Book of Demons, un très bon Diablo-like de plus sur consoles
Ah, le Diablo-like. Ce genre, initié par un Blizzard alors avant-gardiste (comme les choses changent), a marqué de son empreinte tout le secteur vidéoludique. On retrouve désormais le fameux loot partout, dans le moindre FPS, et ce ne sont pas les fans de la licence Borderlands qui nous feront croire le contraire. Le principe se définit comme un mélange d’action frénétique, à base de clics sur de malheureuses souris heureusement de plus en plus résistantes, et de builds de personnages très RPG dans l’âme. Addictif au possible, le concept est pourtant peu suivi d’autres itérations. Il faut dire que le genre est longtemps resté cantonné au PC, tandis que les consoles figuraient clairement comme le parent pauvre. Ce fait est entrain d’être bousculé, doucement mais surement, notamment grâce à la sortie du pourtant pas terrible Diablo 3 en véritable fer de lance. On note aussi les sorties de Bastion, ou de Warhammer : Chaosbane. Bref, la machine semble lancée, et 505 Games en profite pour distribuer Book of Demons sur nos machines de salon. Très bonne idée.
Book of Demons est paru voilà quelques années sur PC, et il y a récolté des avis très positifs. Il ne vous faudra que peu de temps pour comprendre cet emballement. Tout d’abord, l’ambiance est plus réussie qu’il n’y paraît dans les premiers instants. Certes, l’histoire reste survolée, le focus n’a pas été positionné dessus c’est une certitude. Mais on apprécie le fait de vouloir rendre hommage au premier Diablo. La simplicité du contexte n’a d’égale que sa capacité à nous immerger : vous êtes un héros, et vous devez aider un village à faire face à une véritable catastrophe à grande échelle. En effet, c’est dans cette humble bourgade, fuie par la quasi-totalité de ses habitants, que le Mal s’est réveillé. Et ceci à cause d’un fou autoproclamé Pape, lequel a récité l’incantation impie afin de réveiller l’Archidémon. Il va donc falloir pénétrer l’ancienne cathédrale, et se lancer dans ses profondeurs afin de pourfendre les hordes démoniaques qui se dresseront sur votre passage. On remarque quelques notes d’humour assez fines pour ne pas tomber dans le comique outrancier, à l’exception d’une cutscene finale ratée, à nos yeux tout du moins. Le tout sous-titré en français, s’il vous plaît.
Oui, Book of Demons aurait sans doute gagné à nous proposer (beaucoup) plus de détails sur le lore, et même d’assurer quelques missions annexes afin de nous gratifier d’un véritable background. Ce n’est pas le cas ici, et l’on s’y fait, même s’il s’agit clairement de pistes pour une très espérée suite. Si l’on fait fi de cette retenue, c’est non seulement grâce à une ambiance qui se suffit à elle-même, mais aussi à un gameplay incroyablement accrocheur. Le concept du titre se situe entre le hack ‘n’ slash et le soft de construction de deck. Voilà une fusion qui pouvait prêter à sourire, le domaine du jeu indépendant n’étant jamais à cours de ce genre d’idée parfois trop saugrenue (le Roguelite en sait quelque chose), mais elle fonctionne idéalement bien. Ici, tout ce qui est sorts, améliorations de votre unique arme, utilisations des potions, n’est possible que grâce à des cartes collectées lors de vos pérégrination : dans les coffres, sur le cadavre des ennemis, dans les tonneaux ou les tombeaux. Mine de rien, c’est ce qu’on appelle une épiphanie : ça fonctionne.
Pas de véritable inventaire dans Book of Demons, mais un deck, lequel apparaît au bas de l’ATH. Il ne vous reste plus qu’à choisir quel type de combattant vous serez : de ceux qui donnent la priorité aux attaques spéciales (lesquelles piochent dans la mana), aux potions ou aux effets passifs. Bien entendu, cela sera aussi consécutif de la difficulté dans laquelle vous évoluerez. Elles sont au nombre de trois, et offrent autant de challenges bien distincts. Attention à la plus facile, qui vous fera vraiment rouler sur le jeu de manière ostentatoire. Les besoins du deck pourront donc être différents selon l’adversité, et c’est aussi vrai au sein d’une même partie. Ainsi, le studio de développement Thing Trunk a bien mis l’accent sur la possibilité de pouvoir changer de cartes à tous moments, et ce même en cours de combat. Le temps se met donc en quasi-pause (les ennemis peuvent vous toucher, mais sont très grandement ralentis), et l’on a tout le loisir de s’appliquer. Par contre, signalons ici une ergonomie des menus largement perfectible, que l’on sent presque directement hérité du PC. Pas pratique, peu lisible, mais on s’y fait assez rapidement.
