Caractéristiques
- Test effectué sur : Playstation 4
- Genre : Survival-horror
- Éditeur : Bigben Interactive
- Développeur : Gloomywood
- Sortie : 10 mars 2017 en téléchargement, 17 mars 2017 en version physique limitée
Test
Oui, on fait partie de celles et ceux pour qui le seul nom de Frédérick Raynal ravive de grands, très grands souvenirs. On ne va pas vous faire une présentation fondamentale de ce créateur de génie (les Internets doivent déjà proposer ce contenu), écrivons simplement que ce personnage est derrière deux des jeux qui ont forgé bien des esprits gamers : Alone In The Dark et Little Big Adventure. Bon, votre humble serviteur rajoute cordialement Time Commando et, surtout, un Toy Commander qui l’a accompagné pendant toute l’ère Dreamcast. Aujourd’hui à la tête du studio Gloomywood (l’édition est, elle, assurée par Bigben Interactive) Frédérick Raynal revient vers un traitement horrifique avec 2Dark. Et nous allons voir que ce nouveau bébé est un survival-horror pas comme les autres.
Histoire : 4/5
L’intrigue de 2Dark est d’une noirceur absolue, et c’est peut-être ce qui a poussé la décision d’en l’atténuer l’âpreté par un design des personnages plus léger (on y reviendra plus tard dans ce test). L’histoire est digne d’un thriller au traitement sombre comme un café profond, et sans sucre. Le joueur incarne Smith, un ancien flic qui a vu sa vie basculer dans l’épouvante après une nuit de camping dramatique. Alors qu’il installait sa tente, sa femme s’est faite massacrer, et ses deux enfants enlevés. Quelques années plus tard, Smith n’est plus policier et, comme on s’en doute, demeure en état de choc. Désormais, il enquête sur la disparition de ses bambins qui, il en est certain, sont toujours là, quelque part. Vivants. Dans la région, les kidnappings d’enfants se multiplient, ce qui pousse Smith à se mettre en chasse, et sauver ceux qui peuvent l’être. Car, en retrouvant les psychopathes derrière ces enlèvements, il est persuadé de recueillir des indices sur sa propre affaire…
2Dark est, donc, du genre bien éprouvant dans son contexte. On savait, pour avoir entendu Frédérick Raynal parler du jeu au début de sa conception (et avec l’incroyable passion qui l’anime), que Gloomywood s’était documenté sur le sujet, de sorte à ce que la tonalité ne soit ni exagérée, ni sous-évaluée. Quelques temps après cette entrevue, on est ravi de constater que le gros travail de contextualisation porte ses fruits dans le jeu fini. Cela fait un petit moment qu’on n’a pas assisté à de telles situations, qui déploient un pur sentiment d’angoisse. Pas spécialement par le biais de la narration, qui est présente mais ne prend jamais la priorité, mais plutôt sur les éléments ingame. Smith va se frotter aux pires turpitudes de la psyché humaine, et au fur et à mesure de ses avancées dans les différents lieux fouillés il tombera nez-à-nez avec des horreurs, mais des horreurs…
Smith est ce genre de personnage auquel on s’attache vite, car les problématiques qui lui sont associées sont facilement compréhensibles pour le joueur : oui, il agit étrangement en se jetant dans la gueule du loup mais, étant donné son passif, nos tripes sont remuées par son enquête. Un tel résultat est aussi dû aux autres « stars » de 2Dark, les serial killers. Autant vous prévenir, certains vous hanteront longtemps et provoquent un univers glauque bien à eux. On ne vous spoilera pas, sachez par exemple que si vous êtes du genre anxieux en vous rendant à l’hôpital, cela ne s’arrangera pas avec ce soft. Seul petite retenue, on aurait apprécié un carnet de route, afin de tout savoir en détails de ces fous furieux sanguinaires. Sachez, enfin, que certains actes laissés à votre seule décision pourront influencer la toute fin du jeu, ainsi que quelques textes lus dans des journaux qui relatent vos exploits.
