
Sorti au début des années 2000 en pleine ère de néo-féminisme, Le journal de Bridget Jones de Sharon Maguire (2001), adapté du roman éponyme d’Helen Fielding, en présentait une critique sur le mode de l’humour, tout en jouant avec les fantasmes féminins autour des relations hommes-femmes de manière plus impertinente qu’il n’y paraît malgré un enrobage mainstream séduisant. Les films suivants, de manière inattendue, à travers le parcours du personnage de Bridget, assistante d’édition devenue journaliste puis productrice télé, ont permis à la saga d’assumer, de manière discrète mais perceptible, une certaine dimension politique. Bien sûr, les Bridget Jones sont avant tout des comédies romantiques grand public, mais les suites sorties entre 2004 et 2025, sous l’impulsion des producteurs et d’Helen Fielding (ancienne journaliste et productrice de documentaires humanitaires pour la BBC), sont également des témoins de leur temps, dressant chacun en creux un constat sur les rapports de classe, le rapport du peuple à une classe politique déconnectée des réalités et, bien sûr, un climat géopolitique mondial de plus en plus tendu dépassant les seuls rapports hommes-femmes.
De « simple » héroïne romantique et maladroite, symbole de la quête des femmes trentenaires de trouver leur place et un équilibre d’un point de vue tant professionnel que personnel, Bridget Jones est progressivement devenu, de manière discrète mais néanmoins affirmée, un symbole de femme et journaliste rebelle et authentique, capable d’assurer le show tout en défendant une véritable intégrité et éthique, mettant à jour (avec humour et légèreté) les paradoxes de notre société, le tout dans un esprit résolument britannique. En cela, les films ont su savamment déjouer le programme attendu des franchises du genre, jusqu’à proposer un dernier film, Bridget Jones : Folle de lui, sorti en février dernier, grave et crépusculaire dans lequel l’espoir réapparaît progressivement. Tout en revisitant les tropes des comédies romantiques, les films ont ainsi pris une direction inattendue, reflétant en filigrane les évolutions d’une société de plus en plus dure, aux clivages politiques et sociétaux de plus en plus marqués.
Alors entendons-nous : non, Bridget Jones n’a rien d’un programme politique, loin s’en faut. Néanmoins, regarder la saga dans l’ordre chronologique (ou à rebours) aujourd’hui, c’est aussi avoir, en filigrane, une vision de l’évolution de la société sur 25 ans. Une évolution dont les scénaristes ont conscience pour établir la toile de fond de chaque opus – ce qui s’exprime à travers certaines scènes et répliques bien choisies, et qui interpellent davantage dans le contexte dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui.
C’est sous ce prisme que nous vous proposons de redécouvrir les différents opus de la saga (Le journal de Bridget Jones, Bridget Jones : L’âge de raison, Le bébé de Bridget Jones et Bridget Jones : Folle de lui) à travers ce dossier.