[Critique] Un Simple Accident : Panahi signe une Palme d’or entre douleur et catharsis

Caractéristiques

  • Titre : Un Simple Accident
  • Titre original : Yek tasadef sadeh
  • Réalisateur(s) : Jafar Panahi
  • Scénariste(s) : Jafar Panahi
  • Avec : Vahid Mobasseri, Maryam Afshari, Ebrahim Azizi, Hadis Pakbaten, Majid Panahi, Mohamad Ali Elyasmehr...
  • Distributeur : Memento
  • Genre : Drame
  • Pays : France, Luxembourg, Iran
  • Durée : 102 minutes
  • Date de sortie : 1er octobre 2025
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 8/10

Nouveau long-métrage écrit et réalisé par Jafar Panahi (Aucun Ours, The Year of the Everlasting Storm) et Palme d’Or du Festival de Cannes 2025, Un Simple Accident se déroule en Iran, de nos jours. Un homme croise par hasard celui qu’il croit être son ancien tortionnaire. Mais face à ce père de famille qui nie farouchement avoir été son bourreau, le doute s’installe. Avons-nous là une Palme d’Or de haut niveau ?

Quand le passé refait surface

Une famille roule tranquillement sur une route de campagne lorsqu’elle renverse soudain un chien. Quelques mètres plus loin, la voiture tombe en panne devant une petite entreprise. Ce simple accident – hasard ou signe divin ? – déclenche une suite d’événements tragiques : Vahid croit reconnaître, à un simple bruit, son ancien tortionnaire. Or, cet homme est marié, père d’une petite fille, et sa femme attend leur second enfant. Vahid (Vahid Mobasseri, excellent) se met à le suivre et finit par le kidnapper. Sur le point de l’exécuter, un doute l’envahit.

Il décide alors de faire appel à d’anciens détenus pour confirmer l’identité de l’homme. C’est ainsi qu’il croise Shiva (Maryam Afshari, émouvante), photographe de mariage ; Goli (Hadis Pakbaten, petite révélation par l’étendue de son jeu), sur le point de se marier ; Ali (Majid Panahi, amusant), futur marié qui ne comprend pas bien la situation ; et Hamid (Mohamad Ali Elyasmehr, un peu excessif), déterminé à se venger.

image Vahid Mobasseri un simple accident
Copyright Les Films Pelleas

Entre justice et cycle de la violence

Peu à peu, ce petit groupe se retrouve autour du présumé tortionnaire. Leurs réactions divergent : certains veulent tourner la page, d’autres réclament vengeance. Mais s’ils infligent les mêmes souffrances que celles qu’ils ont subies, ne deviennent-ils pas à leur tour semblables à leurs bourreaux ? Le film creuse cette réflexion avec finesse, tandis que les discussions entre personnages ramènent à la surface des souvenirs douloureux. Certaines cicatrices restent béantes, et ce face-à-face devient l’occasion de les affronter. À travers ces récits de prisonniers, Un Simple Accident livre une critique implacable du régime iranien, où toute contestation est réprimée dans la terreur.

Le film se structure en trois actes : la rencontre entre Vahid et son potentiel tortionnaire, suivie de l’enlèvement et de ses premiers doutes ; la réunion progressive du groupe et la confrontation de leurs histoires ; enfin, un troisième acte marqué par un retournement de situation aussi cocasse que révélateur, qui oblige chacun à reconsidérer sa position. La vérité éclate alors dans une scène cathartique. Au-delà du drame solidement construit, Jafar Panahi offre des personnages bien écrits, dotés d’une évolution cohérente, et parsème son récit de touches d’humour. Celles-ci ne visent pas à dédramatiser, mais à souligner l’absurdité d’une situation où ces anciens détenus ont leur potentiel ancien tortionnaire prisonnier. Un humour juste, qui fait mouche à chaque fois.

image Maryam Afshari un simple accident
Copyright Les Films Pelleas

Sobriété et intensité : la force de la mise en scène

Sur le plan technique, Panahi privilégie les plans-séquences, parfois en caméra mobile suivant les acteurs, mais le plus souvent fixes, avec de simples panoramiques. Ce dispositif, sobre mais efficace, s’appuie sur la force des interprétations pour donner une intensité remarquable aux scènes de tension comme aux moments clés d’ouverture et de clôture. La photographie réaliste ancre encore davantage le spectateur dans la gravité du propos.

Le travail sur le son mérite également d’être souligné, notamment l’utilisation d’un bruit qui paraît anodin au premier abord mais prend une dimension terrifiante dans le final. Le rythme du film est maîtrisé, sans temps mort. Enfin, il faut rappeler que Un Simple Accident a été tourné à Téhéran et dans ses environs, sans autorisation officielle : un choix risqué qui témoigne du courage de toute l’équipe technique.

Avec Un Simple Accident, Jafar Panahi livre une œuvre forte sur le cycle de la violence, où les victimes, confrontées à leur tortionnaire présumés, risquent de devenir à leur tour les bourreaux qu’elles dénoncent. Porté par des personnages solides, une mise en scène sobre mais percutante et un humour savamment distillé, le film captive de bout en bout. Si certaines Palmes d’Or récentes se sont révélées  plus marquantes, celle-ci n’en reste pas moins méritée : le long-métrage s’impose comme l’un des films essentiels de l’année, confirmant la puissance politique et artistique du cinéma de Panahi.

Article écrit par

Adore le cinéma en général, que ce soit les gros blockbusters ou les plus petits films, les séries TV et les jeux vidéo. Il réalise de nombreux tests de blu-ray et films en UHD 4K et couvre l'actualité cinématographique en salles.

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