Gameplay : 4/5
Il faut se faire une raison : 2Dark est difficile, et parfois même (presque) aussi cruel que les psychopathes qui hantent les différents niveaux. Le jeu se présente en vue isométrique, et les déplacements de Smith se gèrent aux deux sticks : le gauche pour se déplacer, le droit pour viser. Précisons, d’ailleurs, qu’on n’aurait pas été contre plus d’informations sur la visée au pistolet, dont les sensations font penser que le but était aussi de ne pas pousser le joueur à trop y avoir recours. Un fait que la rareté des balles vient corroborer. Le soft met en avant la discrétion du joueur, si vous pensiez pouvoir rentrer dans le lard des psychopathes et de leurs sbires il va falloir vous faire une raison : c’est la meilleure solution pour tâter du game over. Il va falloir récupérer les enfants, les mener jusqu’à une zone sûre, tout en essayant de « dégager la route du mieux possible ». C’est précisément ici que l’on se rend compte que 2Dark est le jeu d’un studio qui a fait des choix, et parfois très courageux.
On pense à plusieurs jeux de la scène indépendante en jouant à 2Dark. Il est d’ailleurs certain que l’équipe a joué notamment à Hotline Miami, et à toute une tripotée de jeux de style néo-rétro particulièrement retors. Contrairement à certains d’entre eux, 2Dark est certes difficile, exigeant même, mais pas non plus insurmontable. Du moins, quand on ne cherche pas à obtenir les cinq étoiles d’un niveau (là, bon courage). Bien entendu, ne comptez pas réussir un level du premier coup, il va falloir mourir, encore et encore, parfois en étant victime de pièges trop surprenant pour qu’ils soient évités sans que la mort n’ait été expérimentée. Un côté die and retry donc, et il n’est pas rare de devoir recommencer certaines phases quelques dizaines de fois. Comme Smith n’est pas du genre invincible, loin de là, il va falloir sauvegarder, et le système qui entoure cet acte est une mécanique de gameplay à part entière, un de ces fameux choix courageux dont on vous parlait plus haut. Pour préserver votre avancée, il va falloir aller faire un tour dans l’inventaire, associer le briquet aux cigarettes, et s’en griller une. Mais attention : si vous êtes plongés dans le noir le mégot peut trahir votre position. Aussi, trop fumer vous fera tousser, et cela pourra s’avérer fort déplaisant quand des ennemis trainent dans les parages.
L’inventaire justement, il faut l’aborder plus longuement. Malheureusement, on ne le trouve pas spécialement adapté au jeu sur consoles, même s’il reste tout à fait fonctionnel. S’étalant sur la gauche de l’écran, l’amas d’objets récupéré se parcourt avec la croix directionnelle. Certaines des trouvailles s’associent, on pense au classique « pistolet et munitions donnent un rechargement ». Tout cela est certes classique et ne déçoit pas fondamentalement, mais pourra parfois s’avérer vraiment bordélique formellement. 2Dark demande tout de même au joueur d’être assez réactif, et l’on perd parfois trop de temps à rechercher le calibre qu’il nous faut. Heureusement, les commandes répondent tellement au doigt et à l’œil qu’on se fait assez rapidement à cet inventaire un brin désuet.
Sauver les enfants est le cœur du sujet, mais aussi du gameplay de 2Dark. C’est cette tâche qui hantera vos parties, et pour s’en acquitter Gloomywood vous laisse l’embarras du choix. Il va falloir trouver les bambins, et les emmener vers la sortie du niveau en les forçant à vous suivre. Car, assaillis par l’épouvante, les enfants ont tendance à parfois craquer : des pleurs, des refus de bouger, ou au contraire des courses effrénées. De quoi se faire découvrir par les ennemis en moins de deux. Smith récupérera, à travers les niveaux, des bonbons, qui serviront à ce qu’ils soient plus coopérants (eh oui…). Signalons ici que ces sucreries peuvent aussi être lancées pour faire diversion, ou sur des interrupteurs (idéal pour lancer un mécanisme à distance). Notre avatar pourra aussi leur donner des ordres : nous suivre, s’arrêter. Le problème étant que parler provoque évidemment du son, alors attention à ne pas causer à tort et à travers. Et si la marmaille ne veut pas être obéissant, il reste encore la solution de la porter pour aller plus vite.
