Caractéristiques
- Titre : Anora
- Réalisateur(s) : Sean Baker
- Scénariste(s) : Sean Baker
- Avec : Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Yura Borisov, Karren Karagulian et Vache Tovmasyan.
- Distributeur : Le Pacte
- Genre : Comédie Dramatique
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 139 minutes
- Date de sortie : 30 octobre 2024
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- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Le nouveau film de Sean Baker nous emmène suivre la vie d’Anora, jeune prostituée de la banlieue new-yorkaise. Après plusieurs rencontres avec un jeune homme russe milliardaire, celui-ci lui demandera sa main. Malheureusement, cela n’est pas du goût de la famille du jeune homme, qui va alors tout tenter pour provoquer une rupture au sein du couple par l’intermédiaire de leurs hommes de main chargés de faire signer l’acte de divorce. Alors, que vaut la Palme d’Or 2024 ?
Un point de vue différent sur le milieu de la prostitution
Ce qui démarque Anora d’autres films de comédie romantique, c’est avant tout son point de vue sur la prostitution. On suit pendant la première partie le personnage éponyme à travers son quotidien. Grâce au travail de mise en scène et de montage, on peut ressentir l’idée que se font les autres personnages du film de notre protagoniste. Pour eux, elle n’est qu’un corps à utiliser pour leur propre plaisir, au détriment du sien. Sean Baker crée donc un décalage entre l’idée que le spectateur peut avoir d’Anora et l’idée que les autres personnages en ont. La mise en scène est au diapason et fait corps avec cette idée. Le montage de la première moitié du film montre clairement une abondance de scènes de nudité de quelques secondes seulement pour nous faire ressentir la rapidité des rapports que le personnage principal a avec les hommes. En parallèle, nous voyons la vie personnelle du personnage, là ou elle vit, le peu de vie qu’elle possède en dehors de son travail, ce qui nous permet de ressentir de l’empathie pour elle.
On ressent alors d’autant plus la césure que représente une demande en mariage dans la vie d’Anora. Cette action va déterminer la trajectoire de la seconde phase du récit, une partie beaucoup plus comique et tragique que le film ne pouvait le laisser présager. Cette décision pourra décevoir certaines personnes s’attendant plutôt à un film romantique. A partir de cette bascule de milieu de film, on est complétement pris de court par les sentiments mixtes que l’on ressent. Tantôt d’un comique qui peut nous faire rire à gorge déployée, frôlant le burlesque, tantôt d’un drame profond reflétant une réalité féminine très actuelle. C’est l’un des points forts du film : jouer constamment sur plusieurs registres, être surprenant, mais toujours juste dans ce que le réalisateur essaye de faire.
Une tragi-comédie efficace portée par une actrice toujours juste
La découverte de ce film est la superbe actrice Mickey Madison. Elle rend toutes les séquences du film comiques. Bien que, parfois, les évènements soient graves, elle désamorce beaucoup de situations par sa présence et son phrasé, en rupture avec cet univers de mafieux masculin qu’elle va arriver à rendre ridicule. Elle crève l’écran à chaque instant et dresse un portrait de femme forte en accord avec son temps… même si elle n’oublie pas de donner un aspect terriblement tragique à son personnage. On est à mi-chemin constant entre comédie et tragédie. Tout cela culmine dans une ultime scène remplie de claustrophobie et de désespoir, où nous sommes autant émus que confus. On pourra cependant regretter que les autres personnages ne soient pas tout aussi développés.
On peut en particulier trouver le personnage du jeune riche très caricatural. Les personnages secondaires sont seulement des allégories qui servent à faire passer des messages sur la masculinité et l’égo de certains jeunes bourgeois. Il faut aimer la première partie du film et « accrocher » au personnage d’Anora pour que ces éléments ne soient pas dérangeants. C’est aussi un problème quand la majorité du film se concentre sur un seul personnage. Anora est donc un film drôle, qui parle du problème de représentation qu’ont les hommes concernant la prostitution quand ils considèrent les femmes uniquement comme des objets. Pour contrer cette image, le réalisateur choisit donc une femme forte et attachante, bien loin des clichés habituels. Le film est l’une des meilleures comédies de l’année tout en étant, en filigrane, une tragédie romantique.
La star du film est indéniablement Mickey Madison, qui crève l’écran à chaque instant. Bien qu’on puisse regretter que le film tourne beaucoup autour d’elle, nécessitant l’adhésion du spectateur à ce personnage – exigence sans laquelle il pourrait être déçu. Néanmoins, Anora reste globalement une réussite et l’un des meilleurs films de l’année, méritant donc la Palme d’Or obtenue à Cannes.