait ce qu’on va avoir mais on sait qu’on sera surpris et ravi, peut-être un peu dérouté au début, mais jamais (ou si peu) déçu. Peu d’artistes peuvent se
targuer de savoir manier si bien la composition musicale dans des styles qui pourraient paraître de prime abord éloignés les uns des autres: classique, pop, rock, électro, country, blues, jazz,
etc. et de se les approprier avec un naturel aussi désarmant au sein d’une oeuvre variée mais profondément cohérente. C’est donc avec impatience que j’attendais la sortie de ce nouvel opus … et
je n’ai absolument pas été déçue.Retour à un son électro

Tori Amos revient à un son plus électro dans son nouvel album Abnormally Attracted to Sin

L’album s’ouvre sur un titre troublant, sexy et sombre à la fois, au son électro très trip-hop, « Give », qui marque une ouverture très forte pour ce nouvel album. On pourrait penser à
une sorte de croisement entre le son électro de To Venus and Back et celui, plus sombre et langoureux, des titres de son alter ego Pip dans American Doll
Posse
(pour ceux qui ne connaîtraient pas l’album, elle s’était créé quatre personnages alternatifs, en plus d’elle-même, auxquels elle avait attribué différentes chansons aux
thématiques et styles différents). Le résultat est immédiatement addictif et envoûtant et annonce clairement un album musicalement bien différent de son prédécesseur, qui était un album de groupe
au sens où il s’agissait d’enregistrer avec ses musiciens un disque très influencé par le glam-rock des années 70 où, si le piano était central, guitare, batterie et percussions  jouaient un
rôle capital dans le son global. Ici, comme elle l’a elle-même déclaré lors de ses récentes interviews, si la mélodie est travaillée et le piano présent en nappe sonore, tout comme la batterie et
la basse, la qualité et le charme de l’ensemble tiennent plus à l’attention donnée aux arrangements, à la texture du son en lui-même. Le reste de l’album confirme d’ailleurs le soin et
l’importance accordée aux arrangements et comporte de nombreux titres au son électro, tels que « Flavor », « Abnormally Attracted to Sin », « Starling »…
Cependant, on n’est jamais tout à fait dans le pur électro mais souvent à mi-chemin avec le rock, la pop, le son conservant toujours une qualité organique derrière les nappes sonores de sons ou
d’instrumentations diverses. « Starling », par exemple, est un titre assez dépouillé, où la guitare et le piano sont trafiqués pour avoir un son assez électro, parfois au point de se
confondre, mais cela ne vient jamais polluer l’ensemble et abouti à une chanson fluide et texturée à la fois. Il y a aussi une présence certaine de titres rock, dont bon nombre sont de véritables
pépites, tels que « Strong Black Vine » (aux accord orientaux réminiscents de « Kashmir » de Led Zeppelin, comme cela a été dit à plusieurs reprises) ou
« Police Me », où elle se plaît à jouer avec sa voix, parfois jusqu’à la déformer, le tout accompagné de sons de guitare, batterie et claviers qui jouent sur les dissonances. On sent
que l’orientation rock très affirmée qu’elle avait attribué au personnage de Pip dans American Doll Posse et le plaisir qu’elle a eu à jouer ces titres sur scène lui ont
donné envie d’aller plus loin ici et j’attends pour ma part avec impatience de la voir interpréter sur scène ces titres déjà très puissants dans leur version studio, bien que « Police
Me » s’avérera sans doute déroutant aux oreilles de certains. Dans un genre pop plus simple et efficace, le single « Welcome to England », ainsi que « Fire to Your
Plain » s’avèrent très plaisants et réussis (le second était néanmoins ma bête noire lors de la 1ère écoute… comme quoi!) et même le léger « 500 Miles », que certains
qualifieront de semi-mièvrerie en comparaison au reste de l’album, se révèle finalement agréable à l’écoute, apportant une respiration bienvenue après le titre électro, dense et troublant qui
donne son nom à l’album, « Abnormally Attracted to Sin », qui fait partie des grandes réussites de cet opus.Des titres plus mélodieux aux arrangements de toute beautéD’autres titres nous permettent de retrouver Tori dans une veine plus mélodieuse à son piano, tels que le magnifique « Curtain Call », dont la beauté de la musique (au
son là aussi travaillé avec un petite tonalité rock-électro en creux) n’a d’égal que la noirceur que l’on devine clairement sous une douceur apparente (et qui rappelle en cela les deux titres
finaux de ADP, « Smokey Joe » et « Dragon »), ou encore « Maybe California », « That Guy » et « Ophelia ». « Maybe
California », belle balade triste (mais néanmoins emplie d’espoir) sur une mère de famille suicidaire est un des titres les plus dépouillés de l’album, assorti d’un orchestre à cordes et
d’une guitare acoustique de toute beauté. L’orchestre, dans la dernière partie de la chanson, par ses qualités lyriques, nous rappelle que Tori travaille actuellement sur une
comédie musicale pour le Théâtre National de Londres , ce que confirme également « That Guy », également accompagné d’un orchestre et sur lequel elle joue à étirer sa
voix avec une théâtralité assumée, faussement mielleuse, qui déstabilise de prime abord et nous pousse à nous pencher sur les paroles, qui créent en effet un sacré contre-point. L’utilisation de
l’orchestre en milieu de titre, qui monte en puissance de manière impressionnante, propulse la chanson dans la catégorie des meilleurs titres de l’album, avec une voix en outre très maîtrisée et
une progression inattendue et parfaite. « Ophelia » est du Tori plus traditionnel mais de toute beauté, une chanson mélancolique dont le piano nous ensorcelle et nous
hante dès les premières secondes et qui semble faire écho, musicalement et thématiquement, à une chanson telle que «Marianne » sur Boys for Pele et s’avère sans
doute le titre le plus émouvant de l’album.

