Caractéristiques
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Test effectué sur :
- PlayStation 4
- Développeur : Flavourworks
- Editeur : Sony Interactive Entertainment
- Date de sortie : 19 août 2019
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- Note : 6/10 par 1 critique
Un film interactif imparfait mais interloquant
PlayStation est, décidément, une marque remarquable. De par son histoire bien entendu, laquelle remplie des livres et bien des articles. Mais aussi de par sa philosophie. Si les joueurs peuvent compter sur cet acteur majeur de l’industrie vidéoludique pour assurer une grosse dose de jeux pointus, l’ouverture vers le grand public a toujours été une volonté marquée chez Sony Interactive Entertainment. Le dernier-né de ce point de vue, c’est la gamme PlayLink. Malheureusement, et malgré des titres parfois réussis, la sauce n’a pas spécialement pris. Le jeu que l’on test aujourd’hui, Erica, se retrouve donc un peu orphelin de cette offre, même si le bébé de Flavourworks en utilise le principe, que l’on vous rappellera un peu plus bas.
Malgré cette situation, Erica tire son épingle du jeu, au moins en partie et dans l’esprit. Autant vous le signifier de suite : on fait face à un véritable film interactif. Il s’agit, donc, non pas d’agir sur les mouvements d’un avatar, mais plutôt de l’accompagner dans ses prises de décision, voire ses choix de réponses et autres séquences gadgets. Dès lors, il s’agit aussi d’une excellente occasion pour bien souligner la différence qu’il existe avec les softs de Quantic Dream, souvent qualifiés de films interactifs par des rédacteurs adeptes du raccourci. Jouez à Erica, puis à Detroit, et vous verrez qu’il existe un énorme gap entre les deux, en terme de gameplay.
Erica est, donc, un film interactif. Vous allez le lancer pour une soirée cinéma un peu spéciale car, ici, il faudra vous armer de votre manette, ou de votre smartphone. Voilà qui nous renvoie à la gamme PlayLink, avec une application à installer sur votre système Android ou iOS. La connexion se fait toujours aussi simplement, même s’il faut l’admettre : on préfère l’aspect plus pratique, direct, de la jouabilité à la Dual Shock 4. Avec le pad, c’est le Touch Pad qui sert de moyen d’interagir avec l’écran. Dès lors, oui, il faut bien noter qu’un écran de téléphone permet un meilleur balayage, avec plus d’ampleur, mais on s’y fait au bout de quelques minutes. Pour ce qui est des mécaniques de pur gamelay, vous imaginez bien qu’elles sont réduites à leurs plus simples expression : on allume un briquet, on bouge le doigt afin de retirer de la buée d’un miroir, ce genre de chose. Alors certes, les auto-proclamés true gamers vont en rire à gorge déployée, mais l’intérêt est ailleurs.
Le récit largement plus important que le gameplay
L’intérêt d’Erica est dans le voyage qu’il propose. Et c’est aussi de ce côté-ci qu’on est le plus attentif à la qualité qui nous est proposée. Le scénario s’avère, donc, le premier visé, et il est à peu près au niveau de nos attentes. Rappelons que l’on suit l’aventure d’Erica, jeune femme au passé très troublé. Pour cause, son père est mort dans des conditions atroces, massacré par un véritable psychopathe. Des années plus tard, voilà que le tueur refait surface, du coup l’héroïne est envoyée dans un institut de repos sécurisé, au sein duquel les événements étranges vont se multiplier. On arrête là pour ne rien vous dévoiler de trop avancé car le récit, tout simple qu’il soit, réserve pas mal de rebondissements. Pour ce qui est de l’ambiance : un internat remplie de filles, d’éléments troublants, le tout soutenu par une réalisation assez arty, cela rappelle immédiatement le Suspiria de Dario Argento. Il est indiscutable que l’équipe de développement connaît le genre de l’horreur, tant quelques références crèvent les yeux. Malheureusement, le principe de film interactif pousse vers quelques imperfections.
La direction des acteurs se fait trop accentuée. Holly Earl, qui incarne le personnage principal, ne démérite pas, mais on sent bien que le metteur en scène la pousse à rester dans une expression de l’effroi trop systématique pour totalement convaincre. À cause de cette difficulté à diriger les comédiens, Erica ne parvient pas totalement à régler le problème des films interactifs : comment assurer une cohérence globale quand de multiples choix nous sont offerts ? Tout de même, signalons qu’après trois visionnages, on est agréablement surpris par la cohérence des répercussions. D’ailleurs, elles assurent une durée de vie très acceptable pour ce genre de jeu : il vous faudra un peu moins de six heures afin d’expérimenter toutes les fins, le tout afin d’obtenir le Trophée de platine. Et, toujours sans ne rien vous spoiler, sachez que la conclusion peut changer du tout au tout. On aurait, cependant, apprécié une possibilité de mieux lire les embranchements. Car, en l’état, l’expérience se vit dans une fluidité qui ne permet aucune surveillance de l’avancement.
Voilà, d’ailleurs, notre plus gros regret : Erica doit se vivre d’une traite. Quand vous lancez le film, qui dure un peu plus d’une heure trente, il sera toujours possible de le mettre en pause. Mais, si vous désirez interrompre le visionnage, vous en serez pour vos frais. C’est un choix cavalier, alors qu’un système de sauvegarde aurait pu régler le souci. L’expérience est indéniablement imparfaite, mais on en sort tout de même positivement interloqué. Oui, le casting n’est pas intégralement de qualité, mais on peut tout de même compter sur des gueules qui font plus que le job, comme Terence Maynard (aperçu furtivement dans Edge of Tomorrow), lequel incarne un directeur convaincant. Aussi, la photographie, signée Arthur Mulhern, se révèle d’une qualité qui n’a rien à envier à une bonne série B. Notons aussi des compositions idéalement inquiétantes, même si parfois trop systématiques, signées Austin Wintory (Abzû, Journey).
Note : 12/20
Les cinéphiles verront en Erica une tentative certes parfois maladroite, mais tout même sincère de nous plonger dans un film interactif horrifiant. Les gamers, qui ne sont clairement pas la cible de ce titre, pesteront contre un gameplay réduit à sa plus simple expression. Entre les deux, on pourra tout de même savourer une expérience plus intéressante qu’il n’y paraît de premier abord, avec ce qu’il faut de cheminements et de fins différentes. On regrettera simplement une direction des comédiens inégale, et quelques facilités scénaristiques.