La rencontre entre une série animée culte et une comédie musicale japonaise
Si vous avez grandi dans les années 80-90 et que vous regardiez le Club Dorothée, il y a fort à parier que vous êtes familiers de l’univers de Sailor Moon, cette collégienne en uniforme munie d’un joli sceptre magique qui se découvre la réincarnation d’une déesse et se bat aux côtés de ses amies (Sailor Mars, Sailor Venus… vous avez compris le principe) contre le Mal. Si nous sommes nombreux à avoir oublié les subtilités de l’intrigue (avis aux amateurs : l’intégrale de l’anime est disponible en DVD chez Kazé), nous nous souvenons tous et toutes du look et des pouvoirs magiques de l’héroïne, ainsi que de son petit chat noir, Luna.
Le succès de l’oeuvre de ne s’est jamais démenti depuis sa création en manga en 1991 par Naoko Takeuchi (l’anime est arrivé dans la foulée, en 1992), si bien qu’un reboot a été lancé en 2014 : Pretty Guardian Sailor Moon Crystal (là encore disponible en DVD et BR chez nous), si bien qu’une toute nouvelle génération d’enfants, adolescents et jeunes adultes ont découvert la plus iconique des magical girls.
Ce n’est donc guère un hasard ni une surprise si les Japonais ont finalement eu l’idée de lancer des spectacles musicaux hauts en couleurs tirés de la franchise. Même si cela peut surprendre chez nous, où seulement une toute petite poignée de musicals voient le jour chaque année, sachez que les comédies musicales Sailor Moon sont au nombre de 34 à ce jour ! Pretty Guardian Sailor Moon – The Super Live est le dernier né parmi eux et vient célébrer les 25 ans du personnage. Il a été présenté le premier week-end de novembre au Palais des Congrès à l’occasion des Japonismes 2018, un festival dans toute la France qui a pour but de promouvoir et faire découvrir la culture nipponne au public français à travers différents domaines : arts plastiques, musique, photographie, calligraphie, gastronomie, artisanat… Pretty Guardian Sailor Moon – The Super Live correspond à la fois à la culture des musicals japonais, mais aussi, plus largement, à ce que l’on nomme la K-Pop, vous savez, ces ritournelles sucrées entonnées par des groupes de jeunes gens et que l’on retrouve souvent au générique des animes du moment…
Un spectacle drôle et kitsch au rythme endiablé
Nous avons donc assisté à la seconde et dernière représentation du spectacle, le 4 novembre 2018 à 15h. Celui-ci durait 1h20 au total et était divisé en deux parties de même durée : la première, théâtrale, raconte l’affrontement entre les guerrières Sailor, aidées par son ami en chapeau à haut de forme (Tuxedo Mask), et la méchante reine Beryl. La seconde est un enchaînement de morceaux musicaux chantés et dansés, qui raconte en substance la même chose : à savoir comment l’amour et la justice triomphent toujours du Mal. Le tout sans le moindre sous-titre (non, nous ne parlons pas japonais), mais avec tellement de panache que cela n’a au final que peu d’importance, d’autant plus que les fans de la licence de tous âges, parfois venus en cosplay, étaient nombreux dans le public, et se repéraient de toute évidence très bien au sein de l’intrigue, qui reprend ni plus ni moins la première saison de la série de notre enfance.
Si vous n’avez jamais vu de comédie musicale japonaise, il faut vous représenter un casting de jeunes femmes (les deux hommes de la série sont eux aussi joués par des comédiennes) en tenue d’écolière et perruques peu subtiles s’agiter sur une scène aux effets spéciaux multicolores au sein d’une intrigue au ton soap filant à toute allure (une vingtaine d’épisodes de 20mn résumés en 40, check !) avant d’enchaîner des numéros musicaux sucrés avec entrain, le tout en agitant des mini-sabres à néon en même temps que le public. Le résultat est ouvertement kitsch, drôle, et pas déplaisant si on a conscience de ce qui nous attend.
Une formule efficace à l’esprit bon enfant
Le spectacle prend à bras-le-corps le côté mielleux et wtf de son intrigue — des écolières, réincarnation de divinités liées aux planètes du système solaire, se battant pour « la justice et l’amour » — et l’énergie de ses héroïnes bondissantes pour nous offrir 1h20 de spectacle sans le moindre temps mort, avec des effets scéniques assez simples, mais très efficaces, comme ce mince filet transparent se dressant entre le rebord de la scène et la salle, et permettant de jouer sur les superpositions, avec des actions se déroulant en parallèle au premier et à l’arrière-plan. Quant aux chansons, elles sont à l’avenant de la première partie, divisée entre combats multicolores et intrigue sentimentale : enjouées et cheesy. On saluera par ailleurs le talent des danseurs incarnant les sous-fifres de Beryl, et qui ont la lourde tâche d’ouvrir la partie musicale après la première partie.
Au terme du bouquet final (ceci est à prendre au sens figuré et littéral – on vous laisse la surprise si le spectacle repasse), petits et grands ressortent avec le sourire aux lèvres, et peut-être même une certaine nostalgie. Pretty Guardian Sailor Moon – The Super Live est bien distinct de la série animée par son rythme et le fait même qu’il s’agisse d’une transposition en live, avec des comédiennes de chair et de sang (certaines choses qui fonctionnent en anime peuvent devenir très drôles sur scène), mais l’esprit est là. Surtout, ce musical endiablé présenté en avant-première cet été à Tokyo se déroule dans une ambiance de fête qui emporte l’adhésion, que l’on y soit coutumier ou non. A ceux qui découvrent ce joyeux monde pour la première fois : c’est un nouvel univers qui s’ouvre à vous…
Pretty Guardian Sailor Moon : The Super Live, un spectacle Igam Entertainment, 2018. Conception, mise en scène et chorégraphie par TAKAHIRO. Durée : 1h20.