Enfin, une tonalité jazz, évoquant l’atmosphère d’un lounge ou d’un cabaret, marque  « Mary Jane » et le morceau final « Lady in Blue ». La première est une courte
chanson de 2 minutes 40 là aussi très théâtrale et ouvertement humoristique (l’histoire d’un ado qui, souhaitant fumer tranquillement chez lui de la marijuana, fait mine de demander
l’autorisation à sa mère d’inviter chez eux une certaine « Mary Jane » afin qu’elle s’absente pour le week-end) à la mélodie aussi irrésistible que les paroles et la manière dont elles
sont prononcées sont hilarantes. Il s’agit en outre du seul titre où l’artiste apparaît en solo à son piano. « Lady in Blue » clôt magistralement l’album et ses 7 minutes sont un
véritable plaisir. Elle y chante d’une manière aussi jazz que l’est la mélodie, ce dernier point étant néanmoins contre-balancé par le fait que les 4 premières minutes du morceau possèdent un son
très space, le synthé étant préféré à la texture organique du piano, qui fait irruption à la fin. J’avais tout d’abord entendu ce morceau joué solo lors de sessions live enregistrées pour la
radio en début de mois et je craignais d’être décontenancée par les arrangements et l’orchestration de la version studio, que je savais être radicalement différents. Le titre, interprété
seulement au piano était tellement puissant en lui-même que j’avais peur que le son « space électro-lounge » et la présence des musiciens n’amenuisent son impact. Il n’en est rien:
« Lady in Blue » est un final qu’on se prend en pleine tête et qui nous captive définitivement lorsque, après avoir murmuré d’un air de défi « je peux jouer moi aussi »,
Tori/la dame en bleue se lance à corps perdu (ceux qui l’ont vue en live comprendront) dans un long solo endiablé accompagnée de ses musiciens qui jamment en rythme dans ce qui
s’avère être un bouquet final imparable et puissant. Une fin parfaite pour cet album qui est définitivement excellent et très abouti.

Religion et pouvoir


Tori Amos parle du pouvoir et de la dépendance qu'il entraîne au travers des chansons de Abnormally Attracted to Sin

Thématiquement, Tori Amos ne renonce pas à ses chevaux de bataille: la critique de la religion et du pouvoir et l’influence que ces derniers exercent sur l’individu au sein de la
société. Le titre de l’album, Abnormally Attracted to Sin (« Anormalement attirée par le péché »), qui est en fait une réplique extraite de la comédie musicale
Blanches colombes et vilains messieurs (1955) annonce d’emblée la couleur. Inspirée par les retombées qu’elle a pu constater, comme tout un chacun, de
la crise financière qui a frappé le monde il y a quelques mois, elle revendique de nouveau l’intime comme politique (comme l’attestent les photos de l’album, qui la montrent dans une chambre
d’hôtel bourgeoise très victorienne) et montre comment la position sociale, élevée comme échelle de valeur pour jauger le mérite d’une personne, tend à s’infiltrer insidieusement dans la chambre
à coucher dès lors que les hommes perdent subitement leur emploi. Les époux et pères de famille modèles s’écroulent et ne croient plus en eux (« That Guy ») tandis que leurs femmes,
impuissantes face à leur détresse, sombrent elles aussi et vont parfois jusqu’à contempler le suicide (« Maybe California »). Le rock et ténébreux « Strong Black Vine »
(« Forte Vigne/Lierre Noire ») évoque sans grande ambiguïté la soif de pouvoir qui s’est illustrée entre autres ces dernières années par la guerre en Irak, dont les images ponctuent la
vidéo associée à la chanson sur le DVD (le pétrole étant cette vigne noire, donc?) et « Police Me » dénonce ouvertement la paranoïa sécuritaire, où tout un chacun est désormais
abondamment surveillé (par les caméras, sur Internet…), classé…

