Caractéristiques
- Titre : Désir Meurtrier
- Titre original : 赤い殺意, Akai satsui
- Réalisateur(s) : Shohei Imamura
- Avec : Ranko Akagi, Masumi Harukawa, Haruo Itoga, Yoshi Katō
- Editeur : Elephant Films
- Date de sortie Blu-Ray : 15 novembre 2016
- Date de sortie originale en salles : 1964
- Durée : 152 minutes
- Note : 7/10 par 1 critique
Image : 4/5
Elephant Films nous propose Désir Meurtrier dans un bien joli master, plutôt stable tout du long. Le noir et blanc manque peut-être d’un peu de profondeur sur une poignée de plans, mais la majeure partie du temps il est resplendissant. Définition jamais prise en défaut, marques du temps réduites à leur minimum malgré quelques persistances ça et là, bref l’éditeur nous place dans de très bonnes dispositions.
Son : 5/5
Désir Meurtrier est proposé uniquement en version originale, sous-titrée en français, dans une piste Dolby Digital Mono 2.0. Un sans-faute, et l’on sait à quel point il était important d’assurer un rendu de haut niveau pour ce film de Shohei Imamura, qui multiplie les bruitages d’ambiance de manière documentaire, pour mieux intégrer le réalisme à la narration. Un petit souffle se fait entendre de temps en temps, encore faut-il être doté de tympans bioniques. Décidément, Elephant Films nous gâte.
Bonus : 2/5
On retrouve Stephen Sarrazin, spécialiste du cinéma japonais et plume dans Objectif Cinéma. Sa présentation, longue de onze minutes, décrit plutôt bien le contexte artistique dans lequel s’inscrit Désir Meurtrier, sa place dans la filmographie de Shohei Imamura. Cette introduction est accompagnée des habituelles galeries photos et bandes annonces.
Synopsis
Après avoir accompagné son mari à la gare et envoyé son fils chez sa belle-mère, Sadako est suivie jusque chez elle par un jeune homme. Celui-ci force la porte de sa maison et la viole. La jeune femme, humiliée, en garde le secret. Quelques jours plus tard, Hiraoka, revient et lui explique que, malade du cœur, il ne lui reste que peu de temps à vivre. Une passion déchaînée va lier ces deux amants et Sadako ne voit qu’une seule issue : la mort.
Le film
Désir Meurtrier fait figure de film-somme dans la filmographie du réalisateur Shohei Imamura (Le Pornographe, Mon Deuxième Frère). En effet, on y retrouve bien des obsessions de l’artiste, aussi bien dans le formel que dans le fondamental. Tout d’abord, l’auteur creuse le rapport hypocrite du Japon de l’époque avec la sexualité et, dans une mesure toute aussi forte, avec le rapport à la féminité. Imamura prend comme sujet d’étude Sadako, parfaitement interprétée par la flamboyante Masumi Harukawa, jeune femme un peu ronde dont le destin semble conditionné par des éléments qu’elle ne maitrise pas. Fatalité quasi divine, et signification par l’image qu’on ne choisit pas sa naissance, Désir Meurtrier pose avec grand soin les bases d’une situation qui ne peut qu’exploser.
Et ce qui devait arriver arriva. Car, dans Désir Meurtrier, les chemins sont comme tracés à l’encre indélébile. Alors que la jeune femme n’est qu’un objet aux yeux de sa belle-mère (cette dernière prenant un malsain plaisir à lui rappeler sa condition de femme d’intérieur), ainsi qu’une véritable esclave sexuelle et « femme de ménage » pour son mari adultère, c’est alors qu’intervient l’infamie. Sadako se fait violer. Ce qui est un acte jamais encouragé le moins du monde dans le film devient une sorte d’électrochoc, non pas un événement salvateur, mais plutôt déclencheur. La jeune femme, rondouillarde et pleine de vie, prend alors conscience de sa condition et, totalement perdue dans ses ressentis, entame une liaison avec son violeur.
Désir Meurtrier démontre à quel point la fausseté des relations peut engranger des amours étranges, dangereuses même, en tout cas désespérées. Le film montre l’incapacité de se comprendre d’une manière quasi documentaire, tout en réservant quelques instants à la limite de l’onirisme. Shohei Imamura joue clairement « l’entre-deux », appuie sur des sensations réalistes tout en jouant de sa caméra dans des angles qui confinent au sublime. D’ailleurs, il manipule le noir et blanc avec succès, notamment grâce à un éclairage tout en subtilité. Lors de ces deux heures et demie, l’auteur nous fait donc voyager d’une impression à l’autre, aime à nous projeter l’intimité la plus pure, dans tout ce qu’elle a, parfois, de plus malsain mais aussi de plus humain. Un film qui prend aux tripes.