« Mes très chers bobos con-citoyens et autres prolos de la pensée molle »
Bon, on a un peu merdé. Pris par la folle ronde de l’actualité culturelle, et bon sang comme elle est vaste, on a dû composer avec des choix pas toujours sciemment effectués. On vous laisse imaginer la pile des livres non-lus, les BD qui trainent aux chiottes, les DVD et Blu-ray semés un peu partout. Seuls les jeux vidéo sont bien rangés, mais ça c’est une expression monomaniaque. Ce n’est plus une rédaction, c’est un rayon Fnac sans stagiaires sous-payés pour lui donner une forme. En plus, vous vous en foutez. Mais si, c’est vrai, au mieux vous rigolerez de notre cauchemar, nous les journalopes qui feraient bien de nous trouver un métier convenable, histoire de perpétuer la loose qui lie chaque bipède évolué, sur cette planète vouée au grand reset.
Au milieu de ce foutoir, on trouve une pochette. Humble, avec un visuel jouant sur le symbolisme de certaines théories du complot. Le triangle, l’œil. La Clope, le Café. Pas le troisième grand C, tout de même. Bref. L’artiste, ThTh, sois Thierry Théolier, ne nous est pas inconnu. Loin de là. Outre qu’on croise ce véritable passionné de cinoche tous les ans, à l’Étrange Festival, son univers musical a déjà fait l’objet d’un article, consacré à 2000 WTF – Act III. Rappelons ici que l’artiste qui signe l’album est l’un des rares à tenter des choses à la limite du contre-productif (« ah putain, c’est pas avec ça que je vais gagner ma vie bordel »), loin de l’esprit préfabriqué, prémâché, prévendu voire précommandé, qui règne dans le secteur de la musique. Et dans ces choses, on trouve l’univers. Une articulation entre la mélodie, amplement expérimentale, les paroles bien moins légères que la voix à la limite de la cassure pourrait faire croire, et un état d’esprit qui transpire de chaque piste.Ce 2000 WTF – Act IV mène le concept vers une dimension assez surprenante.
Bon, calmez-vous : 2000 WTF – Act IV reste un gros morceau de contre-culture. Pas au sens m’as-tu-vu du terme, genre petit enfoiré qui va se trouver du poil à gratter, mais bien emmitouflé dans les couvertures de la production bien mainstream, ou de son père diplomate. Suivez notre regard. ThTh signe un disque non pas hors norme, mais en-dehors des normes. Vous pensiez qu’à l’époque des CD-surprises de Rihanna et Eminem, le format 20 pistes étaient mort et enterré ? Eh bien Thierry Théolier vous fera mentir, et ce même si quelques morceaux sont clairement des interludes. On est agréablement surpris par cette générosité, surtout qu’elle ne prend pas le pas sur la cohérence du grand tout. On ne pourrait pas enlever un seul morceau, même si un ou deux sont un peu en-dessous (Le chant du fraudeur), car chacun a son rôle à jouer. Oui, comme au cinéma.
Loin des discours con-venus
2000 WTF – Act IV est l’œuvre d’un type qui, au-delà de son talent pour l’expérimentation, a aussi quelques petites choses à dire. Oula, stop ! Non, non, et encore non : il n’est pas question de se bouffer un message con-venu, con-vaincu, qui pourrait être vomi par le jury de The Voice. Le son Ricola est, sans aucun doute, notre morceau préféré. Quoi qu’un peu court, et plus exigeant qu’il n’en a l’air (on commence à comprendre réellement la rythmique au bout de quelques écoutes), il ressemble à son auteur : c’est certes rigolo, mais ça n’empêche pas un certain impact de la parole. D’ailleurs, le titre est accompagné d’un clip, réalisé par Théo Vilacèque, qu’on vous fait découvrir en ouverture juste sous notre deuxième sous-titre. Alors qu’on reprend nos marques, voilà que déboule, sans crier gare, Le monde comme il vient. ThTh, laisse alors entrapercevoir une passe difficile, émouvante même, qui nous surprend. Agréablement.
Ensuite, le tempo de 2000 WTF – Act IV semble ne pas devoir trop baisser. On vogue entre morceaux croquants, comme Le blues du voisin d’à côté, Candida Alicans, chargés d’un certain vécu. Et les saillies contre une époque culturelle qui, vous en conviendrez, n’est que peu apte à faire pousser une forme de contre-art. La dynamique2merde se révèle être un morceau qui demande une certaine concentration, le débit est important. Mais il n’est pas innocent. ThTh distribue son parlé très reconnaissable dans Pop culture, afin de régler ses comptes avec le concept de hype. Quant à celles et ceux qui se posent des questions sur le style dudesque, sachez qu’il est tout de même bien présent, par le biais de deux morceaux consacrés au concept du Vendredi des dudes, rendez-vous dé-virtualisé où, par exemple, les végétariens rongent les os du poulet d’à-côté. Pas triste ? C’est le moindre que l’on puisse écrire. Et pour vous le procurer, vous savez où aller : sur le site de Jokari Garage.