Le 22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy était abattu d’une balle dans la tête à Dallas. De cet événement tragique, c’est tout un mythe qui a émergé, celui de l’ère Camelot, du nom du légendaire royaume du roi Arthur. Tant d’espoirs résidaient en Kennedy que nombreux sont ceux qui ont imaginé – souvent de manière utopique – ce qu’il aurait pu accomplir si le destin en avait décidé autrement. L’expression vient en fait de la comédie musicale Camelot, qu’appréciait le président américain et de cette phrase en particulier : « Don’t let it be forgot/that once there was a spot/for one brief shining moment/that was known as Camelot ». (« N’oublions jamais qu’autrefois il exista pendant un bref instant un endroit qui se nommait Camelot ») Comme si cette brève période d’espoir et d’optimisme n’avait été qu’un mirage avant l’irrémédiable perte de l’innocence.
We had a dream
Ces images du cortège présidentiel sont devenues légendaires et c’est de celles-ci que Lana Del Rey a décidé de s’inspirer pour son clip « National Anthem ». On retrouve en introduction la chanteuse reprenant en clin d’oeil l’apparition de Marilyn Monroe pour l’anniversaire de Kennedy. Sauf qu’au lieu de chuchoter le fameux « Happy Birthday to You », elle susurre des phrases un peu plus ironiques sur la politique actuelle en ces temps troublés de crise économique. Et c’est là, que, sans se départir de son look sixties, s’esquisse une vision très actuelle de la politique d’Obama. On retrouve un jeune président noir, un assassinat à la fin… mettant en exergue la désillusion des démocrates après la victoire de leur candidat. Ou comment, malgré tous les espoirs placés en lui, les Américains n’ont pas échappé – comme le reste du monde – à la dure réalité du monde actuel et se sont retrouvés avec un président aux nombreuses qualités mais au champ d’action plus limité que ce qu’ils auraient souhaité. « Yes, We Can » ? Oui, mais peut-être pas de façon aussi idyllique que ce que le peuple américain (et le reste du monde ?) aurait aimé si l’on en croit la vague de critiques que sa politique a essuyé passé la phase d’euphorie après la victoire. Un président noir démocrate, un fait historique certes, mais qui n’efface pas toutes les difficultés politiques inhérentes à nos temps troublés.
La victoire d’Obama : un autre Camelot ?
De cette déception (y compris dans le camp démocrate) est tiré le clip de Lana Del Rey, qui nous refait avec force emphase un mini-Camelot où elle incarne rien de moins que la Première Dame, un mélange entre Marilyn Monroe (of course !) et Jackie Kennedy. On voit la vie de ce couple jeune, cool et glamour (avec un président très hip-hop, à l’image de la chanson), incarnation de cette utopie d’une Amérique mixte et unie, blacks et WASPs main dans la main, dans des images où l’argent ne semble pas poser problème… Jusqu’à la chute finale, attendue, avec une Lana qui murmure des paroles sur la grandeur de l’homme et l’immensité de cette perte. Et semble poser en creux cette question : le monde a-t-il rêvé Obama plus grand qu’il ne l’est ? Peut-il encore relever le défi et, si tel est le cas, le peuple peut-il encore voir que la tâche à accomplir est telle que les attentes et les espoirs qui sont nés de sa victoire surpasserons toujours la réalité ?
En ce sens, la chanteuse aux allures de femme fatale a réussi à insuffler à son clip un peu de poil à gratter et de matière à réflexion au sein d’une vidéographie jolie mais qui est souvent restée en surface, avec quelques facilités (« Ride », « Blue Jeans »…). Et prouve que c’est bien dans sa veine rétro et « arty » qu’elle tire le mieux son épingle du jeu, à l’image de « Video Games » ou, plus récemment, « Summertime Sadness ».