La nouvelle pièce du romancier David Foenkinos
Est-il encore nécessaire de présenter David Foenkinos ? Auteur à succès récompensé par de multiples prix tels que le Renaudot ou le Goncourt des lycéens pour son roman Charlotte, le romancier s’est également essayé à la réalisation de films adaptés de ses ouvrages, et plus récemment à l’écriture de pièces de théâtre, mettant notamment en scène Arié Elmaleh en 2016 sur les planches du théâtre Hébertot.
Que vaut alors sa troisième pièce, intitulée Dix ans après et jouée depuis le 21 janvier 2020 au Théâtre de Paris ?
Avec un synopsis laconique et intriguant, Foenkinos nous pose ces quelques questions :
Faut-il présenter son meilleur ami à la femme qu’on aime ?
Faut-il dîner tous les jeudis soirs avec Bernard et Nicole ?
Les gens pauvres s’aiment-ils plus longtemps que les riches ?
Peut-on choisir son successeur quand on quitte sa femme ?
Un écrivain est-il forcément plus drôle qu’un assureur ?
Faut-il rompre avant ou après le dessert ?
Une intrigue où l’on va de surprise en surprise…
Il serait dommage d’en révéler trop car la pièce regorge d’effets de surprise et de flash-backs originaux et sa fin est plutôt surprenante.
On peut cependant en délivrer quelques éléments : dans un décor épuré (deux fauteuils de part et d’autre d’une porte vitrée découvrant par intermittence un espace cuisine), évoluent trois personnages qui forment le triangle amoureux de l’intrigue : Pierre, assureur manquant de confiance en lui (Bruno Solo), Yves, romancier arrogant (Julien Boisselier) et son épouse, interprétée par Mélanie Page qui joue avec élégance la femme « parfaite ».
Le couple n’a pas revu Pierre depuis dix ans, alors que les deux hommes étaient auparavant meilleurs amis.
Nous assistons donc à des retrouvailles un peu gênées, et pour cause : dix ans plus tôt, c’est Pierre qui était en couple avec la femme d’Yves et organisait un dîner pour la lui présenter !
De cette situation de départ à la fois cocasse et dérangeante naîtra une réflexion sur le couple, la lassitude et la peur de la solitude. La femme parfaite est-elle un mythe ou existe-t-elle au point d’en devenir insupportable ?
Dans cette fable sur l’amitié contrariée où la manipulation gangrène les rapports humains, les révélations cruelles se succèdent, révélant la lâcheté et le pathétique des deux protagonistes masculins.
Pas d’ennui possible dans cette pièce mise en scène par Nicolas Briançon, dont le travail a déjà été récompensé par 9 nominations aux Molières.
… mais un texte assez peu subtil
Le jeu des acteurs est bon, notamment celui de Bruno Solo qui dispose de la palette d’émotions la plus variée. Le spectateur est souvent déstabilisé, ce qui provoque le rire, et le temps passe vite. Il faut dire que la pièce ne dure qu’une heure vingt.
Cependant, le texte n’est pas transcendant et on a connu Foenkinos plus inspiré et surtout plus nuancé. Certains passages frôlent la misogynie et les situations, bien qu’amusantes, manquent souvent de crédibilité et semblent exagérées, voire surjouées.
Les dialogues ne sont pas non plus empreints de la finesse que Foenkinos parvient à nous communiquer dans ses romans. Reste une fin surprenante qui porte à la réflexion, même si elle cède un peu à la facilité en ne donnant pas assez de clefs de compréhension.
Faut-il alors aller voir Dix ans après au théâtre ? Si l’on en croit les applaudissements chaleureux entendus lors du salut final, sans doute. On y passera un moment divertissant mais peu mémorable car le manque de subtilité et de réalisme de l’écriture ne nous permettront probablement pas d’apprécier pleinement cette expérience théâtrale.
Si vous vous laissez tenter par ce surprenant dîner, restez surtout quoi qu’il arrive jusqu’au dessert, afin, comme le dit Bruno Solo, de déguster les « idylles flottantes » de nos trois protagonistes !
Dix ans après, du 21 janvier au 3 mai 2020 au Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, 75009 Paris. Une pièce de théâtre écrite par David Foenkinos, mise en scène par Nicolas Briançon, avec Bruno Solo, Mélanie Page et Julien Boisselier.