Caractéristiques
- Titre : Suburra
- Réalisateur(s) : Stefano Sollima
- Avec : Pierfrancesco Favino, Greta Scarano, Elio Germano, Alessandro Borghi, Jean-Hugues Anglade
- Editeur : TF1 Vidéo
- Date de sortie Blu-Ray : 19 avril 2016
- Date de sortie originale en salles : 9 décembre 2015
- Durée : 130 minutes
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- Note : 8/10 par 1 critique
Image : 5/5
Si vous avez loupé Suburra en salles (ndlr : tout comme nous, malheureusement), vous pourrez vous consoler en vous disant que le master de cette édition TF1 Vidéo est nickelle en tous points. Les dégradés, la résolution, le piqué, tous les voyants sont au vert.
Son : 5/5
Comme pour l’image, TF1 Vidéo nous livre un gros travail sur le son. Suburra est proposé en 5.1 DTS-HD Master Audio, en version Française ou originale sous-titrée. On ne cache pas que le doublage dans la langue de Molière n’arrive pas à la cheville du jeu d’acteur de base, mais les deux pistes sont également recommandables en terme de qualité : équilibre entre voix et bruitages, musique très bien mise en valeur, aucun souffle. Le pied. Les spectateurs habitués au casque seront très heureux de la présence d’un Audio 3D, qui fait bénéficier d’un son multicanal sur toutes sortes de casques. Autre très bonne chose : sont de la partie des sous-titres pour sourds et malentendants.
Bonus : 2.5/5
Pour seul bonus dans cette édition Blu-ray de Suburra, de petites featurettes raccordées pour créer un « Coulisses du film » long de 18 minutes mais pas spécialement profond. On est tout de même assez impressionné par tout le passage sur la gestion de la pluie, qui fut un véritable calvaire sur le tournage. Et l’édition propose une copie digitale de l’œuvre.
Synopsis
Les faits se déroulent en novembre 2011. Le film aborde la bataille politique et criminelle pour la conquête d’Ostie, destinée à devenir un paradis des jeux de hasard. Les personnages sont le député Filippo Malgradi (Pierfrancesco Favino), Numéro 8 (Alessandro Borghi), chef d’une famille criminelle qui gère le territoire, Sebastiano (Elio Germano), un jeune organisateur d’événements, différents religieux corrompus et des chefs mafieux rivaux comme « Samourai » (Claudio Amendola), représentant de la faction la plus crainte du crime organisé à Rome. Tous ces personnages révèlent un système de corruption, d’illégalité endémique et ramifiée.
Le film
Si le cinéma italien de genre n’est pas mort, disons qu’il est plongé dans un coma qui peut nous laisser l’espoir d’un réveil. Romanzo Criminale, Gomorra, Les Cent Pas, Hungry Hearts, A.C.A.B, Les Âmes Noires, Dracula 3D (non, on déconne), quelques signes nous rappellent à quel point ce grand malade fut une valeur sûre du cinéma mondial. Adaptant le roman éponyme signé Giancarlo de Cataldo, et réalisé par le grand espoir Stefano Sollima (oui, fils de Sergio mais absolument pas un parvenu), Suburra est sans doute l’un des chefs de file de cette relance certes timide en nombre, mais très intéressante qualitativement parlant.
Suburra est autant l’un des plus grands films d’auteur venu d’Italie depuis un moment, qu’une incroyable charge contre la société transalpine (tout du moins), le tout soutenu par une esthétique d’une maîtrise surprenante de qualité. Le film débute en instaurant avec talent le bordel dans lequel est plongé la Botte depuis bien trop d’année. Gomorra s’intéressait à Naples et les ramifications de la Camorra, Suburra s’intéresse à la ville Italienne, qui reste sans aucun doute la plus terriblement et véritablement minée par les forces de l’ombre : Rome. Rapports entre le monde religieux et les mafias, pressions des « familles » à tous niveaux, instabilité chronique des dirigeants, scandales sexuels qui tiennent les politiques, tout est installé avec une aisance scénaristique tout simplement bluffante.
Ce récit s’appuie sur des personnages convaincants, à tel point que Netflix a parié sur cette force pour lancer une future série Suburra prévue pour 2017. Ces différents protagonistes symbolisent tous l’échec de l’Italie politique et citoyenne, Stefano Sollima décrit une Rome sombre, où les âmes sont aussi souffrantes que le système. Numéro 8 symbolise à lui seul l’échec de la société Italienne (et européenne au bout du compte), incapable de donner à la jeunesse l’envie de réussir autrement que par la violence, les actes délictueux, en bref l’ascension sociale facile prônée jusque dans certains recoins de la culture (une grosse partie du rap est en ligne de mire). Filippo Malgradi est un résumé de tout ce qui fait la méfiance d’un peuple Italien conscient mais d’une hypocrisie ahurissante, autre point commun avec ses équivalents européens. D’ailleurs, Sebastiano exprime cette tartuferie populaire, qui au final explosera dans un déchaînement de violence qui, finalement, ne fait rien avancer. L’inquiétant « Samourai » personnifie cette mafia aux contours faussement rassurants, étrangement calmes mais véritable gangrène qui grignote inexorablement du terrain.
Pour incarner cette galerie de portraits forts qui habitent Suburra, il fallait un casting qui puisse apporter à l’écran toute la symbolique de l’écriture. Ça tombe bien, c’est le cas, avec un net coup de cœur pour l’utilisation qui est faite de cette sacrée gueule qu’est Claudio Amendola. La direction des comédiens de Stefano Sollima est un sans-faute, avec une gestion de l’évolution des personnages qui fait sentir une véritable progression. D’ailleurs, la grande confirmation du film n’est autre que son réalisateur. On refuse de rentrer dans le jeu des comparaisons filiales, cependant nous ne pouvons qu’apprécier cette justesse de l’analyse sociale, grande force de son père (courrez voir Le dernier face à face, Colorado, Saludos Hombre ou La cité de la violence) mais aussi une maîtrise formelle bluffante. Certains plans aux mouvements ambitieux et jubilatoires nous redonnent espoir en un cinéma esthète que l’on a tendance à penser de moins en moins mis en avant, au profit du foutoir désorganisé de certaines grosses productions.
Au final, Suburra est un énorme coup de cœur. Seul petit regret, le fait que la renonciation du Pape ne soit qu’un élément du climat de fin des temps qui pèse sur le film. Si les rapports étranges que le Vatican entretien avec « les familles » sont évoqués, et dans le bon ton (hors de question de faire de l’Église la responsable principale d’une situation qui englobe l’ensemble de notre société), on sent que le personnage du Cardinal Berchet, interprété par Jean-Hugues Anglade, n’a pas le relief escompté. Coupé au montage ? Peut-être, mais peut-être au profit d’un rythme entêtant, qui scotche le spectateur. Suburra est à la fois un excellent film de genre, qui nous fait vivre bien des situations tendues au possible, et la vision honnête d’un auteur-citoyen qui voit son époque marcher sur la tête, politiquement et humainement. Un très grand film.