Le mélange des genres s’avère carrément idéal
La gestion du deck est l’élément crucial du game design de Book of Demons. Quand vous sortirez de la cathédrale afin de visiter l’un des quatre habitants du village, ce sera pour mieux le fortifier. Les différents services permettent de gagner plus d’emplacements dans votre main, d’identifier des cartes mystères. Encore plus intéressant, le système d’amélioration permet de fusionner une carte avec d’autres, afin de faire progresser les capacités. Par exemple, l’une des meilleures est celle vous octroyant la possibilité de frapper plusieurs ennemis à la fois. Au niveau suivant, la distance s’étire encore, puis le nombre de coups. Pareil pour la carte permettant l’usage des potions de PV. Plus vous la fortifiez, plus les potions sont efficientes et nombreuses dans votre poche. Par contre attention, vous ne pourrez pas les équiper comme bon vous semble : il est question de composer le deck en fonction de la mana disponible, laquelle grandira au fil de vos trouvailles et de vos niveaux. Le jeu propose d’autres subtilités inhérentes au genre, comme les différents niveaux de rareté, ici signalés par un code couleur qu’on aurait voulu encore plus marqué. On loue aussi le système de passage de niveau, qui vous demande de choisir entre une amélioration de PV ou de mana. Si vous choisissez, par exemple, les PV, l’amélioration de mana est plongée dans un chaudron, avec d’autres bonus récupérés sur le terrain. Pour récupérer le contenu, il faudra payer avec l’or empoché dans la cathédrale. Mais attention, c’est de plus en plus cher. Mais prenez garde : la moindre mort videra le chaudron de ses bonus, sauf ceux liés aux PV et à la mana. Voilà qui ajoute du sel à l’aventure.
Vous débuterez Book of Demons avec un chevalier, deux autres classes s’ajouteront pendant votre cheminement (on y reviendra plus bas). Les différents étages de la cathédrale vous présentent un chemin étroit, égayé de ce qu’il faut de chemins annexes. Mais le principe est là : vous avancez, ou vous reculez, point. Pas les ennemis qui, eux, peuvent se balader joyeusement sur la map, sauter dans tous les sens, vous bloquer, jeter des sorts de partout etc. Ne vous inquiétez donc pas, il est question de rattraper l’avantage grâce aux capacités de notre preux avatar, lequel peut frapper les démons à une distance non seulement non-négligeable, mais aussi évolutive selon vos cartes. Sur le chemin, on effectue tous les grands classiques du hack ‘n’ slash, notamment l’ouverture des trésors et le zigouillage de boss de plus en plus coriaces. Ceux-ci vous opposent plusieurs phases, lesquelles sont signalées sur l’ATH, via une barre de progression bien informative. Cela permet d’élaborer une stratégie, et de réagir au quart de tour sur les besoins du deck. Il faut souligner que toutes ces mécaniques ont été pensées afin de rendre le jeu bien nerveux : vous verrez, il est difficile de décrocher.
C’est désormais très à la mode : on attend d’un jeu qu’il nous propose du contenu d’après-fin. Book of Demons l’a bien compris, et propose une bonne dose de contenus de ce genre. Tout d’abord, on compte les deux autres classes dans cette catégorie, tant on voit mal les joueurs gérer trois quêtes en même temps. On est un peu réservé sur la voleuse, dont l’arc nous paraît bien faible à haut niveau. Les flèches proposent certes une allonge dingue, touchant des ennemis hors de l’affichage. Mais le corps-à-corps, très fréquent, devient vite un véritable enfer. Le magicien, lui, est plus intéressant tant il permet de jouer sur les faiblesses élémentaires de certains démons. Mais, là encore, on trouve l’avatar trop fragile dans des situations qui seront pourtant expédiées par le chevalier. Le plus gros morceau restera le mode libre : on parcourt les profondeurs insondables (et pour cause, elles sont infinies) de la cathédrale, dans le but de perfectionner son deck, encore et toujours. Et croyez-nous, vous allez y passer du temps. Dans les faits, l’aventure principale se boucle en sept heures, en mode de difficulté normal. Ensuite, vous pourrez en ajouter plusieurs dizaines. Et pourquoi pas vous lancer dans le mode Roguelike, qui propose aux plus masochistes d’entre vous une permadeath…
Techniquement, Book of Demons est ce genre de jeu qui n’a rien d’impressionnant, mais dont la force se situe dans la personnalité. Les effets à l’écran sont nombreux, les textures pas très riches mais nettes, et la fluidité quasiment constante. Surtout, c’est la patte artistique qui nous plait : on a l’impression d’un JDR parsemé de personnages en papier plié, presque de l’origami (coucou le prochain Paper Mario). L’avatar se déplace en sautillant, ce qui renforce l’ambiance jeu de plateau. Bon, on aurait tout de même apprécié plus d’environnements, et les ennemis se diffèrent que trop peu, mais rien de bien grave. Et surtout : mais c’est quoi cet artwork tout moche, même pas aux bonnes dimensions, qui ouvre le jeu ? Autrement, on a aimé le doublage anglais, déclamé dans le bon ton. Et la musique, que l’on doit à Pawel Blaszczak, propose ce qu’il faut de sonorités sombres typiques du genre.
Note : 16/20
Book of Demons sort un peu de nulle part, et s’ajoute à la liste des bonnes surprises que 2020 réserve aux joueurs consoleux. Mélange réussit de Diablo-like et de jeu de cartes, le titre s’appuie sur un game design hyper efficace qui, s’il vous accroche, vous emportera pour un grand nombre d’heures. Le soft reste tout de même parsemé de quelques regrets, on pense surtout à l’ergonomie des menus, ou le background qui aurait mérité plus de développement. Espérons qu’une suite soit à l’ordre du jour, tant le concept nous a emballé.