Caractéristiques
- Titre : La proie de l'autostop
- Titre original : Autostop rosso sangue1
- Réalisateur(s) : Pasquale Festa Campanile
- Avec : Franco Nero, David Hess, Corinne Cléry
- Editeur : Artus Films
- Date de sortie Blu-Ray : 5 Juillet 2016
- Date de sortie originale en salles : 1977
- Durée : 99 minutes
- Note : 8/10 par 1 critique
Image : 4/5
Comme à son habitude, Artus rend une copie plus qu’honorable. Si une poignée de plans semblent définitivement marquée par le temps, l’ensemble est d’une netteté à toute épreuve. Les couleurs sont en tous points fidèle au rendu d’origine, travaillant le côté un peu sale et ensoleillé de l’œuvre. Il faut aussi noter, car ce n’était pas le cas à l’époque de la VHS, que le format d’origine est respecté.
Son : 4/5
La proie de l’autostop est proposé dans sa version d’origine sous-titrée en français, ainsi que dans la langue de Molière. La première est sans aucun doute la plus équilibrée, même s’il faut s’attendre à quelques inévitables saturations, mais rien de bien grave. La version française, quant à elle, est un véritable miracle tant le travail pour la rendre le plus audible possible a dû occuper l’éditeur. En résulte un ensemble certes imparfait, mais rien que pour l’audace de cette proposition on dit chapeau ! Notons que les passages non-doublées pour cause du charcutage de l’époque gardent la langue italienne d’origine.
Bonus : 5/5
L’édition digipack signée Artus est tout simplement grandiose. En plus de ce packaging classieux, La proie de l’autostop est accompagné d’un livret de 64 pages intitulé « Un genre maudit, le Rape and Revenge » signé par l’une des mines de connaissance bis les plus complètes : David Didelot (que nous aborderons prochainement pour son excellent livre sur Bruno Mattei). Nous retrouvons le bonhomme en très grande forme avec « L’autoroute rouge sang« , une présentation hyper exhaustive et informative, longue de 45 minutes. Un véritable régal complété par les habituels diaporamas et trailers.
Synopsis
Eve et Walter partent sur les routes de Californie en espérant redorer leur couple au bord de l’effondrement. Après avoir passé une nuit dans un camp de hippies, ils prennent Adam, un autostoppeur. Ce dernier les retient vite en otage et une relation tendue s’engage entre eux. Usant de sa force et de sa cruauté, il va s’amuser avec eux jusqu’à la limite du sadisme. Sans compter que ses deux complices sont sur le point de les rejoindre.
Le film
Ah, cette époque bénie, ce temps malheureusement révolu au cours duquel le cinéma italien, peu farouche, pompait allégrement les grands succès américains pour en tirer des versions certes bis mais parfois supérieures aux originaux. Au sein de ces cas rares mais pas inexistants, les œuvres qui faisaient suite à La dernière maison sur la gauche, le film coup de poing de Wes Craven, sont parmi ce que ce cinéma a produit de plus étonnant tant la propension à pousser à bout le concept fut payant. On peut citer La maison au fond du parc de Ruggero Deodato, ou encore l’insoutenable Dernier train de la nuit d’Aldo Lado (et sa séquence du couteau qui a marqué à jamais votre humble serviteur). La proie de l’autostop a l’honneur de s’enorgueillir de pouvoir figurer sans mal en compagnie de ces réussites.
La proie de l’autostop n’est pas plus un film d’exploitation qu’il n’est en réalité un film d’auteur. Aux commandes de la réalisation, on trouve un certain Pasquale Festa Campanile, metteur en scène jusqu’ici surtout connu pour ses comédies grivoises, qui abordaient chacune d’elles les problèmes entre hommes et femmes au sein du couple. Sous la couche « Rape and Revenge », c’est en fait le sujet qui intéresse encore Festa Campanile, qui balance à l’écran toute sa rage contre un machisme prépondérant à l’époque où fut produit le film. Car La proie de l’autostop n’est pas tant irrévérencieux de par sa violence purement plastique, mais plus par le nihilisme qui l’habite. Tous les hommes sont épouvantables, Eve est littéralement entourée de mâles qui lui veulent du mal, au point parfois que l’on pourra être un peu interloqué par cette vision du monde clairement essentialiste (mais autre époque, autres combats). Pas un soupçon d’espoir ne traverse le film, et le personnage joué par le toujours bon Franco Nero hante le spectateur bien après le générique de fin, non seulement de par le final (no spoil) que par son attitude abominable tout au long du métrage.
