Caractéristiques

- Titre : Dangereuse Alliance (The Craft)
- Titre original : The Craft
- Réalisateur(s) : Andrew Fleming
- Avec : Fairuza Balk, Robin Tunney, Rachel True, Neve Campbell, Skeet Ulrich...
- Distributeur : Columbia TriStar Films
- Genre : Fantastique
- Pays : Etats-unis
- Durée : 100 minutes
- Date de sortie : 24 juillet 1996
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Sorti en 1996, Dangereuse Alliance (The Craft) d’Andrew Fleming a su traverser les années pour devenir bien plus qu’un simple teen movie surnaturel : un véritable film culte. Derrière son vernis de film de sorcellerie pour adolescents, il cache une œuvre d’une étonnante justesse sur la jeunesse des années 90, en proie au mal-être, à la quête d’identité et à la soif de reconnaissance. Fleming y dépeint quatre adolescentes marginales – Nancy, Bonnie, Rochelle et Sarah – qui trouvent dans la magie un moyen d’échapper à leur quotidien et de reprendre le contrôle d’une existence marquée par la frustration et la solitude.
Quand la sorcellerie devient miroir de l’adolescence
Là où beaucoup de films de l’époque auraient pu se contenter d’un récit initiatique classique, The Craft choisit une voie plus ambiguë et complexe. La sorcellerie y devient une métaphore puissante : celle du pouvoir et de ses dérives, du besoin de s’émanciper autant que du risque de se perdre. Ce que le film raconte, en filigrane, c’est la difficulté de devenir soi quand tout – la société, le regard des autres, les traumas familiaux – pousse à se conformer ou à se cacher. Fleming, co-scénariste du film, saisit avec acuité cette période charnière entre adolescence et âge adulte, où la colère et le sentiment d’injustice se mêlent à un profond désir d’affirmation.
Visuellement, Dangereuse Alliance incarne son époque. Le film baigne dans une esthétique gothique et alternative typiquement 90’s : uniformes noirs, crucifix inversés, maquillages charbonneux et musique oscillant entre Graeme Revell et les riffs mélancoliques de la scène rock alternative. L’utilisation du morceau « How Soon is Now » (reprise par Love Spit Love, futur générique de Charmed) inscrit encore davantage le film dans la culture pop de son temps, tout en lui donnant un parfum d’intemporalité. Le long métrage devient ainsi une capsule esthétique, à la croisée du clip MTV et du cinéma fantastique introspectif.
Sororité, colère et désillusion : le vrai pouvoir de The Craft
Le cœur du film, cependant, bat grâce à ses personnages. Fairuza Balk, dans le rôle de Nancy, livre une performance inoubliable : magnétique, excessive, presque possédée, elle incarne la rage et la souffrance d’une génération sans repères. Son basculement dans la folie symbolise la frontière ténue entre libération et autodestruction. Face à elle, Robin Tunney apporte un contrepoint d’humanité et de vulnérabilité, tandis que Neve Campbell et Rachel True donnent chair à des parcours marqués par le rejet et le complexe d’infériorité. Ensemble, elles forment une sororité fragile, à la fois soudée et condamnée par le pouvoir qu’elles convoquent.
Fleming parvient à conjuguer le drame adolescent, le fantastique et la critique sociale avec une remarquable maîtrise de ton. Le film s’adresse à la fois à la tête et au cœur : il séduit par son atmosphère envoûtante, mais touche aussi par la sincérité de ses émotions. C’est cette authenticité, alliée à une vision claire des contradictions de l’adolescence – le besoin de contrôle, la peur de la différence, le désir de vengeance – qui explique sa longévité et son statut culte.
La colère et la grâce d’un film culte
Près de trente ans plus tard, le long-métrage demeure une œuvre emblématique, reflet d’une époque, mais aussi d’un état d’esprit universel. Son influence est encore perceptible, autant dans la culture populaire que dans le cinéma fantastique contemporain. Quant à sa « suite » sortie en 2020, The Craft: Les Nouvelles Sorcières, elle n’aura été qu’une pâle tentative de réactualisation, vidée de la colère, de la profondeur et du mystère qui faisaient la force de l’original.
En définitive, Dangereuse Alliance reste un film unique dans le paysage du cinéma adolescent des années 90 : un conte noir sur l’amitié, la différence et les dangers du pouvoir, porté par une énergie féminine indomptable. Derrière les sorts et les rituels, c’est un cri d’émancipation, une œuvre profondément humaine, et l’un des plus beaux symboles de ce que pouvait être le cinéma de genre à l’époque : audacieux, sincère et furieusement vivant.