[Critique] L’Intérêt d’Adam : Entre urgence et pudeur, un huis clos hospitalier sous tension

Caractéristiques

  • Titre : L’Intérêt d’Adam
  • Réalisateur(s) : Laura Wandel
  • Scénariste(s) : Laura Wandel
  • Avec : Léa Drucker, Anamaria Vartolomei, Jules Delsart
  • Distributeur : Memento
  • Genre : Drame
  • Pays : Belgique, France
  • Durée : 78 minutes
  • Date de sortie : 17 septembre 2025
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 8/10

Quelques années après la sortie de son premier long-métrage Un monde, présenté en 2021 dans la sélection Un Certain Regard, Laura Wandel revient avec L’Intérêt d’Adam, film d’ouverture de la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2025. La réalisatrice plonge le spectateur au cœur d’un huis clos hospitalier tendu, où l’urgence, les dilemmes moraux et les tensions émotionnelles se mêlent pour interroger la protection des enfants et la responsabilité des adultes.

Au cœur de l’hôpital

Adam (Jules Delsart), quatre ans, est hospitalisé pour malnutrition suite à une décision de justice. Lucy (Léa Drucker), l’infirmière en chef, permet à sa mère Rebecca (Anamaria Vartolomei) de rester aux côtés du petit garçon au-delà des heures de visite imposées par le juge. Mais la situation se complique lorsque Rebecca refuse une nouvelle fois de quitter la chambre de l’enfant…

Le film, d’une durée très resserrée d’1h13, adopte la forme d’un huis clos oppressant au cœur de l’hôpital pédiatrique. La mise en scène de Laura Wandel, souvent en plans-séquence et à la caméra portée, crée un sentiment de temps réel qui place le spectateur directement dans le rythme effréné des urgences. Chaque mouvement, chaque respiration de Lucy se partage à l’écran, tandis que la tension monte crescendo. On reste collé à l’infirmière, témoin de son effort constant pour gérer l’urgence et l’imprévisible, dans un espace à la fois protecteur et étouffant. La construction des plans accentue cette proximité et l’intensité dramatique, donnant au spectateur l’impression de vivre l’épreuve avec elle, minute après minute.

Copyright Laura Wandel

Conflits moraux et dilemmes humains

Au cœur du film se dessine un triangle émotionnel complexe : Adam, sa mère et la figure protectrice de Lucy. Rebecca, mère isolée, place Adam dans une situation paradoxale où l’amour se mêle au danger. L’intensité de leur lien, parfois étouffant, dérange et questionne la confiance que l’on peut accorder aux autres, y compris aux institutions chargées de protéger l’enfant. Lucy, elle, doit faire preuve d’empathie tout en naviguant entre ses propres limites et l’intérêt supérieur de l’enfant. Confrontée à des choix impossibles, elle va au-delà de ses obligations professionnelles, noyée par les intérêts contradictoires et la proximité émotionnelle qu’elle partage, en tant que mère célibataire, avec Rebecca. La réalisatrice explore ainsi avec finesse la difficulté de trancher ce qui est réellement bénéfique pour un enfant, confrontant chaque personnage à ses propres dilemmes moraux.

Le film dresse également un portrait critique d’un système hospitalier débordé et souvent démuni face à des situations sociales complexes. Chambres surchargées, manque de moyens et personnel surmené, tout concourt à révéler les limites d’institutions qui, malgré leurs intentions, peinent à protéger les plus vulnérables. À travers les autres patients que rencontre Lucy, le film évoque avec délicatesse des réalités sociales difficiles : violences, conséquences familiales d’un avortement, conditions de vie précaires… Autant de témoignages qui contribuent à renforcer la tension dramatique et à placer le spectateur face aux dilemmes éthiques auxquels sont confrontés ceux qui tentent de faire de leur mieux dans un système imparfait.

Copyright Maxence Dedry

Une mise en scène pudique mais puissante

Laura Wandel adopte un style résolument naturaliste. La colorimétrie terne renforce la sobriété du cadre hospitalier, tandis que l’absence de musique accentue le réalisme et l’intensité du récit. La réalisatrice multiplie les plans-séquence et les gros plans à la caméra portée, et le film commence in medias res, immergeant immédiatement le spectateur dans l’action. On suit souvent l’infirmière en chef de dos, un motif qui, s’il peut sembler répétitif, traduit son isolement progressif et sa difficulté à se détacher des situations émotionnellement chargées.

L’Intérêt d’Adam parvient à transmettre une intensité dramatique forte sans trop céder au pathos. La réalisatrice filme en effet avec pudeur, choisissant de ne rien montrer de manière choquante. L’environnement sonore immersif et les interactions réalistes suffisent à eux seuls à maintenir le spectateur en tension. Enfin, le casting contribue largement à cette puissance sobre. Jules Delsart incarne Adam avec une sincérité touchante tandis qu’Anamaria Vartolomei prête à Rebecca une fragilité poignante, sans jamais la réduire à une figure malveillante. Quant à Léa Drucker, elle allie humanité et professionnalisme, traduisant les dilemmes et les contraintes du quotidien hospitalier. Le film réussit ainsi à flirter avec le thriller grâce à un crescendo angoissant et quelques montées d’adrénaline, tout en conservant une délicatesse constante dans le traitement de ces situations sociales complexes.

L’Intérêt d’Adam est donc un drame pudique et intense, où Laura Wandel capture avec finesse les dilemmes moraux et l’urgence de protéger un enfant vulnérable. Le huis clos hospitalier, la mise en scène naturaliste et le casting convaincant placent le spectateur au plus près des personnages, entre tension et empathie, sans jamais céder au sensationnalisme ou au pathos.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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