La proie de l’autostop est en fait un moyen, pour Festa Campanile, d’aborder les problèmes entre les sexes. Rape il y a, Revenge aussi, mais ces deux temps servent avant tout à démontrer l’incroyable fossé qu’il existait entre hommes et femmes. La séquence du viol, par ailleurs, est au moins aussi dérangeante que celle de Chiens de Paille, tant le réalisateur « profite » de la situation pour mettre en place un jeu extrêmement malsain entre le trio à l’œuvre. Le violeur et le mari sont quasiment de mèche (d’ailleurs, l’un fait l’écho à l’autre à deux moments du film), et la victime a dans l’idée de faire payer sa moitié pour ses nombreuse attitudes détestables au plus haut point. C’est sans aucun doute ce qui a poussé les censeurs français de l’époque à classer La proie de l’autostop « X » jusqu’en 1981, et en le charcutant d’une manière absolument dégueulasse tant le propos certes pas piqué des hannetons s’en était trouvé dénaturé. Heureusement Artus, l’un des amis les plus précieux des bisseux faut-il le rappeler, propose ici la version complète, jusque dans son final sombre au possible. L’occasion, par ailleurs, de rendre au film sa partition d’origine signée Morricone, qui avait sauté avec le remontage barbare de l’époque VHS. Une donnée importante, tant le compositeur rend un travail cynique juste ce qu’il faut, en juxtaposant une musique hippie à cette histoire pour le moins terrifiante.
La proie de l’autostop est un film amer, et ce même si Pasquale Festa Campanile ne peut s’empêcher de distiller quelques petites touches d’humour (très noir) de ci, de là. Rien qui puisse alléger le propos cependant, qui nous a paru certes trop englobant mais tout de même pertinent. Autre petit plaisir que le réalisateur s’offre de temps en temps, celui de la citation. Comme l’œuvre se situe au carrefour de plusieurs genres en réalité (polar, film noir, rape and revenge, road movie), le metteur en scène donne dans la référence de bon aloi. Par exemple on pensera obligatoirement, devant les quelques ralentis, à Sam Peckinpah. Mais les fins connaisseurs seront surtout étonnés de la ressemblance plus ou moins lointaine avec un autre film italien, signé Mario Bava : Cani Arrabbiati, film maudit s’il en est (terminé en 1974 mais sorti en 1998 des suites de lourds problèmes financiers). Dans les bonus, le très sémillant David Didelot exprime l’hypothèse, très probable, de producteurs qui seraient tombés sur le script et s’en seraient inspirés. En tout cas, la tonalité de La proie de l’autostop fait clairement penser à ce grand film de Bava, ce qui n’est pas pour déplaire.
Au final, La proie de l’autostop est une perle d’un noir absolu, qui joue avec le symbolisme en abordant un thème pourtant très casse-gueule. Un déséquilibre aurait pu faire chavirer le film dans la catégorie des œuvres puantes de voyeurisme, mais c’est tout le contraire que provoque l’effort de Pasquale Festa Campanile. L’essentialisme est certes un peu gênant, le tout-corrosif laisse un goût fortement âpre, mais le propos est tout de même judicieux. Le fond est donc puissant, la forme est peut-être un peu en retrait quoique très estimable pour un métrage de ce budget. On pense surtout à la séquence du camion, qui louche pas mal du côté de Duel (autre référence assumée), sans en atteindre la puissance bien évidemment mais tout de même avec de l’idée. Film très marqué par son époque, qui pointe du doigt le machisme mais aussi, à la fin, des effets post-époque « baba-cool », La proie de l’autostop est une œuvre à ne pas louper mais à aborder en sachant que l’on n’en sort pas indemne…