Caractéristiques
- Titre : L'appel de la forêt
- Titre original : The Call of the Wild
- Réalisateur(s) : Chris Sanders
- Avec : Harrison Ford, Dan Stevens, Omar Sy, Karen Gillan, Bradley Whitford et Colin Woodel
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Genre : Aventure, Drame, Famille
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 100 minutes
- Date de sortie : 19 Février 2020
- Note du critique : 2/10 par 1 critique
Nouvelle adaptation du célèbre roman de Jack London (datant tout de même de 1903), L’Appel de la Forêt cuvée 2020 s’avère une niaiserie parfaitement en adéquation avec l’ère du temps.
Adieu la cruauté réaliste du texte d’origine ou ses nombreuses allusions « darwiniennes » sur la survie du plus fort. Le rachat de la 20th Century Fox par Disney se fait déjà sentir et nous convie à un joli spectacle pour enfants peu exigeant.
Reprenant grossièrement la trame principale tout en retirant les passages les plus durs au profit d’aberrations scénaristiques ou de casting, L’appel de la forêt se fait rapidement raccrocher au nez.
Prenant le point de vue du chien Buck, un bon toutou gaffeur appartenant à un juge de Californie, enlevé puis vendu à un trafiquant de chiens de traineau. Le réalisateur Chris Sanders, jadis scénariste d’Aladdin et du Roi Lion entre autres, prouve à quel point le politiquement correct s’évertue à transformer les talents en bisounours serviles. L’histoire du chien Buck dans cette adaptation cinématographique, c’est suivre les péripéties de Beethoven ou Lassie au pays des chercheurs d’or — le Yukon du XIXème siècle exactement.
Les situations prévisibles s’enchaînent à un rythme métronomique, dont un passage sur un lac gelé ou une avalanche qu’on imaginerait bien transposée dans l’avenir en attraction dans un parc Disney.
L’aspect épique du roman est ici sacrifié au profit d’un tour de montagnes russes qui réussit l’exploit d’ennuyer au lieu de passionner.
Même en tant que grand défenseur de la cause animale (avec un public facile à émouvoir sur ce sujet), il est difficile, à l’exception de quelques scènes, de s’intégrer émotionnellement à l’intrigue du film. Un comble absolu tellement cet objectif semblait facile à atteindre compte-tenu du sujet traité.
Une fois passé à la moulinette de la morale enfantine, les personnages du film perdent toute leur profondeur pour se contenter d’être des vendeurs de camelote.
Buck est gentil, souvent soumis, mais gagne à la fin parce que les bons sentiments l’emportent toujours (on nous signale que le cadavre de Jack London proteste actuellement devant le siège social de Disney).
Le personnage clé de John Thornton, incarné ici par un Harrison Ford se reposant principalement sur son charisme, semble beaucoup trop effacé dans cette version pour convaincre pleinement. La raison est que sa vie et son destin final sont trop sombres et ne peuvent exister seuls dans cette nouvelle version. Il est donc rapetissé voire exclu d’une partie du métrage au profit d’un postier de traîneau, Perrault (!) joué par Omar Sy.
Ce dernier a raté sa vocation de vendeur de photocopieuses tellement il semble avoir l’art et la manière de reproduire la même composition dans tous les films auxquels il participe. Omar Sy est gentil, fait un sourire ultra bright, puis une moue boudeuse quand il est contrarié, vous me tirez ça à 100 exemplaires et vous envoyez le tout aux Césars, ils vont (à nouveau) adorer.
Le reste du casting est fantomatique, au sens propre pour Karen Gillan qu’on a à peine le temps de reconnaitre avant qu’elle ne disparaisse.
Dan Stevens joue un « méchant » tellement caricatural que même les « Marx Brothers » n’auraient pas osé l’écrire. Dommage, car si on le remarquait à peine dans le film La Belle et la Bête (la Bête c’est lui, mais au moins il a l’excuse du maquillage, contrairement à Emma Watson), il était très crédible dans le film Le Bon Apôtre sur Netflix.
Pour finir, Cara Gee incarne Françoise, compagne supposée de Perrault, et joue le statisme réprobateur avec joyeuseté.
La beauté des paysages du Yukon fait frétiller la rétine, c’est incontestable. En fait, c’est même l’unique véritable point fort de L’Appel de la Forêt car, en filmant de nombreuses scènes en plans larges, le réalisateur Chris Sanders privilégie à juste titre sa photographie et produit de magnifiques tableaux naturels. Le retour à la réalité se fait hélas d’autant plus sentir lorsqu’on constate que les incursions 3D des animaux mélangeant capture de mouvement et prises de vue réelles s’avèrent souvent approximatives. Avec 109 millions (sans compter le marketing), on pouvait tout de même espérer mieux.
Cet aspect artificiel des personnages canins (en particulier Buck) n’aide pas beaucoup à sensibiliser le spectateur et ceci même si certaines scènes demeurent touchantes.
Dire que le film de Chris Sanders est un florilège d’approximations voire de trahisons vis-à-vis de la réalité historique serait un euphémisme. Néanmoins, aucune bêtise scénaristique du film n’égale la présence d’un noir au beau milieu du Yukon (la fin « officielle »de l’esclavage au Canada datant seulement de 1865) sans que ça ne choque aucun bûcheron local. Omar Sy, qui semble en plus n’avoir pas compris qu’on va se foutre de sa tronche, a gardé pour le rôle son crâne propret et bien rasé ainsi que sa petite barbe de deux jours pour incarner ce fonctionnaire vivant dans des paysages sauvages la moitié de l’année !
Ce traitement est tellement lisse que le film devrait être déconseillé aux plus jeunes au profit de la lecture du roman.
En conclusion, nous dirons que L’Appel de la Forêt n’est ni plus, ni moins que la dernière production sans âme d’un studio qui semble faire du massacre des classiques sa nouvelle marque de fabrique.
Jack London (également auteur de Croc Blanc) aurait sans nul doute bousillé à coups de pioche cette version bâtarde de son oeuvre et de ses personnages. Même Harrison Ford n’échappe pas à la niaiserie dans une séquence où il jette littéralement de l’argent par les fenêtres. L’ogre Disney se veut moral en disant que le minimum pour vivre est suffisant, mais fait davantage référence à Gainsbourg brûlant un billet à la TV plutôt que d’en faire profiter les pauvres. Une morale hypocrite dans toute sa splendeur et qui illustre à merveille le ressenti final que l’on éprouve à la fin du film.
Reste de beaux paysages, un Harrison Ford encore alerte pour son âge et quelques (rares) scènes touchantes. C’est peu, trop peu pour constituer un moment de cinéma convenable.