Caractéristiques
- Titre : Jay Kelly
- Réalisateur(s) : Noah Baumbach
- Avec : George Clooney, Adam Sandler, Laura Dern, Billy Crudup, Riley Keough, Stacy Keach...
- Distributeur : Netflix
- Genre : Comédie, Drame
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 142 minutes
- Date de sortie : 5 décembre 2025 sur Netflix
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- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Trois ans après White Noise, Noah Baumbach revient derrière la caméra avec Jay Kelly, présenté en avant-première à la Mostra de Venise 2025 avant une sortie limitée aux États-Unis et une diffusion mondiale sur Netflix. Le cinéaste de Marriage Story et Greenberg s’entoure ici d’un trio prestigieux – George Clooney, Adam Sandler et Laura Dern – pour signer une introspection sur la notoriété, la mémoire et la solitude des artistes.
Hollywood face à son reflet
Star mondiale adulée, Jay Kelly (George Clooney) s’apprête à tourner un nouveau film lorsque surgit une crise existentielle qu’il ne peut plus ignorer. Derrière la façade du succès, quelque chose se fissure. Les souvenirs affluent et avec eux la culpabilité. Celle d’un père absent, rattrapé par le temps. Lorsque sa fille s’envole pour l’Europe, il décide impulsivement de la suivre dans un voyage improvisé qui le conduira jusqu’en Toscane. Ce périple, prétexte à renouer avec l’essentiel, devient surtout un miroir tendu à une existence tout entière bâtie sur l’illusion du cinéma.
Le film s’ouvre sur un splendide plan-séquence au cœur d’un plateau de tournage, entre faisceaux lumineux et voix de techniciens qui s’entrecroisent. Noah Baumbach y installe d’emblée un vertige méta : son œuvre parle d’un acteur, mais aussi du cinéma lui-même. George Clooney incarne un artiste perfectionniste, obsédé par chaque prise, prisonnier d’un monde où tout tourne autour de lui. Un homme constamment entouré, mais profondément seul. La mise en scène, élégante et précise, joue sur les contrastes de lumière, et le réalisateur explore la responsabilité d’« être soi-même » dans un univers où l’on passe sa vie à incarner des rôles. Jay Kelly devient ainsi un film-miroir, aussi raffiné que narcissique, où Hollywood contemple son reflet en espérant y trouver un peu d’authenticité.

Voyage intérieur d’un acteur perdu
Dans Jay Kelly, le réel et la fiction s’entremêlent constamment. Les souvenirs ressurgissent sous forme de flashbacks ou de scènes rejouées, et la narration intérieure de l’acteur brouille la frontière entre ce qu’il a vécu et ce qu’il incarne à l’écran. Chaque scène de cinéma devient un fragment de mémoire et chaque souvenir semble filtré par le prisme de ses performances. Le rôle est taillé sur mesure pour George Clooney mais, ce faisant, le film hésite à trancher entre autoportrait et hommage, ce qui peut rapidement laisser un peu perplexe.
Au cœur du long-métrage, le voyage vers l’Europe de Jay pour rejoindre sa fille apparaît comme un prétexte à l’introspection. Fuyant ses responsabilités d’acteur, le road trip italien lui permet de revisiter physiquement et mentalement les scènes de son passé. Sa relation avec ses filles est marquée par l’absence et le regret, puisque sa carrière l’a éloigné de Jess et Daisy, et la plus âgée lui reproche d’avoir sacrifié sa présence pour la gloire. Une nostalgie douce-amère s’installe alors, portée par une bande originale mélancolique un peu cheesy au piano.

Entre sincérité et autopromotion
George Clooney excelle en star pleine de charme et de regrets, et les acteurs qui l’entourent ne sont pas en reste. Adam Sandler, dans le rôle de manager et confident, apporte humour et complicité, tandis que Laura Dern incarne une attachée de presse débordée mais attachante. Quant à Billy Crudup, ancien camarade de théâtre, il se distingue par un moment de leçon de jeu saisissant. Même Patrick Wilson, dans un tout petit rôle, participe efficacement à ce ballet de relations professionnelles et amicales, où les dialogues – rapides, vifs et souvent ponctués de pointes d’humour – rythment l’ensemble dans un tempo enlevé.
Pourtant, Jay Kelly n’est pas exempt de failles. Trop long, trop sentimental, il bascule souvent dans le cliché hollywoodien, et le propos égocentré peut laisser le spectateur à distance. La mise en abyme de Clooney comme figure centrale du cinéma éclipse le véritable drame existentiel du film, et les séquences censées refléter la « vie réelle » – dans un train ou lors d’un geste héroïque ponctuel de l’acteur – apparaissent artificielles, issues d’une vision idéalisée ou trop lourdement appuyée. Prisonnier de sa fascination pour la star, Noah Baumbach semble davantage célébrer Clooney que la crise intime de l’artiste que ce dernier incarne.
Entre hommage et autoportrait, Jay Kelly peine donc à pleinement convaincre. Enfermé dans son propre narcissisme et parfois emporté par des excès sentimentaux, le film reste séduisant par sa mise en scène et ses interprètes, mais laisse le spectateur partagé, oscillant constamment entre admiration pour la performance et distance critique face à l’autocélébration.



