Caractéristiques
- Titre : Dune
- Réalisateur(s) : Denis Villeneuve
- Avec : Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac, Josh Brolin, Zendaya, Jason Momoa...
- Distributeur : Warner Bros France
- Genre : Science-Fiction
- Pays : Américain
- Durée : 155 min
- Date de sortie : 15 septembre 2021
- Note du critique : 10/10 par 1 critique
Pas un film mais une saga
Le film Dune de Denis Villeneuve, que nous évoquions récemment dans une preview, est la première partie d’une saga basée sur les livres de Franck Herbert. Cette saga (les 2 ou 3 premiers livres sur 7 écrits par Herbert) a déjà fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 1984 par David Lynch qui reprenait un travail initié par Alejandro Jodorowsky, ainsi que d’une mini-série télévisée au début de années 2000.
L’un comme l’autre ont rencontré d’énormes difficultés dans cette tâche tant l’ouvrage de référence est devenu culte, même si réputée inadaptable et aussi dense que riche et faisant partie de la culture pop/geek et même au delà !!
Voilà pour le contexte. Cela permet de noter la pression qui existait autour de cette nouvelle adaptation cinématographique, qui sera suivie par un ou plus probablement deux autres longs métrages pour conclure le cycle.
Condamné à réussir
Mais pour s’attaquer à une suite, ce premier opus doit être une réussite commerciale. Comme beaucoup de films programmés en 2020, la pandémie l’a ballotté de reports en pauses, au gré des règles sanitaires. Il ne sort d’ailleurs pas au meilleur moment, mais il évite le direct to VOD de certains autres et c’est tant mieux.
En effet, Dune mérite d’être vu dans un environnement grandiose, en Imax avec du Dolby qui résonne de partout, car c’est un pur space opera et cette première partie fait la part belle à la présentation des mastodontes :
- Vaisseaux-mères intergalactiques, forteresses-capitales immenses et glacées comme des bâtiments administratifs de l’ex-URSS, processions impériales, défilés militaires…
- Paysages sublimes des côtes de Caladan (planète d’origine des Atréides), à la techno-cité de Geidi Prime (planète des Arkhonens), en passant par les sables gorgés d’épices de Dune, amenant aux titanesques vers des sables, point d’orgue des prouesses visuelles du film.
Et nous ne vous parlons pas de l’épique scène de conquête d´Arrakis dans un déluge de feu…
Au chapitre des trouvailles visuelles au service du parti-pris scénaristique, une formule très efficace est aussi employée dans le film. Pour permettre aux Atréides de communiquer entre eux de façon rapide et silencieuse, ils utilisent un langage des signes très discret, rappelant les langages de combat des forces spéciales militaires. Cet effet nous plonge dans l’action tout en évitant l’écueil de longues scènes réflexives en voix off qui casseraient le rythme.
Géopolitique, économie et religion
Dune (le film de Villeneuve, donc) nous plonge au sein d’une tragédie grecque, qui emprunte autant à l’Odyssée qu’à la culture des religions monothéistes.
Le point de focale de l’histoire, c’est la planète Arrakis, surnommée Dune car elle est couverte de sable et de tempêtes d’une violence extrême. Dune possède une ressource qui n’existe nulle part ailleurs : l’épice. Elle est d’autant plus précieuse qu’elle n’a pas une mais deux vertus majeures :
- C’est la substance qui, prise en forte quantité par les pilotes de la guilde des navigateurs, leur permet de tordre l’espace-temps pour transporter les immenses vaisseaux-mères instantanément à n’importe quel point de l’univers. Faisant ainsi de cette guilde, une des factions majeures de l’univers.
- C’est aussi un puissant hallucinogène qui éveille les consciences en levant le voile de l’espace-temps, permettant aux initiés d’avoir des visions prémonitoires.
Évidemment, cela ne va pas sans effets secondaires que le film évoque sans s’y attarder dans cette première partie.
Voilà pour le plus gros enjeu de la saga : qui possède Dune, possède un pouvoir et une richesse immense.
A partir de là, la politique de la Galaxie est assez simple, elle suit un modèle médiéval que les fans de Game of Thrones comprendront immédiatement :
- L’Empereur dirige le monde connu, il a des légions d’élites, les Sardaukars, qui lui permettent de faire régner l’ordre ; mais il a besoin du soutien des autres factions pour stabiliser son pouvoir. C’est lui qui accorde les droits d’exploitation de l’épice sur Dune, faisant et défaisant les richesses des grandes maisons.
- Grandes maisons, qui forment des conseils, des factions, des intrigues.
Le film s’attarde sur 3 d’entre elles :
- Les Atréides, dirigée par le Duc Leto dont le fils, Paul, est le futur héritier de la maison. Les Atréides semblent aimés des autres grandes maisons et poussés par elles en tant que contre-pouvoir à l’Empereur, place très dangereuse évidemment.
