Caractéristiques
- Titre : Le Château l'araignée
- Titre original : 蜘蛛巣城, Kumonosu-jō
- Réalisateur(s) : Akira Kurosawa
- Avec : Toshirô Mifune, Minoru Chiaki, Isuzu Yamada, Takashi Shimura, Akira Kubo, Hiroshi Tachikawa, Takamaru Sasaki...
- Editeur : Wild Side
- Date de sortie Blu-Ray : 8 Mars 2017
- Date de sortie originale en salles : 15 janvier 1957 (Japon)
- Durée : 105 minutes
- Note : 9/10 par 1 critique
Image : 4,5/5
En s’appuyant sur un master très propre, en regard de l’âge du film, cette édition propose une qualité visuelle assez bluffante. Les meurtrissures de l’image sont présentes, mais soumises à un bon traitement notamment de la définition. Quelques noirs nous ont paru trop intenses, c’est un choix et s’il permet des contrastes saisissant, peut-être vont-ils à l’encontre de certaines lumières. Mais il est certain que le cinéphile français n’a jamais vu Le Château de l’araignée dans de telles conditions.
Son : 4,5/5
Le Château de l’araignée est proposé en version originale japonaise sous-titrée en français, dans un DTS-HD Master Audio qui nous plonge dans les conditions d’origine. Certes, on entend une petite poignée de saturations , mais c’est aussi le jeu d’une telle entreprise de restauration : il faut respecter le travail initial tout autant que le confort actuel. L’équilibre global ne souffre jamais, et le gros travail de jeu de voix des différents acteurs s’en trouve bonifié.
Bonus : 5/5
Cette nouvelle édition du Château de l’araignée présente les mêmes bonus que l’édition DVD de 2006. On y trouve une partie du l’excellent programme japonais The Masteworks, évidemment consacrée au film ici traité. Intitulé Le théâtre Nô et le cinéma (23 minutes), ce bonus nous présente succinctement l’art délicat du Nô, et l’influence qu’il a pu avoir sur Akira Kurosawa. Les intervenants sont passionnants, comme toujours avec cette série qui mériterait une sortie en vidéo dédiée à elle toute seule. Autre morceau de choix, Dans la tête du Maître (21 minutes) s’intéresse d’un peu plus près au tournage en lui-même, avec quelques belles anecdotes sur la méthode de travail d’Akira Kurosawa. Signalons aussi la présence de la bande annonce, et d’un livret.
Synopsis
Alors qu’ils traversent une forêt après une bataille, les généraux Washizu et Miki rencontrent un esprit. Celui-ci prédit que Washizu deviendra seigneur du Château de l’araignée, mais que ce seront les descendants de Miki qui lui succéderont. Mise dans la confidence, la femme de Washizu va influencer son mari pour que la prophétie se réalise seulement à l’avantage de celui-ci.
Le film
C’est une constatation qui revient souvent quand on aborde un film réalisé par Akira Kurosawa (Chien enragé, La forteresse cachée, L’ange ivre) mais l’on ne peut que l’utiliser encore une fois : avec Le Château de l’araignée nous sommes en présence d’un grand classique du septième art. Adaptation libre de MacBeth, que le metteur en scène respecte tout en lui ajoutant de quoi donner à ses personnages une dimension plus pathétiquement humaine, le film n’a rien perdu de sa splendeur sidérante. Tout débute par une prophétie, et si le côté mystique de la pièce signée William Shakespeare est toujours présent, la transposition de l’action donne déjà ses fruits. Les trois sorcières disparaissent au profit d’un revenant, plus précisément d’un Oni, dont le présage va donner à l’œuvre son impulsion.
Dans Le Château de l’araignée, le politique sert une vision humaniste profonde, comme toujours chez Akira Kurosawa. Si les tenants et les aboutissants des conflits de seigneurs sont intéressants, bien vite on se concentre sur le personnage de Washizu, interprété par l’impressionnant Toshiro Mifune. On a beaucoup écrit concernant la vision du monde du réalisateur, et sa justesse provient sans nul doute d’une volonté de démontrer le caractère humain, certes avec ses qualités mais aussi ses défauts. On a eu trop tendance, ces temps-ci, à rapprocher humanisme et bonté d’âme, ce qui n’est absolument par pertinent, et un film comme Le Château de l’araignée le rappelle fort bien. Poussé à la méfiance maladive par sa femme Asaji, intelligente mais très alarmiste, Washizu va lui-même provoquer la réalisation de la prophétie… en voulant ardemment l’éviter.
L’ambition dévore les âmes et, comme toujours avec Akira Kurosawa, on est ébahis par la richesse des thèmes abordés. Le Château de l’araignée est aussi un sommet formel, là encore comme souvent avec ce grand Maître. Outre la folie visuelle qui découle d’une volonté d’installer le château « en dur », sur les pentes du Mont Fuji, c’est l’incroyable équilibre entre jeu des acteurs inspiré du théâtre Nô, et réalisation stylisée qui nous bluffe. La direction des comédiens provoque du caractère à l’image, chaque mouvement donne un indice sur les émotions ressenties, et les différents comédiens sont si solides qu’ils remplissent un espace sciemment épuré avec une facilité déconcertante. On se doit aussi de signaler le travail sur les décors et costumes qui, sans nul doute, contribue à ce résultat formel qui intime le respect.
Le Château de l’araignée est rempli de plans iconiques, de séquences qui figurent au Panthéon du septième art. Rien ne semble de trop, en cela d’ailleurs il faut aussi saluer le montage des films d’Akira Kurosawa, toujours très pertinent et refusant toute présence de matière ampoulée. Ainsi, il peut régner sur ce film une ambiance étrange, malsaine même, parfois fantastique, sans pour autant que l’on ressente une perte d’équilibre dû au rythme. Enfin, la conclusion marque les esprits, notamment grâce à un Toshiro Mifune réellement terrorisé, et un sursaut de violence assez surprenant pour un film de cette époque. Cela donne un point final marquant, pour un film qui ne l’est pas moins.