Caractéristiques
- Titre : Marilyn Monroe : La célébrité à tout prix
- Titre original : Dream Girl: The Making of Marilyn Monroe
- Réalisateur(s) : Ian Ayres
- Scénariste(s) : Ian Ayres
- Avec : Tony Curtis, Jerry Lewis, Don Murray, Jane Russell, George Chakiris...
- Distributeur : French Connection Films
- Genre : Documentaire
- Pays : France
- Durée : 200 minutes
- Date de sortie : 20 septembre 2022 (en DVD)
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- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Une série documentaire entre archives et témoignages inédits…
Série documentaire de 3 épisodes d’environ 1h chacun parue en DVD ce mois-ci, Marilyn Monroe : La célébrité à tout prix de Ian Ayres reconstitue la vie, le parcours et l’ascension hollywoodienne de Norma Jeane Baker jusqu’à sa mort prématurée à l’âge de 36 ans le 4 août 1962. La particularité de ce nouveau documentaire est de ne pas se baser uniquement sur des archives et des biographies, mais également sur des témoignages inédits de ses proches, amis et collaborateurs, filmés sur une période de 10 ans, et qui apportent ainsi un éclairage intime sur la vie et surtout la personnalité de la star.
La première partie se concentre sur son enfance mouvementée entre sa mère psychologiquement instable et les foyers d’accueil, puis sur son adolescence et ses débuts en tant que mannequin une fois devenue adulte ; la seconde raconte ses débuts au cinéma et son ascension vers la gloire et enfin, la troisième et dernière partie les années de succès, ses mariages avec Joe DiMaggio et Arthur Miller, et enfin les derniers jours avant sa mort.
De manière générale, bien qu’incomplet (la création de sa société de production, co-créée avec son ami le photographe Milton Greene n’est pas abordée, par exemple, ce qui est dommage), le documentaire synthétise assez bien la vie et le parcours de Marilyn Monroe, et le premier épisode relate la véritable histoire de son enfance, différente de la légende qu’elle avait créée pour les médias à l’époque (notamment dans son autobiographie inachevée). Bien sûr, ces éléments étaient déjà connus, mais cette partie bénéficie de l’éclairage de l’une de celles qui fut sa sœur adoptive lorsqu’elle était élevée chez les Bolender, sa principale famille d’accueil, qui chercha à l’adopter en vain, ce qui apporte un éclairage humain et assez touchant.
Cela est vrai de la plupart des témoignages présents dans le reste du documentaire, qui permettent d’en apprendre plus sur la femme qu’était Marilyn Monroe derrière le personnage qu’elle s’était créé. Le témoignage de Tony Curtis par exemple, qu’elle connut dès ses débuts lorsqu’elle cherchait à se faire embaucher par les studios, est ainsi intéressant pour ce qu’il révèle de sa détermination de jeune débutante.
… qui pêche par un manque de recul dans sa dernière partie
Néanmoins, la série documentaire de Ian Raynes, qui est également accompagnée par la parution d’un beau livre aux éditions de la Martinière, pêche par son approche résolument anglo-saxonne axée sur la dimension émotionnelle… mais journalistiquement peu rigoureuse à bien des égards, plus particulièrement dans sa dernière partie. Une certaine théorie déjà connue depuis longtemps concernant sa mort, rendue populaire par le journaliste Anthony Summers dans son livre Goddess (1985) est ainsi présentée comme un fait et jamais justifiée par des sources. Son ancien attaché presse, qui la formule, parle d’ailleurs au conditionnel à ce moment-là, révélant ainsi que son témoignage repose sur des ouïe dire et non sur une connaissance directe des faits, mais la voix-off prend ensuite le relais en présentant comme un fait la mort de Marilyn aux mains de la CIA et du Ministère de la Justice après que l’actrice, qui aurait été violée par le parrain de la mafia new-yorkaise chez Sinatra avant d’être lâchée par les Kennedy, aurait menacé de révéler les liens entre la mafia et ces derniers, ainsi que les lettres d’amour que lui aurait écrites Robert Kennedy.
