[Critique] Tu ne tueras point : Mel Gibson revient pour le film de l’année

image affiche tu ne tueras pointCaractéristiques

  • Réalisateur : Mel Gibson
  • Avec : Andrew Garfield, Vince Vaughn, Teresa Palmer
  • Distributeur : Metropolitan Filmexport
  • Genre : Guerre
  • Durée : 131 minutes
  • Sortie : 9 novembre 2016

Critique

Après des années et des années de blacklistage par un Hollywood qui a décidément bien du mal à pardonner les errements humains, Mel Gibson revient derrière la caméra en cette fin d’année 2016 avec Tu ne tueras point. Un événement pour tout amateur de cinéma grandiose (La Passion du Christ, Braveheart), buriné (Apocalypto) et même sensible (L’homme sans visage). Dix ans après son dernier film en tant que réalisateur, “Mad Mel” se devait de prouver que son talent est resté intact, et pour cela il choisit un sujet hors du commun, doublé d’une histoire vraie extraordinaire. Attention, grand film.

Tu ne tueras point débute alors que la Seconde Guerre mondiale se déclare dramatiquement. Desmond, un jeune américain, est alors confronté à un dilemme : comme n’importe lequel de ses compatriotes, il veut servir son pays, mais toute forme violence est incompatible avec ses croyances et ses principes moraux. Il s’oppose ne serait-ce qu’à tenir une arme, s’en servir et refuse d’autant plus de tuer. Il s’engage tout de même dans l’infanterie comme médecin. Son refus de passer outre ses convictions lui vaut d’être rudement mené par ses camarades et sa hiérarchie, mais c’est armé de sa seule foi qu’il entre dans l’enfer de la guerre pour en devenir l’un des plus grands héros. Lors de la bataille d’Okinawa sur l’imprenable falaise de Maeda, il réussit à sauver des dizaines de vies seul sous le feu de l’ennemi, ramenant en sûreté, du champ de bataille, un à un les soldats blessés.

Mel Gibson unleashed

image teresa palmer tu ne tueras point

Tu ne tueras point est ce genre de film qui, par sa simple existence, porte déjà une foule d’espoirs en lui. Vous l’aurez remarqué, le thème de la foi au cinéma n’est pas des mieux traités par le septième art moderne, la grande majorité des réalisateurs préférant se ranger au côté de celles et ceux qui résument les croyants à une horde de pédophiles hystériques et de patriarches assoiffés d’une domination sans faille sur le pauvre sexe féminin. Heureusement, Mel Gibson revient de cellule de dégrisement pour botter des derrières et remettre les choses en ordre. Non, la religion n’est pas qu’un programme de domination des uns sur les autres, comme ont pu le croire certains cinglés d’un autre temps. C’est aussi un réceptacle à volonté, à valeurs que votre dévoué serviteur ose qualifier de fondamentalement saines. Et Tu ne tueras point le rappelle de la plus forte des façons.

La problématique de Tu ne tueras point est à la fois simple et bigrement sophistiquée : comment participer à une guerre en désirant ardemment respecter l’un des dix commandements de la Bible ? Pour répondre à cette question apparemment farfelue, Mel Gibson est allé chercher une histoire vraie, et pas n’importe laquelle : celle de Desmond Doss, médaillé d’honneur pour avoir sauvé la vie d’approximativement 75 personnes… sans en avoir pris une seule. Plus qu’un exploit, un véritable miracle à hauteur humaine, qui rappelle à quel point la volonté règne sur toute chose. Tu ne tueras point raconte cela à la perfection, avec son récit en trois actes. Tout d’abord, Desmond doit faire accepter à celle qui sera sa femme qu’il désire défendre son pays sur le terrain, ce qui donne une ouverture étonnamment sensible, équilibrée dans les forces en présence, et notamment dans les raisons de cette volonté hors norme du personnage. Non, tous les croyants ne sont pas des humains purs et pieux, il n’a jamais été question de le faire croire et le père du protagoniste, alcoolique depuis sa participation à la Première Guerre Mondiale, est là pour le rappeler. Cette première partie de Tu ne tueras point se termine dans une explosion de sentiments, dans un plan romantique très “à l’ancienne” purement jouissif. Le pied.

Un film d’une puissance rarement vécue au cinéma

image critique tu ne tueras point

Puis, dans la seconde partie de Tu ne tueras point, Desmond combat carrément l’armée elle-même, qu’il va devoir plier à sa vision du monde : il veut sauver des vies, mais ses valeurs chrétiennes lui interdisent d’en prendre une seule. Ce deuxième acte fait grandement penser au premier de Full Metal Jacket sur bien des aspects. D’ailleurs Mel Gibson en est conscient et en joue, notamment en osant citer quelques plans du grand film de Kubrick. Comme pour la première partie plus sentimentale, la seconde se clôt avec un point culminant marquant, qui met brillamment en avant la personnalité complexe du père. Il faut croire que tout, dans cette histoire, est réuni pour le propos : le pardon, expression humaine parmi les plus nécessaires, est ici évidemment primordial (n’est-ce pas, Hollywood ?). Sans avoir infléchi sur ses conditions de participation à la guerre, Demond rejoint le champ de bataille pour une troisième partie grandiose, hors du commun, d’ores et déjà rentrée au Panthéon du film de guerre. C’est un fait avéré, Gibson mérite amplement son surnom de “Mad Mel”, et avec Tu ne tueras point il a décidé de consolider cela. Desmond y incarne l’espérance sur pattes, au milieu d’un véritable Enfer enfumé, explosif et saignant. On ne vous en dira pas plus, pour ne pas trop vous spoiler ce que ce spectacle ahurissant vous réserve, mais sachez que l’ignominie de la guerre y est rendue à la perfection. Signalons que le metteur en scène n’hésite pas à y aller à fond les ballons, en se faisant plaisir, ce qui donne aussi un aspect film d’action succulent, et terriblement violent. Le pied, qu’on vous dit, mais pas pour tous public.

Tu ne tueras point se termine avec des images d’archives, Mel Gibson ayant eu la politesse de rendre hommage au vrai Desmond Doss, à sa trajectoire qui, on en fait le pari, vous laissera abasourdi en fin de séance. Il y a, dans ce personnage, quelque chose de l’ordre du Messie, d’ailleurs on remarquera que le réalisateur utilise beaucoup, comme dans La Passion du Christ, ces plans en contre-plongée qui se chargent de donner un relief vertigineux au calvaire du protagoniste. L’affiche, en ce sens, donne déjà bien des indices : oui, Desmond Doss semble baigné de Lumière, quand autour de lui tout n’est que chaos et boucherie. Tu ne tueras point s’avère être un film sur la motivation, totalement en dehors de tout rapport au patriotisme (aucun drapeau n’est mis en avant), et délivre un message hautement précieux. Avant d’en venir à la fin de cet article, impossible de ne pas signaler deux autres grandes qualités de cette œuvre : le casting globalement en très grande forme, chacun semble habité, avoir été mis en condition par un metteur en scène dont on relève encore son talent pour la direction de comédiens. Oui, même Andrew Garfield y est très convaincant, c’est dire. Aussi, la bande originale signée par l’inégal Rupert Gregson-Williams s’en tire avec les honneurs, avec assez peu de thèmes finalement, mais tous très identifiables et surtout mémorables. Tu ne tueras point est donc une réussite jusqu’au bout des ongles, qui signe le grand retour d’un des auteurs de films d’action les plus doués de notre temps. Si vous ne deviez voir qu’un film en cette fin d’année, ce serait celui-là à n’en pas douter une seconde !

image andrew garfield tu ne tueras point

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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