[Critique] Interdit aux chiens et aux italiens : Un récit de l’immigration italienne

Caractéristiques

  • Titre : Interdit aux chiens et aux italiens
  • Réalisateur(s) : Alain Ughetto
  • Scénariste(s) : Alain Ughetto, Alexis Galmot & Anne Paschetta
  • Avec : Ariane Ascaride (voix), Alain Ughetto (voix-off)
  • Distributeur : Gebeka Films
  • Genre : Animation
  • Pays : France
  • Durée : 1h10
  • Date de sortie : 25 janvier 2023
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 7/10

Histoire de famille et tranche d’Histoire

Second long-métrage d’animation d’Alain Ughetto après La Boule en 2013 et Prix du Jury au Festival International du Film d’Animation d’Annecy, Interdit aux chiens et aux italiens raconte l’histoire des grands-parents italiens du réalisateur, des paysans qui quittèrent leur région natale du Piémont face à la difficulté matérielle de leur situation et à la montée du fascisme après la fin de la Première Guerre Mondiale.

Dans ce film d’animation réalisé intégralement avec des figurines et décors en pâte à modeler en faisant appel au stop-motion (seules quelques images réelles sont insérées sur certains plans), le réalisateur, que l’on entend en voix-off, établit un dialogue direct par-delà le temps avec sa grand-mère Cesira (ici doublée par Ariane Ascaride), disparue en 1962 alors qu’il avait 12 ans. A plusieurs moments, il perce le 4ème mur, passe sa main bien réelle dans le cadre pour se saisir d’un objet et lui pose directement des questions, auxquelles elle répond. Ces courts passages permettent de créer un lien puissant entre le présent et un passé qui n’en paraît que d’autant plus vivant. Ce parti pris de réalisation de faire apparaître la main de l’artiste peut également rappeler certaines animations de Terry Gilliam pour les Monty Pythons, même si l’utilisation qu’il en fait a ici une portée tout autre.

En effet, cette main qui sort du cadre, c’est à la fois la main de l’artiste qui modèle ses figurines et les met en scène au sein des décors, mais aussi ces mains qui rappellent le travail agricole de ses grands-parents. Des mains qui travaillent, pétrissent… Au début du long-métrage, Alain Ughetto se souvient des disputes avec sa famille quand il leur annonça qu’il voulait être artiste car eux ne comprenaient pas que cela pouvait être un vrai métier. Ce lien entre travail manuel artistique et agricole prend ainsi une toute autre dimension, à la fois émouvante, et qui raconte quelque chose de la transmission qui est au cœur du récit.

la famille ughetto dans le film d'animation interdit aux chiens et aux italiens

Un traitement réaliste et poignant, avec de petites touches de fantaisie

Le film en lui-même raconte l’histoire des Ughetto de manière réaliste par le ton, ce qui n’empêche pas, par moments une certaine fantaisie à l’image, comme la séquence de la division d’une pomme de terre en 5 parts ou encore l’anecdote autour de la sorcière du village, qui voulait à tout prix transmettre ses pouvoirs avant de mourir et qui est montrée à l’image de manière fantastique et humoristique, contrebalançant alors la teneur dramatique au sein de laquelle cette histoire est racontée.

On suit la famille du réalisateur au fil des décennies, dès l’enfance de son grand-père Luigi. Le réalisateur se concentre plus particulièrement sur la période ayant précédé l’exil, ainsi que celles l’ayant suivi. On voit les personnages grandir, certains mourir dans des conditions tristement communes à l’époque (une forte fièvre, une chute, la guerre…). Les conditions de vie difficiles, la volonté de surmonter les difficultés, tant matérielles que du point de vue de l’intégration, sont évoquées avec précision, mais aussi pudeur et retenue. A travers l’histoire de cette famille, c’est ainsi celle de beaucoup d’immigrés italiens qui se dessine.

Le récit s’arrête, après une ellipse et le témoignage du réalisateur sur son enfance sous le signe d’une France aimée en guise de conclusion (il expliquera en interview que sa grand-mère, « plus française que les français », refusait alors d’évoquer le passé, qu’il apprendra de différentes personnes par la suite), sur la mort de Cesira. Le dialogue fantasmé avec son aïeule et ces quelques mots qu’il lui fait prononcer (« Tu sais, on n’est pas d’un pays, on est de son enfance »), apparaissent d’autant plus émouvants après tout ce que nous avons vu. De sorte que le clap de fin du réalisateur, qui frappe dans ses mains à l’image avec la farine qui vole dans l’air, est des plus poignants.

Le film peut-il être vu par des enfants ?

Même si la bande-annonce, par le ton des extraits proposés, pouvait laisser penser que l’œuvre, malgré son sujet, pouvait être accessible aux enfants, ce n’est pas vraiment le cas. Lorsque nous avons découvert le film en salles un mercredi après-midi, beaucoup de parents avaient emmené des enfants qui avaient parfois moins de 10 ans et qui semblaient quelque peu perplexes à la sortie. Le récit, poignant et précis, peut être difficile à suivre du point de vue d’un enfant, même si le métrage n’affiche qu’1h07 au compteur. Le contexte social, économique, politique, l’écriture en général… ne se prêtent pas à un visionnage par des jeunes de moins de 11-12 ans, selon nous. Il peut en revanche être montré à des collégiens.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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