- Les cruels Arkhonens, actuellement propriétaires d’Arrakis, qui dévastent la planète pour moissonner l’épice et veulent détruire les autochtones vivant sur la planète : les Fremens. Il sont dirigés par le Baron, qui est secondé de son fidèle neveu Feyd, qui est, de par sa position, allié de l’empereur, et grâce à l’épice, l’homme le plus riche de l’univers.
- La dernière faction en présence est « pseudo » religieuse, il s’agit des Bene Gesserit : un groupe de femmes aux pouvoirs étranges et paranormaux. Elles lisent l’avenir, savent détecter les mensonges, possèdent des pouvoirs de persuasion et d’autres choses encore… Ces femmes sont présentes au sein de toutes les factions, en tant que conseillères ou stratèges, ce qui fait d’elles des adversaires politiques redoutables. D’ailleurs, la concubine du Duc Leto et mère de Paul Atréides, Jessica (Rebecca Ferguson), fait partie de cet ordre.
Une quête initiatique
Le roman regorge de personnages secondaires, d’intrigues et d’événements. Villeneuve en a fait l’épure pour se concentrer sur le principal.
Paul Atréides entre dans le monde adulte et doit faire face à son destin, car il a une destinée :
- Par son père : Héritier des Atréides et ennemi des Arkhonens, opposant de l’empereur.
- Par sa mère, liée aux Bene Gesserit et dotée d’étranges visions, seul descendant mâle de cette faction, il est un mouton noir.
- Par ses amitiés et ses aspirations, il est un érudit et un combattant entrainé par les meilleurs, même si ce n’est pas la voie qu’il veut choisir.
- A travers la prophétie de l’élu, le Kwisatz Haderach, que de nombreuses personnes aimerait qu’il soit… Paul va devoir faire ses choix, prendre des responsabilités et advenir. Tel le héros grec mentionné plus haut, se laissera-t-il guider par des forces supérieures ou décidera-t-il de son destin ?
Des thématiques très modernes
Villeneuve nous montre des personnages qui sont ancrés dans une réalité qui pourrait être la nôtre. Voici une liste non exhaustive (que nous espérons non-manichéenne) des thèmes abordés :
- La politique et la religion, l’intrication de ces deux forces et comment elles façonnent la destinée de mondes entiers.
- L’exploitation à outrance de ressources naturelles pour le profit, au détriment de l’équilibre écologique.
- La valeur d’une vie humaine devant le profit.
- La volonté génocidaire envers les peuplades autochtones (primo habitants), écrasés par la supériorité technologique, qui voit leur planète envahie et n’ont d’autre choix que de prendre la maquis pour résister, devenant ainsi des terroristes aux yeux de l’occupant.
- Le poids de l’héritage culturel, pour tous les protagonistes.
- La place des femmes dans différentes cultures.
Evidemment, tout cela est présent dans l’œuvre d’Herbert, mais par ses choix scenaristiques, ce nouveau film devient une métaphore moderne du libéralisme ; d’une façon peut-être moins naïve qu’Avatar (James Cameron) mais plus sombre aussi : cette épice a un goût d’or noir…
La route est longue, les compagnons sont des étapes
Paul Atréides, l’héritier, le héros, l’élu peut-être, sort de l’enfance et pourtant il est déjà grave, posé, réfléchi. Rares sont les moments où il est léger… Dans ce premier opus, il n’est pas prêt à accepter sa destinée, il veut faire ses choix. Cependant, contre toute attente, un de ses mentors n’est autre que sa mère Jessica. Elle lui enseigne les secrets des Bene Gesserit, non pas pour l’enrôler ou le manipuler, mais pour lui donner plus de moyens afin de faire ses propres choix et de se protéger.
C’est dans cette relation particulière et assez rare au cinéma que le film nous entraîne : ce duo totalement atypique, de deux êtres si proches, qui, dans l’adversité d’un environnement très hostile, vont se découvrir bien différents de ce qu’ils imaginaient être et de comment ils imaginaient l’autre se comporter. Voilà une façon originale de mener cette première partie du chemin, lorsque l’on sait qu’au bout (de la partie I) attend la jeune Fremen Chani (Zendaya), qui, déjà en rêve, ne laisse pas du tout Paul indifférent.
En conclusion
Le film a bien répondu à nos attentes. Moins baroque, plus sombre, plus “réaliste”, moins grandiloquent que son aîné ; il prend son temps pour nous éblouir et nous attraper tout au long de plus de deux heures que l’on ne voit absolument pas passer. Il nous amène à la croisée des chemins de Paul Atréides, avec plus de questions que de réponses ; mais avec la certitude que l’on est bien en face d’un futur film culte… si la trilogie qui s’annonce répond bien aux attentes des fans, tout en restant à la hauteur de ce premier chapitre.
Et qui sait, au delà de cette trilogie, de nombreux romans ont été écrits par d’autres qu’Herbert (notamment par son fils) dans l’univers de Dune. Nous sommes donc peut-être au point de départ d’une saga aussi prolifique que celle de Star Wars…