Enfin, l’une des plus grandes forces de 2Dark est la pelletée de possibilités données aux joueurs afin de résoudre les différentes situations traversées. Pendant qu’on vit l’histoire, le but est de s’en sortir avant tout, mais une fois le scénario terminé on passe énormément de temps à rejouer les niveaux indépendamment, histoire de trouver tous les moyens pour arriver à nos fins. De telle sorte que parler de ce jeu avec un ami est une expérience assez fascinante : on peut très bien ne pas avoir du tout penser aux mêmes solutions, et en découvrir certaines totalement insoupçonnées. 2Dark livre, donc, un gameplay très satisfaisant, qui réussit à bien souligner le ton jusqu’au-boutiste de l’histoire : les deux éléments se complètent d’une bien belle manière.
Technique et ambiance sonore : 4/5
2Dark fait le choix du voxel, cette technique qui utilise le principe du pixel mais dans un traitement en 3D. Le résultat est assez bluffant, même s’il ne touchera certainement pas les haters des jeux néo-rétro. La direction artistique a pas mal évolué depuis notre première rencontre avec le jeu, voilà un an et demi. Les personnages ont un design qui, clairement, tente d’atténuer l’horreur de la situation dans laquelle ils sont plongés, ce qui apporte une certaine respiration pas mal salvatrice. Cependant attention, car 2Dark n’est absolument pas une version light de ses objectifs d’origine : les décors sont bourrés de détails glauques, qui ne cessent de faire monter la pression. Signalons ici que nous n’avons pas croisé de ralentissements.
La bande originale de 2Dark est un véritable plaisir pour tout amateur de compositions glauques. Les thèmes participent participent idéalement à l’ambiance du soft, et l’on découvre là le grand talent du compositeur Samuel Safa. Toute aussi importante, la qualité des bruitages étaient essentielle notamment pour bien accompagner les subtilités de gameplay liées à la discrétion. La voix de Smith fait étrangement étouffée, tandis que les enfants et leur voix perçante procurent un sentiment d’alerte. Là encore, des choix affirmés, qui contribuent largement à l’atmosphère si sordide de 2Dark.
Durée de vie : 3/5
La durée de vie de 2Dark est évidemment très sujette à débat. Les plus fous furieux vous diront qu’une grosse douzaine d’heures sont nécessaires pour venir à bout du scénario. D’autres, comme nous, tableront plus sur un chiffre entre la quinzaine et la vingtaine. Ensuite, il restera à reparcourir les niveaux indépendamment, histoire de s’amuser à expérimenter des solutions qui nous avaient échapper, mais aussi afin d’obtenir les cinq étoiles pour chaque level. Voilà donc une durée de vie tout à fait convenable pour ce genre de jeu, même si on aurait apprécié plus de modes.
Note finale : 15/20
2Dark est bel et bien la bonne surprise que l’on sentait arriver depuis quelques temps. Exigeant, parfois carrément fourbe et rageant, le jeu n’essaie jamais d’être gamer-friendly, et certains choix trahissent ce fait avec une certaine vigueur. Jeu pour le moins atypique, à l’ambiance bien glauque, et parfois carrément hyper malsaine, 2Dark n’est pas à mettre entre toutes les mains. Pas pour les enfants donc, et dans tous les sens du terme, car les amateurs de softs aisés en seront pour leur frais. Gloomywood livre un titre difficile, à l’atmosphère palpitante, peut-être pas tout à fait parfait (cet inventaire…) mais tellement plein de cette envie d’aller au bout des choses que l’on ne peut que saluer le résultat.