Pour la première partie de notre dossier Barbie en musique, penchons-nous sur ce qui constitue le nœud dramatique du film de Greta Gerwig : la vie glamour et bien réglée de la stereotypical Barbie se met à dérailler par l’intrusion soudaine de pensées mortifères bien trop humaines et organiques pour une poupée. Un moment qui survient lors de la scène de la fête dans sa maison de rêve, pendant laquelle résonne la chanson « Dance the Night Away » de Dua Lipa. [Lisez l’introduction du dossier]
De l’insouciance assumée à la crise existentielle
Comme le montre très bien la scène ci-dessus durant laquelle nous entendons la chanson « Dance the Night Away » de Dua Lipa, le monde de Barbie au début du film est un monde où le temps n’a pas cours, où chaque jour est aussi parfait que le précédent, où il n’y a aucun enjeu, et donc aucune peur de l’échec comme de la mort… Jusqu’à ce que ces pensées s’infiltrent dans l’esprit de la poupée jouée par Margot Robbie et viennent contaminer ce monde lisse et brillant.
IRL (in real life, dans la vie en vrai), beaucoup de trentenaires et quadra ayant grandi dans les années 80 et 90 sont des « adulescents » (je me compte dedans), qui travaillent tout en aimant se distraire et s’amuser sans culpabilité… ce qui est très bien. Mais, parfois, cette dimension ludique de nos vies peut aussi nous servir de distraction quand nous avons peur de nous confronter aux peurs qui nous empêchent de nous épanouir et de nous accomplir.
Le risque ? Se retrouver entourés d’amis très proches, mais coincés dans un job ou une vie que nous n’apprécions pas vraiment par manque de confiance en nous. On préfère se dire qu’on a « encore le temps »… jusqu’au jour où l’on se rend compte que ce n’est pas le cas et que l’on n’a plus 20 ans… ce qui peut engendrer le même type de crise existentielle que Barbie dans le film.
Car, pour avoir une chance de réaliser nos rêves, il faut faire des choix, quitte à accepter de renoncer à un champ de possibles que l’on voudrait infini. Il faut renoncer à l’illusion d’avoir « tout » sans pour autant se contenter de se retrouver avec moins que ce que l’on souhaite et mérite de peur de se retrouver sans rien… ou tout simplement de perdre ce que l’on a déjà et auquel on tient, sans être sûrs que ce que l’on va gagner soit à la hauteur de nos espérances.
Oser s’incarner et faire des choix
Barbie passe ainsi du monde joyeux, pailleté et au rythme endiablé de la fête perpétuelle qu’est sa maison de rêve à celui du doute et de la vulnérabilité. On passe du tube « Dance the Night Away » de Dua Lipa vers le début du film à « What Was I Made for ? » de Billie Eilish, qui résonne à la fin lorsqu’elle demande à sa créatrice, Ruth Handler (décédée en 2002) de faire d’elle une vraie femme lors d’une scène onirique et qu’elle voit en un flash aux allures de paradis blanc tous les choix de vie des petites filles qui ont joué avec elle et qui sont devenues des femmes. Toutes ces vies, ces choix, ces métiers, qu’elle a incarnés… et qui seront différents de ses choix personnels une fois qu’elle les assumera en s’incarnant et en devenant une femme mortelle, faite de chair et de sang.
Je me revois enfant, avec mes Barbie (ma meilleure amie d’enfance apportait les Ken chez moi pour qu’on puisse imaginer leur vie de couple), le van rose, le roman Barbie top model qu’on m’avait offert et qui m’avait donné l’idée de marcher avec un dictionnaire posé sur la tête pour donner l’impression de flotter en me déplaçant, puis moi adulte, féministe, qui assume encore mon côté girly qui me donne la pêche et de la hauteur même quand tout ne va pas bien et qui apprécie aussi le luxe et les belles choses et dort parfois dans un pyjama rose… Moi qui n’ai plus 6 ni 8, ni 10 ni 12 ans mais 38, et qui a le cœur qui palpite face à l’horloge qui tourne…