Caractéristiques
- Titre : Sans Filtre
- Titre original : Triangle of Sadness
- Réalisateur(s) : Ruben Östlund
- Scénariste(s) : Ruben Östlund
- Avec : Harris Dickinson, Charlbi Dean, Woody Harrelson, Dolly De Leon, Zlatko Burić ...
- Distributeur : Bac Films
- Genre : Drame, Comédie
- Pays : Suède, France, Grande-Bretagne, Allemagne
- Durée : 149 minutes
- Date de sortie : 28 septembre 2022
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- Note du critique : 9/10 par 1 critique
L’univers impitoyable des influenceurs
Déjà Palme d’Or en 2017 avec The Square et prix du jury dans la catégorie Un certain regard à Cannes en 2014 avec Force Majeur (Snow Therapy) (les deux films sont disponibles sur MUBI depuis le 25 septembre) Ruben Östlund a réussi l’exploit d’en gagner une seconde cette année avec Sans Filtre, qui raconte l’histoire de Carl et Yaya, couple de mannequins et influenceurs qui sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe après la Fashion Week. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s’inversent lorsqu’une tempête se lève et met en danger le confort des passagers…
Ruben Östlund propose trois actes bien distincts pour cette satire sociale qui n’est pas sans rappeler par certains aspects Parasite, également primé en 2019. La première partie s’intéresse au couple que forme Yaya et Carl, qui sont tous deux mannequins. Il faut savoir que dans ce milieu, le salaire des femmes est trois fois supérieur à celui des hommes. Au cours d’un dîner dans un restaurant chic qui suit la Fashion Week, le couple va se disputer pour montrer le vrai visage des deux personnages. Sur cette partie, le scénariste/réalisateur se moque, en premier lieu, de tout ce qui entoure la mode, des castings aux défilés. En second lieu, il inverse les rôles en faisant de la femme celle qui gagne le plus, ce qui donne lieu à une scène de conversation assez amusante et intelligente sur l’argent entre les deux amoureux, qui permet également de dévoiler pourquoi la jeune femme a cherché à tester son compagnon.
Un humour corrosif à la limite du vulgaire
Le second acte se déroule durant une croisière où chaque poste représente une catégorie sociale. Plus on travaille bas sur le bateau, plus on est bas sur l’échelle sociale. Ce principe simple mais efficace donne lieu à des scènes amusantes, par exemple en cuisine, où l’on écoute « L’internationale » ou encore avec une riche dame qui demande à tous les employés du yacht d’aller se baigner. De nouveau, au travers des personnages de Yaya et Carl, nous avons, cette fois, une critique du phénomène des influenceurs, car les deux mannequins, pensant à leur futur, évoluent.
Toute cette croisière trouvera son paroxysme hilarant avec une scène du dîner du commandant finissant avec du vomi et d’autres choses à la limite du vulgaire pour montrer que tout le monde est égal face à la nature. Cette partie est sûrement la plus réussie sur le plan humoristique, tout en étant toujours aussi satirique sur le comportement des riches.
Une satire réussie
Le troisième et dernier acte se déroule sur une île où certains survivants vont se retrouver à changer de place sur l’échelle sociale. Alors que dans la deuxième partie, le cinéaste critiquait, en partie, le patriarcat, il laisse ici la chance au matriarcat. Est-ce que celui représente réellement un meilleur modèle ou ne ferait-il qu’inverser les rapports dominant-dominé ? C’est toute la question qui se pose ici. Le cinéaste nous interroge aussi sur le comportement que nous aurions si nous montions très vite l’échelle sociale : ferions-nous la même chose que les autres ? Nous vengerions-nous ? Une question pertinente, qui trouve son paroxysme dans les derniers instants du long-métrage. Evidemment, comme on est toujours dans la satire, on rigole toujours autant, mais de manière assez différente que lors des deux premières parties.
Concernant la réalisation, Ruben Östlund nous offre trois parties stylisées différemment les unes des autres, et bien pensées en ce sens. Le tout avec une superbe direction de la photographie. Le timing comique est aussi parfait et le rythme est bon malgré quelques petites longueurs. On notera aussi une utilisation des chansons au service de l’humour, avec un très bon sens du timing.
Une Palme d’Or méritée ?
En ce qui concerne les acteurs, Harris Dickinson (Là où Chantent les écrevisses) est excellent dans le rôle de Carl qui s’énerve et ne sait jamais trop quoi faire. Son interprétation est plus subtile qui n’y paraît. La merveilleuse Charlbi Dean, qui est décédée le 29 août dernier, est juste parfaite en Yaya. Elle rayonne autant par sa beauté, mais aussi par son jeu. Woody Harrelson (Venom: Let There Be Carnage) est juste hilarant dès qu’il apparaît à l’écran. Un rôle à sa démesure tel qu’on ne l’avait plus vu depuis quelques temps. Dolly De Leon et Zlatko Burić complètent cet excellent casting. Ils interprètent à la perfection Abigail, une préposée aux toilettes pour la première, et un riche russe un peu fou pour le second.
Sans Filtre est une comédie corrosive hilarante doublée d’une satire sociale particulièrement réussie, avec un casting de haut vol que l’on sent impliqué, le tout porté par une réalisation au service de son propos. Jubilatoire tout en étant toujours à la limite du vulgaire, cette Palme d’Or est clairement l’un des meilleurs films de l’année.