Caractéristiques
- Titre : Etreintes Brisées
- Titre original : Los abrazos rotos
- Réalisateur(s) : Pedro Almodóvar
- Avec : Penelope Cruz, Lluís Homar, Blanca Portillo, José Luis Gómez, Rossy De Palma, Ángela Molina…
- Distributeur : Pathé Distribution
- Genre : Drame, Thriller, Romance
- Pays : Espagne
- Durée : 127 minutes
- Date de sortie : 20 mai 2009
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Trois ans après Volver, Pedro Almodóvar retrouve Penelope Cruz et le Festival de Cannes. Et s’il est reparti bredouille de la cérémonie, c’est un très beau film d’amour tout en flash back qu’il nous offre. Harry Caine est un écrivain aveugle qui vit des scénarios qu’il écrit à l’aide de Diego, le fils de sa meilleure amie et ancienne directrice de production, Judit. Car quatorze ans auparavant, Harry s’appelait Mateo et travaillait en tant que réalisateur sur un film qu’il ne termina jamais. Suite à un drame impliquant une certaine Lena, il choisit de considérer Mateo comme mort, et se fait alors appeler Harry, le nom d’un de ses personnages de fiction. Mais le fils d’un riche industriel va s’en mêler et le passé de Mateo va remonter à la surface et l’obliger à faire face…
Un film poignant sur le passé, plus distancé que les classiques du cinéaste
Un instant, on serait tentés de dire qu’il s’agit d’un pur Almodóvar : histoire passionnelle et un rien alambiquée, ambiance sombre et colorée à la fois, maestria visuelle… Mais est-ce seulement un reproche quand on connaît la richesse de l’univers du cinéaste espagnol ? D’ailleurs, si on a beaucoup dit (à raison) que le film s’inspire assez fortement du film noir, Etreintes Brisées est fort différent d’un film tel que La Mauvaise Education, qui avait divisé l’opinion en raison de l’éclatement assez radical de son histoire qui, dans sa dernière partie, avait tendance à partir dans tous les sens. Ici, bien que le film soit monté en flash backs, les différents niveaux de l’intrigue sont clairs et donnent une véritable force au récit, le passé remontant par vagues successives pour submerger l’écrivain et le spectateur avec.
Certains se sont plaints du « manque d’émotion » du film, ce qui est, à notre sens, faux. Le cinéaste a certes fortement marqué les esprits ces dix dernières années avec deux films sublimes et bouleversants : Tout sur ma mère (1998) et Parle avec elle (2002). Depuis, sans doute une partie du public du cinéaste (voire de la critique) attend-elle qu’il refasse des films avec la même charge émotionnelle, laissant le spectateur sous le choc et en larmes à la fin de la projection. Cependant, reprocher aux Etreintes Brisées de ne pas avoir la même dimension émotionnelle est un faux procès dans la mesure où l’histoire est très différente de celle des deux films cités.
Tandis que ces deux films étaient ouvertement des mélodrames dont le plus gros de l’intrigue dramatique se déroulait dans le présent (malgré, il est vrai, un certain poids du passé), la majeure partie de ce film est tournée vers le passé, le spectateur découvrant en même temps que Diego, le fils de Judit, l’histoire tragique de Mateo et Lena. Et, bien qu’il se présente en partie sous la forme d’un thriller, tous les enjeux du film sont orientés vers ce passé, qu’il s’agit pour Mateo/Harry d’affronter pour mieux en faire le deuil. Mateo est « mort » au début du film et la question principale est de savoir s’il se cache encore quelque part sous Harry et sera capable de faire la paix avec son histoire.
C’est une histoire sombre et sereine, malgré le passé agité du héros et il n’y a, en fin de compte, pas de twist-over à la manière de Parle avec elle, La Mauvaise Education ou Volver : pas de violeur insoupçonné, pas de père incestueux ou de frère meurtrier. Le film est simplement le récit triste mais tranquille (malgré des flash backs qui ne le sont pas !) d’un homme qui doit accepter de remonter dans le passé pour affronter ses démons, et retrouver sa créativité et, en fin de compte, terminer son film d’une manière ou d’une autre, quoi qu’il lui en coûte. En cela il s’avère extrêmement poignant.
Penelope Cruz dans l’un de ses meilleurs rôles
A cela, il faut bien entendu ajouter la présence de l’incroyable Penelope Cruz, qui doit définitivement ses meilleurs rôles à son cinéaste fétiche : innocente et manipulatrice à la fois, ambivalente et attendrissante, elle trouve, avec Tout sur ma mère et Ouvre les yeux (d’Alejandro Amenabar, 1998) un de ses meilleurs rôles. Fou d’actrices, le cinéaste n’hésite pas à mettre un film dans le film : celui, inachevé, de Mateo… avec des prises où Lena, qui veut être actrice, joue extrêmement mal !