Mis à part certains témoignages d’amis ou collaborateurs proches des débuts qui permettent d’établir qu’elle aurait reçu le soutien de certains mafieux à ses débuts pour accéder à certaines auditions et certains contacts au sein des studios (ce qui est présenté de manière assez convaincante dans la première partie), les hypothèses de la dernière partie ne sont appuyées par aucune source. Par exemple, Ian Ayres prétend qu’à la fin de sa vie, la mafia faisait pression sur Marilyn car ils l’avaient aidée à ses débuts… sans jamais préciser de quelle sorte de pression il s’agissait ni sur quoi ces dires s’appuient. Les documentaristes semblent également ne pas tenir compte de l’influence des légendes colportées sur l’actrice sur certaines des personnes l’ayant côtoyée, comme son attaché de presse ou son maquilleur, qui mélangent témoignages personnels d’événements auxquels ils ont assisté et de confidences que leur avait fait Marilyn avec ce qui reste encore à l’heure actuelle de simples théories ou possibilités – certaines ayant d’ailleurs été fortement démythifiées par certains ouvrages allant à l’encontre de la fascination pour le sujet, comme Le dernier secret de William Reymond (2008).
Le fantasme autour de l’icône Marilyn plus fort que tout ?
Le fait que certains de ses proches amis n’aient jamais cru à son suicide suffit-il à accréditer la thèse de l’assassinat plutôt qu’un accident du dosage médicamenteux préparé par son psychologue le Dr Greenson, qui s’était lui-même défaussé en surfant sur les rumeurs entourant les Kennedy ? Cette fin assez similaire à celle de Michael Jackson est la thèse (très crédible et bien plus étayée) défendue par le livre de William Reymond, mais cette possibilité (ni aucune autre) n’est évoquée dans le documentaire de Ian Ayres. Pourquoi ? Parce que la mort tragique dans des circonstances mystérieuses de Marilyn Monroe a donné lieu à un véritable fantasme collectif et on a un peu l’impression que bien des biographes et documentaristes se refusent à prendre le risque d’y mettre fin en faisant preuve d’un peu plus de sérieux ou, au moins, de mesure dans les faits et analyses présentés. D’où la multitude de documentaires racontant peu ou prou au final la même chose et s’appuyant pour la majeure partie sur les mêmes ouvrages. En l’état, la conclusion du documentaire de French Connection Films n’apporte pas grand-chose au débat sur sa mort.
Idem pour sa relation avec son ancienne coach d’art dramatique Natasha Lytess, qui est présentée par une biographe comme étant une relation homosexuelle. Les sources plus élaborées ont plutôt tendance à mettre en avant que c’est Natasha Lytess qui était très amoureuse de Marilyn à qui elle sacrifia beaucoup. L’actrice, de son côté, la considérait comme une amie et s’appuyait beaucoup (trop) sur elle, mais utilisait aussi sciemment les sentiments de sa coach à son avantage… Qu’il y ait eu entre elles des relations intimes ou non à un moment donné (ce qui n’est pas attesté et d’ailleurs pas étayé au sein du documentaire), il semble donc un peu exagéré de présenter Marilyn comme un symbole lesbien, même si c’est dans l’air du temps et que la vieille légende d’une aventure avec sa rivale Joan Crawford est de nouveau citée, là aussi sans que cela soit sourcé.
Au final, tous ces raccourcis et biais ne donnent pas une image super sérieuse au documentaire, même s’il possède des qualités, notamment dans la manière de synthétiser pas mal de choses de la vie et la carrière de Marilyn, le tout illustré par des images d’archives et extraits de films. Les témoignages intimes et inédits de ses proches et collaborateurs valent pour beaucoup le détour, mais sont malheureusement trop peu recontextualisés par la voix-off, ce qui est malheureusement un défaut répandu des documentaires de la sorte destinés à la télévision, touchants mais manquant trop souvent de recul vis-à-vis de leur sujet ou ne citant par leurs sources. Pour apprécier en partie cette série documentaire, mieux vaut donc avoir conscience de ses biais interprétatifs.
Note de la rédaction : nous n’avons pas lu le livre de Ian Ayres sorti en parallèle à ce DVD. Cette critique se base uniquement sur le contenu proposé au sein de la série documentaire.