Cependant, contrairement aux trois albums parus chez Epic, Abnormally Attracted to Sin n’est pas un concept album et les chansons savent se
faire apprécier en tant que telles, sans avoir besoin de les relier au sein d’un réseau complexe comme Scarlet’s Walk, dont le matériau intellectuel était impressionnant
de complexité et de subtilité mais, il faut l’avouer, assez dense lorsqu’on ne possède pas toutes les références associées aux chansons. La thématique centrale du pouvoir et des dépendances ou
inter-dépendances qu’il entraîne se traduit également dans des chansons plus intimistes et pensives telles que « Curtain Call » qui voit Tori s’interroger avec lucidité
sur sa place dans l’industrie musicale, ses paillettes et ses chausses-trappes (les dirigeants de labels faux-culs, les critiques, le risque de se laisser piéger par son image, la gloire…) ou
« Ophelia ».

« Ophelia » petite soeur de « Marianne »

Tori Amos reprend l'héroïne sacrifiée de Shakespeare dans sa chanson
Cette dernière, que j’ai rapproché plus haut de la chanson « Marianne » (sur Boys for Pele) s’adresse à une jeune fille (prénommée d’après la Ophélie de
Hamlet, victime expiatoire de la pièce de Shakespeare) prise au piège de relations masochistes dont elle ne parvient à s’extraire. La vidéo associée est
une des plus troublantes de l’album: Clyde (une des « dolls » de American Doll Posse) erre dans un cimetière et se trouve suivie par une Tori
arborant un masque de théâtre mortifère qui semble la défier. Tout aussi potentiellement tragique que « Marianne » (avec une lueur d’espoir dans le refrain où Tori
encourage la jeune fille à « briser la chaîne » de ses pulsions de mort), cette chanson fait également référence à la peinture pré-raphaélite de l’ère victorienne en citant deux
tableaux de Millais: Ophélie, d’après l’héroïne shakespearienne et The Eve of St Agnes, d’après une légende mettant en scène
une jeune vierge recluse dans sa chambre dans l’attente de son futur époux, reprise dans un poème par Tennyson. C’est là que la boucle ouverte avec « Marianne » est
bouclée, Millais ayant également peint un tableau nommé Marian (Mariana originellement) d’après un poème  que
Tennyson avait composé en faisant référence à un vers d’une pièce de Shakespeare où une certaine Mariana souffre dans l’attente de son époux. Ce dernier tableau
avait fait polémique auprès de l’Eglise catholique conservatrice car il représente une jeune femme bourgeoise recluse dans une pièce possédant des vitraux (l’Annonciation y est dépeinte) et qui
semble s’ennuyer ferme face à son ouvrage de broderie qu’elle a délaissé, se tenant debout, poitrine en avant et mains posées sur ses hanches (rondes et bien mises en valeur) dans une expression
de langueur ambivalente. Cette Marianne-là devint ainsi une des « femmes déchues » si chères à l’ère victorienne, dont les représentations, entre sacré et profane, abondent dans la
peinture et la littérature de l’époque. La figure de Marie-Madeleine, dont le rejet par l’Eglise est un sujet cher à Tori Amos (qui ne s’est pas cachée d’avoir écrit
« Marianne » pour symboliser, entre autres, le paradigme entre Marie la vierge et « Marie M ») n’est donc pas bien loin, Marianne venant d’ailleurs de marian qui est
un adjectif utilisé pour caractériser des éléments ou phénomènes liés à la Vierge Marie. Tout comme « Marianne », « Ophelia » a en outre été composé en Irlande.Des vidéos en 8 et 16 mm qui approfondissent les chansons

Image de la vidéo du single Welcome to England, extrait de l'album Abnormally Attracted to Sin de Tori Amos.

