Caractéristiques
- Titre : Les Demons
- Réalisateur(s) : Jesús Franco
- Avec : Anne Libert, Britt Nichols, Doris Thomas, Karin Field, Cihangir Gaffari, Luis Barboo
- Distributeur : Artus Films
- Genre : Horreur
- Pays : France, Portugal
- Durée : 118 minutes
- Date de sortie : 5 février 1973
- Note du critique : 3/10 par 1 critique
Des démons et des diables
L’éditeur Artus Films voit décidément les choses en grand pour sa collection dédiée à l’œuvre monumentale (plus de deux cents métrages au compteur, tout de même) de Jess Franco. Feu réalisateur ibérique qui, après avoir été l’assistant d’Orson Welles sur Falstaff, s’est spécialisé dans les bandes plutôt bis, et parfois bien plus honorables que ce que certains ont pu écrire, l’artiste a de quoi surprendre. Les Démons, que nous abordons aujourd’hui, fait sûrement partie de ces efforts qui méritent d’être redécouvertes, tant les intentions qui accompagnent cette production titillent le cinéphiles : creuser le filon de l’excellent Les Diables, de Ken Russell.
L’action du film Les Démons se déroule en Angleterre, au dix-septième siècle. Une sorcière, condamnée à brûler sur le bûcher, lance une malédiction sur ses bourreaux : le juge Jeffries, la sadique Lady de Winter et son amant Renfield. Avant de succomber à la douleur, elle leur déclare que ses deux filles la vengeront. Or, la vieille femme n’ aucune descendance, du moins officiellement. Mais le trio, pour le moins inquiet, découvre que sa victime a bien deux filles nonnes, issues d’une union illégitime. Elles s’appellent Margaret et Kathleen. Ensemble, elles résident au couvent de Blackmoor. Lady de Winter prend la direction de ces lieux et découvre que Kathleen n’est plus vierge, contrairement à sa sœur. Cette dernière raconte qu’elle a des pensées inavouables, et qu’un envoyé du Diable lui rend visite, inlassablement, chaque nuit. Terrorisé par la menace de la sorcière, de Winter la fait arrêter et lui fait passer le même test subit par sa mère, le « Jugement de Dieu ». Comme elle, Kathleen présente des marques sur la langue, ne saigne pas lorsqu’on lui enfonce des aiguilles dans le corps et l’eau s’évapore au contact de sa peau. Elle est aussitôt reconnue comme étant une servante du Diable et, de ce fait, condamnée à être brûlée vive. Mais Lord de Winter libère Kathleen tandis que sa sœur Margaret, restée au couvent, est à son tour possédée par une force satanique. Leur vengeance démoniaque commence.
Une certaine poésie s’en dégage
Certes, Les Démons a pu se produire uniquement en conséquence du succès planétaire de Les Diables, mais écrivons-le tout de go : le film de Jess Franco n’est pas taillé dans le même bois que celui de Ken Russel. Cela ne signifie absolument pas que l’œuvre ici abordée est inintéressante, ou tout juste bonne à exploiter une faille. Non, d’ailleurs on remarque assez vite que l’atmosphère sait se trouver sa propre personnalité. Rien d’étonnant à cela, tant le réalisateur espagnol est un véritable auteur, qui imprime ses thèmes sur la pellicule, tout autant que les costumes et autres décors. Le film est traversé d’une ambiance qui ne déplaira pas aux amateurs du Marquis de Sade, l’auteur préféré du metteur en scène. Le nœud dramatique fait certes un peu prétexte à l’étalage de corps féminin dévêtu, ce qui s’avère loin d’être désagréable (ah, Britt Nichols…), mais souvent pour servir une tonalité anticléricale marquée.
Les Démons vaut aussi pour son trio d’antagonistes assez gratiné. Le plus mémorable étant, sans aucun doute, l’impitoyable Lord Justice Jeffries (incarné par un certain Cihangir Gaffari), véritable personnage historique, et tout aussi cruel en son temps que sur pellicule. Quelques séquences, sans être particulièrement gores, ont tout de même assez d’impact pour justifier l’interdiction aux moins de seize ans, même si celle-ci est bien entendu plus due aux plans olé-olé. D’ailleurs, l’œil lascif du réalisateur, véritable ralentisseur de temporalité, est assez typique de ce qu’il a pu livrer : on est globalement sur du niveau M6 du dimanche soir, voilà quelques années. Sans être désagréable, il manque peut-être encore à ces scènes un peu du vice qui s’échappe pourtant du nœud dramatique. Quant au scénario, il ne peut pas non plus s’enorgueillir d’une quelconque faculté à nous surprendre. Comme souvent dans la filmographie de Jess Franco, Les Démons vaut surtout pour cette sorte de poésie étrange qui s’en dégage, et ne parlera qu’à celles et ceux qui y sont sensibles. Ceux-ci (re)découvriront un effort appliqué, plastiquement soigné, mais manquant peut-être un peu de valeur ajoutée.
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