[Critique] Les Ardennes : maladroit mais tout de même accrocheur

Caractéristiques

  • Titre : Les Ardennes
  • Titre original : D'Ardennen
  • Réalisateur(s) : Robin Pront
  • Avec : Jeroen Perceval, Kevin Janssens, Veerle Baetens
  • Distributeur : Diaphana Distribution
  • Genre : Thriller
  • Pays : Belgique
  • Durée : 93 minutes
  • Date de sortie : 13 avril 2016
  • Note du critique : 6/10

Quand le marketing survend un film

Décidément, le cinéma Belge a le vent en poupe ces derniers temps. Si Belgica n’était pas une totale réussite, on ne peut pas nier que le film a formellement accroché son monde, prouvant que ce pays a plus que jamais son mot à dire. Premier long métrage pour son réalisateur Robin Pront, Les Ardennes fait le chemin depuis le théâtre, puisque ce thriller était, à l’origine une pièce. Le mélange de cette écriture inévitablement typée spectacle vivant, et d’une culture ultra-référencée du réalisateur (annoncée dès l’affiche du film) rendait le projet intéressant. Commet cela se traduit-il sur la toile ?

Les Ardennes débute alors qu’un cambriolage connaît un sacré échec. Dave (Jeroen Perceval) et Sylvie (Veerle Baetens) s’en sortent de justesse et prennent la fuite, laissant Kenneth (Kevin Janssens), le frère du premier, derrière eux. Quatre ans plus tard, Kenneth sort de taule et revient en ville, toujours aussi violent dans le caractère. Souhaitant reprendre sa vie libre là où il l’avait quitté pour l’enfermement, il se met en tête de se remettre avec Sylvie. Problème, cette dernière est dorénavant en couple avec Dave, et vivent cet amour caché, dans le but d’enfin se « ranger ». Bien vite, Kenneth se doute de quelque chose, et commet l’irréparable : il assure avoir tué l’amant et contacte son frère afin de se sortir de ce mauvais pas…

Les Ardennes présente bien des aspects du thriller typique de son temps. Visiblement, Robin Pront a beaucoup ingéré, a bien assimilé les codes du genre et, surtout l’enrobage qui les accompagne depuis un certain temps. Photo dépressive qui délave les couleurs et créé une ambiance sombre, musique qui souligne l’action, violence exacerbée d’un personnage qui va contaminer les autres. Les cordes sont là, bien visibles, et ne marchent que partiellement. Car Les Ardennes, s’il réussit son coup sur l’ambiance, la force de ses personnages, voire la brutalité de certaines situation, a du mal à totalement nous convaincre côté scénario.

Un récit en retrait, au profit d’une forme efficace

image les ardennes

Les Ardennes fait le choix, maîtrisé donc assumé par Robin Pront, de privilégier le style sur le récit. Certes, l’on est charmé par la réalisation, et le rythme fait que le spectateur ne s’ennuie jamais. Alleluia, autre thriller Belge, a prouvé cependant que l’équilibre entre beauté visuelle et écriture cohérente, aussi stylisée qu’un joli travelling, est une donnée indispensable pour ce genre d’œuvre. En effet, comment intéresser le spectateur, créer en lui le suspens, sans fabriquer de l’intérêt pour le récit, notamment en le prenant au sérieux ? Les Ardennes ne répond pas vraiment à cette question, avec ces personnages qui, certes, provoquent des émotions, une atmosphère, mais n’existent pas vraiment dans les imaginaires qui habitent une salle obscure. La faute se retrouve placardée sur l’affiche du film : « Aussi puissant que Fargo, Trainspotting et les premiers films de Tarantino« . Que des films excellents, mais dans un style bavard, à tendance comique derrière le genre premier (le policier) qui, en fait, ne sied pas au film de Robin Pront.

Les Ardennes aurait gagné à se prendre un peu plus au sérieux. Tout comme pour Belgica, qui loupait le coche sur son sujet principal au profit d’un focus ampoulé sur la musique, le film de Robin Pront semble ne jamais devoir faire décoller son thème principal, soit cette dualité entre une vie rangée et celle du banditisme. Le conflit entre les frères ne débute que très tard, et enrobé d’une situation qui dédramatise totalement la situation. On a pouffé de rire à l’apparition animalière que vous ne manquerez pas de savourer, mais très vite on se demande ce que peut bien signifier une telle volonté. Et la seule réponse qui se fait entendre est que Les Ardennes fait partie de ces films cyniques, qui refusent de se tourner totalement vers son univers, au profit de l’exercice de style.

Malgré tout, il serait injuste de poser le bonnet d’âne sur Les Ardennes. Si l’on est, vous l’aurez compris, réservé sur l’aspect purement thriller du film et le développement des thèmes, on l’est beaucoup moins dans ce qui sera savouré, effectivement, par les fans de Tarantino. Les personnages secondaires apportent une grosse dose d’étrangeté, voire de danger, et les dialogues sont juste ce qu’il faut de savoureux sans que ça ne fasse sur-écrit. D’ailleurs, le casting dans son ensemble est très convaincant, avec un coup de cœur pour Veerle Baetens, qui nous a même émue dans son rôle de jeune femme qui change, qui mue, en voulant redresser la barre, se tirer d’une bien mauvaise passe. Les Ardennes, malgré tout, nous accroche sur ces points, et sa mise en scène de qualité, gentiment référencée (notamment un joli clin d’œil à un certain trans-trav d’un certain film de Scorsese) nous pousse à croire que le prochain film de Robin Pront sera surement plus abouti.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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