L’édition collector de l’album (qui n’existe qu’en version américaine ou anglaise, donc uniquement disponible par import ou commande Internet pour le reste du monde) contient, comme mentionné
précédemment, un DVD comprenant 16 vidéos (toutes les chansons de l’album à l’exception de « Mary Jane ») réalisées par Christian Lamb, un réalisateur qui s’est
notamment occupé des vidéos diffusées lors des concerts de Madonna, dont son actuel Sticky and Sweet Tour. A la base, Lamb avait été
engagé par Amos au moment de la tournée mondiale de American Doll Posse pour filmer quelques concerts et des images des coulisses qui devaient
constituer le matériau d’un DVD qui n’est pas encore paru à l’heure actuelle. Une partie de ces images consistaient à donner vie aux personnages ou « dolls » créées par l’artiste sur
son avant-dernier album afin de raconter leur évolution et leurs expériences au fil de la tournée. Les images de Lamb (filmées en numérique pour les concerts et 8 et 16 mm pour
le reste) inspirèrent vite la chanteuse qui commença aussitôt à composer de nouvelles chansons. Après la fin de la tournée, elle écrit les derniers morceaux de Abnormally Attracted to
Sin
et partit tourner des vidéos supplémentaires avec le réalisateur. On devine d’ailleurs assez facilement (du moins à priori) les vidéos dont les images ont été tournées au moment
de la tournée et celles qui ont été spécialement conçues dès le départ pour aller avec les nouvelles chansons, bien que les « dolls » (que Tori semble avoir du mal à
lâcher) apparaissent sur toutes ces vidéos à un moment ou un autre. Ainsi « Fast Horse », « Not Dying Today » ou « Welcome to England » datent de manière
quasi-certaine de 2007 (Tori avait arboré le costume à paillettes à l’effigie du drapeau américain lors de son concert du 4 juillet à Londres) tandis que « Ophelia »,
peut-être la vidéo la plus élaboré, a été tournée après.

Un voyage semi-documentaire
Les images de certaines vidéos présentent sur le DVD bonus de Abnormally Attracted to Sin avaient été tournées lors de la précédente tournée de Tori Amos
Tori Amos a nommé ces vidéos des visualettes car elles n’ont rien de commun avec les clips qui accompagnaient jusque-là ses albums et se rapprochent plus de mini-films muets. Le
8 et 16 mm utilisé pour filmer les vidéos en décontenancera plus d’un malgré un joli rendu car cela donne aux vidéos un aspect assez désuet de semi-documentaire filmé caméra à l’épaule que
certains pourront trouver en apparence un peu amateur. Cependant, le résultat est intéressant bien que certaines vidéos souffrent un peu trop d’avoir été filmées durant la tournée: elles ont
inspiré Tori, donc on a certes une vision intéressante, en creux, de son processus créatif mais on sent un peu trop que les images ont été ficelées entre elles pour constituer
une vidéo pour les chansons associées et semblent de fait un peu molles et illustratives. Néanmoins, le reste des vidéos s’en sort très bien. Le DVD commence ainsi fort avec « That
Guy » dont les images, troublantes (Tori ou Clyde se promenant dans les rues la nuit, s’aventurant dans un sex-shop…), nous donnent une autre perspective sur la thématique
de la chanson  suivie de « Give » mettant en scène la sexy Santa dans un bar sirotant un Martini blanc (vidéo simple mais efficace). « Flavor » est également charmante,
Clyde (?) voguant sur une pirogue au soleil, berçant dans ses bras un bébé alligator. « Strong Black Vine » dont nous avons déjà évoqué les images de la guerre en Irak utilisées dans un
montage efficace en forme de réquisitoire contre les excès du pouvoir est une des réussites du DVD, tout comme « Ophelia » dont nous avons parlé plus haut. Le voyage semble être un fil
rouge qui parcourt ces vidéos, Tori et les dolls étant souvent montrées en train de marcher, se promener ou errer au choix (un élément emprunté au projet du DVD de la tournée,
qui devait s’intituler The Road Chronicles?) au fil des vidéos, le voyage s’achevant… dans une église où Tori retourne pour régler ses
comptes avec « Abnormally Attracted to Sin » (les vidéos sont présentées dans un ordre différent de celui des chansons sur le cd). Inégal par moment, cet ensemble de vidéos s’avère dans
l’ensemble intéressant et, s’il n’explicite pas nécessairement les chansons (chose sur laquelle il ne faut pas compter avec Tori Amos) il offre une vision parallèle qui permet
d’approfondir la relation aux chansons, thématiquement notamment et compte plusieurs belles réussites.Musicalement affirmé, très abouti au niveau de la production et des arrangements, Abnormally Attracted to Sin est un des meilleurs albums des années 2000 dans la
discographie de Tori Amos. Un album où aucun titre n’est à jeter malgré ses 17 chansons (bien que 2-3 soient relativement plus faibles) et qui marque un retour à un son plus
électro et plus travaillé dans la musique de l’artiste, tout en s’avérant différent de ses prédécesseurs. Tori Amos démarrera sa tournée mondiale aux Etats-Unis en juillet et
sera en Europe dès la rentrée. Elle sera au Palais des Congrès à Paris le 3 octobre, les réservations ouvrent le mardi 26 mai. On a hâte de la retrouver.
Lisez également une excellente critique de l’album sur Forces Parallèles.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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