[Critique] Hirune Hime — Rêves éveillés : Entre nostalgie et modernité

Caractéristiques

  • Titre original : Hirune-hime: Shiranai watashi no monogatari
  • Réalisateur(s) : Kenji Kamiyama
  • Avec : Mitsuki Takahata, Yôsuke Eguchi, Rie Kugimiya, Shin'nosuke Mitsushima, Wataru Takagi (voix)
  • Distributeur : Eurozoom
  • Genre : Animation, Drame, Fantastique
  • Pays : Japon
  • Durée : 1h50
  • Date de sortie : 12 juillet 2017
  • Note du critique : 7/10

Hirune Hime — Rêves éveillés sort en salles ce 12 juillet, quelques jours à peine après le passage de son réalisateur à la Japan Expo, où il était venu présenter ce joli long-métrage, ainsi que le Blu-Ray de sa série Ghost in the Shell: Stand Alone Complex, réalisée en 2002 au sein du studio Production I.G. en collaboration avec le producteur Mitsuhisa Ishikawa après avoir été formé par Mamoru Oshii sur différents projets de longs et d’anime.

Un anime à l’intrigue touchante et complexe

Dans ce film d’animation navigant entre plusieurs mondes, nous suivons les aventures de Kokone, une adolescente vivant seule avec son père, gentil mais immature, qui l’élève seul depuis la disparition prématurée de sa mère, qu’elle n’a pour ainsi dire pas connue et qui lui a légué pour seul souvenir une ravissante peluche de renard bleu, Joy, qui ne la quitte jamais. Lorsque son père s’absente et est arrêté par la police, qui l’interroge dans le cadre d’une mystérieuse affaire, la jeune fille décide de se rendre à Tokyo avec son ami d’enfance Morio afin de percer cette histoire au clair et le faire libérer. Pour cela, la curieuse tendance de Kokone à s’endormir à tout bout de champ l’aidera sans doute à comprendre ce qu’il se passe… mais risque aussi de la placer dans des situations délicates puisqu’elle ne contrôle pas forcément ses décrochages. Dans ses rêves, elle s’évade au coeur d’un univers merveilleux et anxiogène à la fois, Heartland, peuplé de robots, et où son alter-ego, Ancien, est une princesse aux dons magiques traitée comme une sorcière, qui trouve un allié en la personne de Pitch, un ingénieur qui ressemble curieusement au père de Kokone…

image kokone anime hirune hime de kenji kamiyama
© Eurozoom

Hirune Hime est une oeuvre de contrastes permanents qui en font une très belle surprise. Si, visuellement, le film de Kenji Kamiyama possède une charmante naïveté qui évoque certains des meilleurs animés nippons des années 80-90, la complexité de la mise en abyme et des ressorts de l’intrigue l’éloignent de la seule oeuvre pour jeunes enfants. L’entrelacement des dimensions du rêve et de la réalité n’étant pas à 100% claire avant la fin — certains passages d’un monde à l’autre sont assez surprenants, tout en fonctionnant — le dessin animé serait d’ailleurs plutôt à conseiller à partir de 10 ans, même si les plus jeunes seront malgré tout émerveillés devant les robots géants ou volants, ainsi que face à la petite peluche animée de l’héroïne. Sans revêtir la même puissance qu’un Ghibli dans le traitement de ses thèmes comme dans l’animation, Hirune Hime est porteur d’un message positif, délivré avec justesse et sensibilité, sur la transmission, le souvenir, le fait de grandir et d’apprendre à connaître ses proches. Kokone découvrira ainsi une autre facette de la personnalité de son père, mais aura également l’occasion de se forger une image plus précise de sa mère, dont l’histoire est en lien avec les rêves dans lesquels elle plonge de maniére parfois incontrôlée. L’amour, le pardon et la compassion sont montrés comme susceptibles de venir à bout de malentendus en apparence insolubles, en révélant la pureté des intentions et des sentiments animant les personnages.

Le charme des dessins des années 80 et la modernité de l’animation récente

image robot joy ancien anime hirune hime kenji kamiyama
© Eurozoom

Le film utilise le rêve pour traiter ces thématiques et les sublimer, mais la réalité n’est jamais bien loin, de sorte que, lorsque l’héroïne prend tout à fait conscience de la signification de ses songes, les différents éléments s’agencent de manière assez fluide, rendant les déplacements clairs et pertinents. Le retour à la réalité, par ailleurs, ne se fait pas au détriment de ce que nous avons vu précédemment, au contraire : le récit se pare d’une dimension initiatique et la partie merveilleuse vient alors donner encore plus de puissance et d’émotion à l’histoire de Kokone, que nous voyons grandir sous nos yeux. Elle qui ne se sépare jamais de sa peluche-doudou, trouvera le moyen de faire de son imaginaire un outil et une force pour résoudre ce que l’on pourrait nommer son “roman familial”.

La tension rêve-réalité est particulièrement bien gérée et, lors des séquences rêvées mettant en scène Ancien, Joy et Pitch, on retrouve cette sensation de magie que l’on pouvait ressentir face à nos animés préférés enfant, mais avec la force propre au cinéma. Bien qu’intégralement réalisé en numérique, Hirune Hime possède ce charme des dessins d’antan grâce à ses personnages très expressifs et ses beaux décors, réalistes pour Tokyo, et joliment naïfs pour Heartland. Cela fait naître un sentiment sûr et certain de nostalgie qui correspond aussi à l’état d’esprit de l’héroïne, dont les rêveries sont également, au final, une projection de l’histoire de ses parents. iIl est aussi amusant de noter qu’une partie de la vision se dégageant de la technologie dans le dessin animé est un croisement entre ce que l’on s’imaginait dans les années 80, où un ordi pouvait apparaître comme quasi-magique, apportant des pouvoirs à son détenteur, et notre ère contemporaine de smartphones, applis en tous genres et réseaux sociaux. Le spectateur adulte n’en est alors que plus charmé, puisqu’il retrouve en partie son regard d’enfant, sans pour autant perdre de vue ses relations avec les technologies actuelles. Quant aux robots géants qui se battent au milieu d’une terre mise à feu et à sang, ou bien à celui, rétro, qui se transforme au besoin en voiture volante, ils rappelleront bien entendu les Transformers, et charmeront ainsi autant les petits que les grands enfants.

image ancien anime hirune hime kenji kamiyama
© Eurozoom

Hirune Hime — Rêves éveillés est donc une excellente surprise que nous amène Eurozoom, petit distributeur de cinéma indépendant à qui l’on devait déjà de nous avoir fait découvrir Summer Wars ou encore Ame & Yuki — Les Enfants Loups. Sans posséder les mêmes moyens que les plus grosses productions nippones, le dessin animé de Kenji Kamiyama — auquel ont également participé deux animateurs français — emballe par son univers mi-réaliste mi-naïf et l’audace formelle de son intrigue, complexe, mais constamment au service du cheminement des personnages et des émotions véhiculées par ce joli récit initiatique qui fera rêver petits et grands.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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