[Critique] Deux Mille What The Fuck : Acte 3 – Thierry Théolier

image 2000 thierry theolierUn dude face aux années 2000

Vianey, Louane, Matt Pokora, Black M, Marina Kaye, Indila, Julien Doré, Maître Gims, Shy’m, Mika… Ouais, la variétoche quoi, une véritable playlist pour karaokés certes rigolos une fois que les effluves d’alcool font effet, mais carrément inécoutables quand il s’agit, par exemple, de traîner son caddie remplie de (bon) gras au Coccimarket du coin. La musique est un drôle d’art, d’ailleurs sa mauvaise passe actuelle n’est pas réellement étonnante : qui comprend encore quoi que ce soit dans certains choix de production ? Aller, soyons fous et demandons-nous même comment certains font pour amasser autant de pognon alors qu’ils n’ont jamais été aussi piraté ou youteubé ? A l’abri de ce genre de considération, la scène indé continue son bonhomme de chemin. Pas spécialement plus punk qu’auparavant, ni même plus en colère, mais toujours aussi vivifiante. Thierry Théolier, et son univers dudesque, évolue dans cette sorte de second marché comme un poisson dans l’eau, avec un style garanti sans concessions.

Troisième et dernier acte de son projet “Do It Yourself” Deux Mille What The Fuck, le CD ici abordé continue d’explorer l’expérimentation chaotique, le recours au sale, au lo-fi. Dès le premier morceau, “N’importe quoi la CAF“, on entre dans un univers qui oppose, à la simplicité des mots(tous figurant dans le petit packaging), un travail sur les instrus plus cohérent qu’il n’y paraît… du moins quand on n’a pas en tête uniquement les accords mielleux et sans courage de la soupe destinée à la radio. Oui, ça gratte, ça accroche : on est plus ou moins avec exactitude dans ce que l’esprit punk a pu produire. Seulement, on serait bien incapable de caser Thierry Théolier dans une case, toute indé, courageuse, honorable qu’elle soit. La suite nous démontre que sa patine n’est pas enfermée dans un carcan, et encore moins dans un logiciel de pensée issu de sa méthode de création. On s’en aperçoit avec les différents interludes (“Putain2clefs“, “Mon premier Dry it“, “De freusteuto“, “Spam #1“, “Pitch #1“, “Pitch #2” etc), qui d’ailleurs laissent apercevoir une passion pour le (bon) cinoche.

image jokari thierry théolierPunk dans l’esprit mais résolument inclassable

Formellement, Deux Mille What The Fuck : Acte 3 est en fait aussi chaotique que ce foutu millénaire qu’il aborde. Mais les morceaux, pris les uns après les autres (comme le dirait un fichu footballeur touchant le PIB du Pérou tous les deux mois), sont eux-même dans la cohérence de ce bordel généralisé. “Tabous” et son flow lancinant (et à forte tendance trollesque), “La bonne taille ft. La BS” et sa seconde lecture pas fine mais bien fendarde, “Requiem pour un buffet“, et les autres construisent un univers musicalement non-agressif, sans volonté de nous laver le cerveau d’aucune sorte (ici, on emmerde les bobos), parfois drôle mais jamais marqué de cette ironie imbuvable propre à notre époque. Alors quoi, nostalgique Thierry Théolier ? On n’en sait rien, et on se garde bien de tirer des conclusions. Ses sons, que l’on croirait parfois sortis d’un jeu vidéo époque 16 bits (non fou furieux du 21ème siècle, on ne parle pas d’un gangbang sur ton obscur site porno), pourraient tout de même faire penser que Deux Mille What The Fuck : Acte 3, sans se réfugier dans le passé d’aucune façon, aime tout de même jouer de ses échos.

Au final, Deux Mille What The Fuck : Acte 3 est un CD de 25 pistes évidemment difficile d’accès, dans tous les sens du terme. Enfin, on pourrait plutôt écrire qu’il a été rendu difficile d’accès par la méthodologie aujourd’hui à l’œuvre. Cette hypocrisie permanente qui pousse certains (suivez mon regard) à vouloir consommer du “bio”, du “local”, mais tout en se réfugiant dans les pages des Inrocks pour se bouffer la bonne diarrhée que le torchon leur conseille. Pour vous procurer Deux Mille What The Fuck : Acte 3, et histoire de comprendre une bonne fois pour toute l’esprit qui règne dans cette galette, il va vous falloir mettre ne nez dehors. Pas pour aller à la Fnac hein, malheureux, mais pour aller rencontrer des dudes. On vous a mis sur le chemin, vous avez dorénavant toutes les cartes en mains pour google-iser, facebookiser etc. Bon, OK, il est aussi en vente chez Jokari Garage, qu’on se le dise.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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