Caractéristiques
- Titre : Salem
- Réalisateur(s) : Jean-Bernard Marlin
- Scénariste(s) : Jean-Bernard Marlin
- Avec : Dalil Abdourahim, Oumar Moindjie, Wallenn El Gharabaoui, Amal Issihaka Hali et Rachid Ousseni.
- Distributeur : Ad Vitam
- Genre : Drame, Romance
- Pays : France
- Durée : 103 minutes
- Date de sortie : 29 mai 2024
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- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Nouveau long-métrage écrit et réalisé par Jean-Bernard Marlin (Shéhérazade), Salem, en sélection officielle dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes 2023, raconte l’histoire de Djibril, un jeune comorien des Sauterelles, un quartier difficile de Marseille. Il est amoureux de Camilla, une gitane du quartier rival des Grillons. Lorsqu’elle lui apprend qu’elle est enceinte, Djibril lui demande d’avorter pour ne pas déclencher une guerre des clans. Mais l’assassinat d’un ami de Djibril, sous ses yeux, va embraser les deux cités. Traumatisé, Djibril sombre peu à peu dans la folie. Il est persuadé qu’une malédiction s’est abattue sur le quartier et décide de garder à tout prix son enfant : pour lui, seule sa fille pourra les sauver du chaos.
Roméo et Juliette
Le long-métrage se découpe entre trois parties. La première se déroule quand Djibril a quatorze ans. Il est amoureux de Camilla et celle-ci tombe enceinte. Tels les Capulets et les Montaigus, les deux jeunes viennent de deux cités rivales, mais aussi de deux façons de vivre différentes. Djibril se retrouve partagé entre son amour pour Camilla et la guerre des cités. Lorsque l’un de ses amis meurt sous ses yeux, il va prendre des décisions qui vont le mener en prison. Une histoire d’amour qui va donc être contrariée… Le premier acte de cette tragédie est bien mené et la mise en place de l’intrigue avec ses lieux, protagonistes et enjeux est parfaite.
Une histoire de transmission
Les deuxièmes et troisièmes parties se concentrent sur un Djibril adulte qui sort d’un hôpital psychiatrique 15 ans après les événements de son enfance. Il va rencontrer sa fille, Ali. S’il veut nouer des liens avec elle, la folie et le mysticisme qui l’entourent font qu’elle ne veut avoir aucun contact avec lui. Tel Cassandre, il annonce la chute des deux cités, mais aussi que sa fille sera celle qui les sauvera. On peut voir ça comme de la folie, qui est l’un des thèmes récurrents de Shakespeare. On l’a aussi car certains fantômes, de personnes qu’il connaissait, apparaissent à Djibril (d’où le fait qu’il ait été interné en hôpital psychiatrique). Mais nous avons aussi un peu de mysticisme, voire de religion, et c’est sûrement ce qu’il y a de trop dans le film. Alors oui, c’est pour donner de l’espoir, surtout pour la fin, afin de ne pas tomber dans la tragédie shakespearienne pure et dure, mais cela a l’inconvénient nous déconnecte légèrement de l’histoire.
Outre cette petite réticence, la logique de la tragédie est jusqu’au-boutiste, malgré un petit espoir qui subsiste, dans l’histoire et les personnages. Le contexte est également intéressant. Le personnage de Djibril veut la paix. Il ne veut plus d’une guerre entre les cités. Les jeunes, même des collégiens, se font tuer pour des rivalités, voire pour rien. On sent très bien que Djibril n’est pas comme les autres, mais le destin va s’acharner contre lui. Il sait aussi que sa fille peut être un pont pour la paix, mais le sera t-elle vraiment ? Entre les trahisons, la violence, les morts et sa fille qui ne veut rien à voir avec lui, y a t’il vraiment une voie et une fin à ce cercle de violence ?
Une tragédie jusqu’au-boutiste
La troisième partie, la plus courte, prend le parti de changer de point de vue. Dans les deux premiers actes, nous étions du point de vue de Djibril, dans la dernière, nous passons à celui de sa fille Ali et, très brièvement, à celui du frère de Djibril, Shakur. Un changement qui redynamise le long-métrage pour apporter une conclusion. Evidemment, au travers de cette tragédie, Jean-Bernard Marlin fait le constat de ce qu’il se passe dans les quartiers nords de Marseille, où tout est prétexte à la violence. Et, si le titre du film, Salem, signifie paix en arabe, peut-il y en avoir une ? Avec cette histoire, le scénariste-réalisateur nous montre que malgré tout, il y a un petit espoir, mais uniquement en s’affranchissant de certains préjugés. Un message trop idéaliste ? Peut-être.
Du côté de la réalisation, Jean-Bernard Marlin fait majoritairement dans le classicisme, avec surtout des plans fixes. Il y a très peu de plans tournés à l’épaule, alors que c’est plutôt une habitude dans ce genre de films. Une bonne chose, donc. Mais de plus, il s’autorise un côté « film-trip » pour les scènes où Djibril a des visions. C’est très léger et peu présent, mais c’est bien là. Il gère aussi bien les silences. Beaucoup de scènes ont peu ou pas de dialogues. Il laisse ses images parler d’elles mêmes. Il y a aussi un gros travail sur le son, notamment avec le son de cigales, qui ont une grosse importance dans le côté mystique de Salem. Il y a aussi peu de musique, mais celle-ci accompagne bien le film, appuyant certains passages comme il faut.
Des acteurs non-professionnels qui offrent des performances réalistes
Enfin, le casting est composé uniquement d’acteurs non-professionnels. Et, que ce soit les jeunes acteurs de quatorze ans (Dalil Abdourahim, Mohamed Soumare, Wallenn El Gharabaoui et Maryssa Bakoum) ou les adultes (Oumar Moindjie, Inès Bouzid, Amal Issihaka Hali et Rachid Ousseni), ils s’en tirent tous à merveille. Le réalisateur à su obtenir des performances extrêmement réalistes de ses acteurs.
Salem est donc une tragédie shakespearienne dans les quartiers Nords de Marseille qui fait mouche. Malgré une petite réticence sur un choix narratif, Jean-Bernard Marlin nous propose un second long-métrage avec de belles qualités. Entre mysticisme, une histoire de transmission et la réalité d’une guerre des quartiers qui verse beaucoup trop de sang, son film fait clairement passer un message de paix, comme son titre l’indique.