[Critique] Breathe : Premier film réussi pour Andy Serkis

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Andy Serkis
  • Avec : Andrew Garfield, Claire Foy, Tom Pays-Basr, Stephen Mangan...
  • Distributeur : TF1 Studio
  • Genre : Biopic, Drame, Romance
  • Pays : Royaume-Uni
  • Durée : 1h38
  • Date de sortie : 1 novembre 2018 (e-Cinema)
  • Note du critique : 7/10

Le portrait touchant d’une figure méconnue du grand public

Inspiré de la vie de Robin Cavendish, militant anglais pour les droits des personnes handicapées lui-même atteint de polio à l’âge de 28 ans, Breathe est le second long-métrage en tant que réalisateur de l’acteur Andy Serkis, mieux connu pour son rôle de Gollum dans Le seigneur des anneaux, ou encore celui du capitaine Haddock dans l’adaptation par Spielberg des aventures de Tintin. Alors que Mowgli (qui sera diffusé sur Netflix) est encore en post-production, Breathe est quant à lui sorti directement en VOD en France le 1er novembre. Ce biopic intimiste se déroule de la fin des années 50 jusqu’au milieu des années 90 et suit le parcours hors norme de cet homme, mais aussi son histoire d’amour avec sa femme, Diana, qui resta toujours à ses côtés, et lui permit de retrouver goût à la vie lorsqu’il était au plus bas.

image andrew garfield fauteuil roulant claire foy breathe film andy serkis
© Square One/Universum

Présenté comme un drame romantique par MyTF1VOD (voir l’affiche), Breathe est bien plus que cela. Si l’histoire de Robin et Diana est en effet fort émouvante, c’est le cheminement de cet ancien représentant en thé, du désespoir du handicap à la volonté de vivre sa vie pleinement et d’aider à améliorer la condition des personnes handicapées qui permet de le distinguer. L’histoire de Robin Cavendish est au départ tragique — atteint par la polio à 28 ans, il est paralysé à partir du cou et ne peut respirer que grâce à une machine — mais le film ne tombe jamais dans le piège du misérabilisme et du pathos tire-larmes. De même, il ne minimise pas la condition de son héros, ni ne présente les choses sous un jour utopique.

Simplement, il montre comment son amour de la vie, qu’il puisait dans le soutien de sa femme et son fils, lui ont permis de se battre pour repousser les limites de ce qu’on considérait qu’un handicapé tel que lui pouvait faire ou non. Ainsi, comme on peut le voir dans le film, c’est pour Robin Cavendish que la première chaise roulante avec respirateur intégré fut construite en 1962, servant ainsi de modèles pour les futurs prototypes du genre. Il se déplaça également dans les hôpitaux, notamment en Allemagne, où les personnes atteintes de polio étaient enfermées dans des « poumons de fer », sortes de casiers géants munis de respirateurs et encastrées en rangées au mur, et qui ressemblaient clairement à des mouroirs, à l’abri du regard de la société. Ces expériences et observations lui donnèrent la force de se battre pour que les personnes de sa condition soient considérées comme des personnes à part entière, et non comme des corps brisés en sursis.

Un biopic sur un sujet sensible qui joue avec les codes du film romantique

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© Square One/Universum

Le film d’Andy Serkis montre tout cela, avec un humour qui témoigne de la force de caractère de Robin Cavendish (interprété par un Andrew Garfield très convaincant, comme à son habitude) et évite au film tout mélo. Ainsi, dans la forme, avec sa superbe photographie baignée de lumière, sa réalisation classique dans le bon sens du terme, les superbes costumes portés par Claire Foy et son histoire d’amour indestructible, Breathe a tous les attributs de la romance d’époque. Certains éléments de l’intrigue (dont bon nombre sont véridiques, quoique romancés) jouent d’ailleurs ouvertement avec les codes du film romantique : le couple et leur fils s’envolant pour l’Espagne en embarquant dans l’avion dans leur voiture, la famille attendant qu’on les dépanne au milieu des superbes paysages andalous, etc.

Sauf que, bien évidemment, ce qui pourrait sembler romantique de prime abord cache une réalité autre : les avions de l’époque n’étaient pas équipés pour accueillir des personnes en fauteuil roulant, et si la famille se retrouve immobilisée en pleine campagne ibérique, c’est parce-que le respirateur de Robin est tombé en panne, et que sa femme et sa fille doivent se relayer pour le faire respirer manuellement avec un ballon. Il y a donc une bonne dose d’ironie dans le film, qui renforce l’humour typiquement britannique très présent d’un bout à l’autre.

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© Square One/Universum

Le point central du film est de dire que, parce-qu’il n’avait pas le choix, et parce-que lui et sa femme ne se sont jamais rangés à l’avis des médecins qui leur disaient que toute vie « normale » était impossible, Robin Cavendish a pu repousser les limites et faire avancer les choses pour les personnes handicapées. Il survécut ainsi 36 ans à la polio, alors qu’on ne lui donnait que trois mois au départ. Surtout, Breathe s’intéresse à la personnalité de son héros au-delà du handicap : son humour donc, sa force de caractère, son audace, ses faiblesses également, sa vie de famille… Et cette histoire d’amour touchante, qui donne envie de sourire plutôt que de pleurer, même dans la dernière partie du long-métrage. Andy Serkis a su éviter les poncifs du biopic en se gardant bien de donner une leçon de vie pontifiante, et l’amour de la vie imprègne chaque image de Breathe, qui est à la fois un beau biopic et une belle histoire d’amour.

Andy Serkis fait donc une entrée remarquée en tant que réalisateur avec ce beau film à la réalisation particulièrement soignée, et à l’histoire touchante, remarquablement traitée et interprétée par un duo d’acteurs en osmose. On en vient à regretter que Breathe n’ait pas eu les honneurs d’une sortie sur grand écran, mais qu’à cela ne tienne : le film existe et est disponible en VOD sur tous les appareils — et il s’agit de l’une des meilleures fictions « d’époque » qu’il nous ait été donné de voir sur ce support cette année.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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