Caractéristiques
- Titre : Almamula
- Réalisateur(s) : Juan Sebastian Torales
- Scénariste(s) : Juan Sebastian Torales
- Avec : Nicolás Díaz (II), Martina Grimaldi, Maria Soldi, Luisa Lucia Paz...
- Distributeur : Outplay Films
- Genre : Drame, Fantastique
- Pays : Argentine, France, Italie
- Durée : 94 minutes
- Date de sortie : 7 août 2024
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- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Présenté en avant-première à la 73è édition de la Berlinale, Almamula est le premier long-métrage de Juan Sebastian Torales. Le film est un retour aux sources pour le réalisateur argentin, qui vit à Paris depuis 2017, mais centre son action dans le quartier où il a grandi, à Santiago del Estero, au Nord de l’Argentine. Nino, adolescent dégingandé dissimulant son visage derrière une mèche et de grosses lunettes y est régulièrement victime d’actes homophobes. Afin de le protéger, sa mère (Maria Soldi) emmène toute la famille à la campagne pour les vacances d’été. Mais la forêt voisine renferme un ténébreux secret : on dit qu’un monstre s’y cache, enlevant tous ceux qui s’adonnent au péché charnel…
Entre drame initiatique et film de genre
Almamula se présente tout d’abord comme un drame initiatique. Nino est à l’âge complexe de l’adolescence, de la découverte de soi, mais aussi de la transformation. Mal dans sa peau, il est soumis à un fort tumulte intérieur et voit ses désirs réprimés par la bien-pensance et la rigueur religieuse très stricte que lui impose son entourage. Le film met en scène ce mal-être, ainsi que la découverte de ses premiers émois sexuels, à la manière d’un coming-of-age movie centré sur son personnage principal.
Cependant, une menace fantomatique plane en arrière-fond : celle de ce personnage de légende, l’Almamula, mi femme mi animal, rôdant dans la forêt. Le long-métrage reprend alors certains codes du film de genre, avec quelques plans inquiétants, des éléments fantastiques ou surréalistes disséminés ça et là, sans jamais, malgré tout, basculer dans l’horreur. Le réalisateur dresse un parallèle entre le monstre de la forêt, craint et pourchassé de tous, et le jeune Nino, rejeté pour sa différence.
Ce mélange des genres et ces thèmes porteurs font d’Almamula un film intéressant mais imparfait, la faute à un manque d’émotions assez dommageable pour ce type de long-métrage. Le jeune Nicolàs Diaz, interprétant Nino – dont il s’agit de la première expérience en tant qu’acteur – est convaincant, mais son personnage très mutique ne lui permet pas de délivrer une performance marquante. Il en est de même pour les autres acteurs : aucun protagoniste ne ressort véritablement du film, peu enclin à montrer les sentiments et état d’âmes, et demeurant malheureusement trop lisse.
Une mise en scène contemplative et sensuelle
La force première d’Almamula réside dans sa mise en scène et son esthétique léchée. La photographie est très belle, avec une composition des plans travaillée et précise : le réalisateur se plaît à isoler ses personnages dans le cadre d’une porte ou d’un miroir, joue avec la symétrie, le flou et les arrière-plans. Il sublime la flore de cette région caniculaire et crée une atmosphère envoûtante, avec peu ou pas de musique, mais des bruits de fond naturels omniprésents.
Juan Sebastian Torales cherche à être au plus près de ses personnages, avec des gros plans et cadres très serrés. La caméra est toujours proche des corps, exhibés lors de cette saison estivale, et filmés de manière très sensuelle. Le film est lent et contemplatif, avec de belles lumières naturelles, et certains gros plans étouffants nous permettent de ressentir le mal-être de Nino, prisonnier des carcans de la religion et de la morale.
S’il parvient, de manière assez magistrale, à dépeindre l’insouciance lascive de l’été, le réalisateur n’insuffle toutefois pas suffisamment de rythme à son long-métrage, qui devient par instants trop mou et qui, sur la longueur, manque d’un climax digne de ce nom.
Un message d’émancipation
A travers le personnage de Nino, Juan Sebastian Torales délivre avant tout un message d’émancipation et de liberté, particulièrement difficile à obtenir dans ce milieu très religieux et traditionnel. Les symboles et l’imagerie catholiques sont omniprésents dans le film, tout comme l’obsession du péché charnel, que l’Almamula est censée réprimer par la menace insidieuse qu’elle inspire. Les personnages sont dominés par cette doctrine, entre religion et superstition, et l’un d’eux, Malevo (Beto Frágola) se démarque par sa désinvolture, aidant Nino à comprendre que « le péché n’existe pas ».
A la morale très stricte et oppressante des uns, qui utilisent les dogmes religieux comme bouclier contre la peur, s’oppose l’envie profonde de tolérance et d’acceptation que le réalisateur insuffle dans son long-métrage. L’homoérotisme est très présent, et Juan Sebastian Torales offre un joli rôle à l’actrice trans Luisa Lucia Paz, icône de sa ville natale. L’on regrettera juste que le parallèle établi entre sexualité et monstruosité – enjeu principal d’Almamula – ne surprenne plus aujourd’hui, tant il a déjà été traité par bon nombre de films de genre.
En sous-texte, se démarquent également d’autres réflexions tout aussi pertinentes, comme le racisme, très présent en Argentine, ou la situation dramatique de la déforestation dans cette région de l’Amérique du Sud. De nombreuses injustices et drames en découlent, qui auraient mérité un traitement peut-être plus approfondi, la thématique étant à peine esquissée ici.
Almamula est donc un premier long-métrage intéressant, dépaysant et porteur d’un message d’émancipation bienvenu. S’il ne réussit pas toujours à emporter le spectateur, manquant parfois de rythme et d’émotions, il parvient habilement à allier naturalisme et fantastique dans cette région méconnue de l’Argentine.