Caractéristiques
- Titre : Lawrence d'Arabie
- Genre : Biopic, Drame
- Ecriture : Eric Bouvron & Benjamin Penamaria
- Musique : Julien Gonzales, Raphaël Maillet, Cecilia Meltzer
- Mise en scène : Eric Bouvron
- Avec : Kevin Garnichat, Alexandre Blazy, Matias Chebel, Stefan Godin, Slimane Kacioui, Yoann Parize, Julien Saada, Ludovic Thievon
- Durée : 1h50
- Lieu(x) de représentation : Théâtre du Gymnase
- Dates : 03 mars au 22 mai 2022 (relâche le 01 et 08 mai 2022)
- Note : 8/10 par 1 critique
Une fresque épique et intime retranscrite sans manichéisme
Bande-annonce – Lawrence d’Arabie from Atelier Théâtre Actuel on Vimeo.
Après avoir obtenu le Molière du Meilleur Spectacle Privé en 2016 pour son adaptation des Cavaliers de Joseph Kessel, Eric Bouvron revient avec une nouvelle pièce au Théâtre du Gymnase : Lawrence d’Arabie. Cette fresque épique inspirée de faits réels narre l’aventure de Thomas Lawrence (qui avait déjà inspiré le célèbre film de David Lean), jeune étudiant d’Oxford passionné de culture arabe, qui devient officier du renseignement dans le désert du Moyen-Orient pendant la Première Guerre Mondiale. A cette époque, l’Empire ottoman, allié de l’Allemagne, contrôle le désert d’Arabie. L’armée britannique confie alors à Lawrence une mission qu’il racontera dans sa célèbre autobiographie, Les Sept Piliers de la sagesse : convaincre les tribus arabes de se liguer contre les Turcs, afin de reprendre le contrôle de leur territoire et de former une nation arabe unie et indépendante. Ce que le jeune homme ignore, c’est qu’alors qu’il croit aider un peuple à conquérir sa souveraineté, il sert en réalité les intérêts des gouvernements anglais et français. Ces derniers ont en effet déjà signé un accord prévoyant le découpage de la région à leur seul profit, une fois reprise à l’Empire ottoman.
Avec une écriture théâtrale didactique mais jamais ennuyeuse, la pièce exploite la richesse de ce contexte géopolitique passé dont l’écho résonne encore aujourd’hui. Elle questionne avec finesse les thématiques de l’amitié et de la trahison, en mettant Lawrence face au dilemme impossible de choisir à qui accorder sa loyauté. En proposant une galerie de personnages issus des différents camps, le texte évite tout manichéisme et permet au spectateur de ressentir une large palette d’émotions : la peur, la colère, la tristesse, et même le rire. Ainsi, au milieu de ce spectacle dramatique au rythme souvent effréné, certaines scènes apportent un soulagement comique bienvenu et tempèrent momentanément l’intensité de l’action.
Comme pour ses précédents spectacles, Eric Bouvron s’est donné pour but de décrire fidèlement les lieux qu’il représente en s’y rendant lui-même : en Ouzbékistan pour Les Cavaliers, ou encore au Groenland pour Thé sur la Banquise. Pour Lawrence d’Arabie, il est parti à la rencontre de bédouins en Jordanie, et cette quête de réalisme donne au spectateur l’impression de vivre une véritable aventure tout en restant confortablement assis dans son siège.
Une mise en scène ingénieuse et dynamique
Sur le papier, l’histoire de Lawrence d’Arabie semble extrêmement difficile à adapter pour le théâtre, avec ses multiples rebondissements, son contexte historique et géographique très dense et la multiplicité des personnages qu’elle convoque. Pourtant, le metteur en scène parvient avec talent à reconstituer le tout : sur les planches, aucun meuble ni cloison, mais un simple tapis beige et un fond noir auquel donneront vie de nombreux jeux de lumières. Pas moins de quatre-vingt-dix personnages vont se succéder pendant les presque deux heures de spectacle, interprétés par huit comédiens très incarnés, jouant tantôt un homme, une femme, ou même un chameau ! Vêtus de costumes sombres et neutres, il leur suffit d’ajouter un accessoire pour changer de rôle, de manière fluide et rapide, sans avoir à sortir de scène. Les performances d’acteurs sont très physiques, rappelant parfois de véritables chorégraphies : il y a des portés, des danses et un mouvement permanent sur scène.
Eric Bouvron fait directement appel à l’imaginaire du spectateur : de même que la lecture d’un livre pourrait évoquer des images très précises à un lecteur, les différentes scènes de la pièce prennent vie à travers le seul jeu des acteurs et des lumières. Un projecteur de couleur rouge permettra ainsi de faire ressentir la chaleur du désert, tandis que le vent et le sable tourbillonnants seront symbolisés par un immense drapeau planant au dessus des personnages. Le nombre restreint d’accessoires ne limite donc pas la mise en scène. Au contraire, cela décuple son pouvoir de suggestion.
La musique, personnage à part entière du spectacle
Sur scène, trois musiciens partagent l’affiche avec les comédiens : une violoniste, un accordéoniste-percussionniste et une chanteuse lyrique. Loin d’être statiques, ils se mêlent physiquement aux personnages, se déplacent, dansent, et interviennent parfois pour de petits rôles.
La musique est quasiment omniprésente et ne se contente pas d’accompagner le récit. Elle le nourrit et l’enrichit en créant des transitions entre les scènes, en explicitant par le son l’apparition d’un nouveau lieu, ou en sublimant une émotion.
La mélodie peut également devenir bruitage, le son du violon incarnant l’approche d’un train ou l’explosion d’une bombe. Elle permet de donner vie aux idées du metteur en scène, en s’affranchissant de la contrainte matérielle du décor et des accessoires.
Nominé deux fois aux Molières 2022, Lawrence d’Arabie est donc une pièce qui divertit et instruit son spectateur, tout en proposant une mise en scène ingénieuse et expérimentale. Si vous recherchez un spectacle complet mêlant musique, aventure et action, précipitez-vous au Théâtre du Gymnase pour ses dernières représentations !
Réservations en ligne à la billetterie du Théâtre du Gymnase (et sur Ticketréduc, etc.).