[Critique] Bugonia : une fable paranoïaque terriblement actuelle

Caractéristiques

  • Titre : Bugonia
  • Réalisateur(s) : Yórgos Lánthimos
  • Avec : Emma Stone, Jesse Plemons, Aidan Delbis, Stavros Halkias et Alicia Silverstone.
  • Distributeur : Universal Pictures International France
  • Genre : Comédie, Science Fiction
  • Pays : Grande-Bretagne, Corée du Sud
  • Durée : 119 minutes
  • Date de sortie : 26 novembre 2025
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 8/10

Nouveau long-métrage réalisé par Yórgos Lánthimos (La Favorite, Pauvres Créatures, Kinds of Kindness) et remake du film coréen d’après Save the Green Planet! de Jang Joon-hwan, Bugonia  raconte l’histoire de deux jeunes hommes obsédés par les théories du complot. Ils kidnappent la PDG d’une grande entreprise, convaincus qu’elle est une extraterrestre déterminée à détruire la planète Terre

Complot, abeilles et vaisseau-mère : la folie ordinaire selon Lanthimos

Vous l’aurez donc compris, nous partons ici du côté des théories complotistes aux États-Unis, un phénomène qui ne cesse de se développer dans le monde entier grâce — ou plutôt à cause — d’Internet et des réseaux sociaux. Nous faisons la connaissance de Teddy (Jesse Plemons, encore une fois remarquable et qui mériterait sans conteste d’être nommé lors des prochaines cérémonies). Sa mère, malade depuis quelque temps, est désormais dans le coma. Il vit avec son cousin Don (Aidan Delbis, véritable révélation du film). Tous deux, issus d’un milieu modeste, vivent de petits boulots et cultivent du miel. Tout part d’un constat que fait Teddy : le comportement étrange de ses abeilles.

Intrigué, il se plonge dans les méandres d’Internet et découvre les théories du complot… avant de bâtir la sienne. Il en vient à la conclusion que Michelle Fuller (Emma Stone, toujours à son meilleur niveau chez le cinéaste), une PDG en vue, est en réalité une extraterrestre. Les deux cousins décident alors d’élaborer un plan fou : kidnapper Michelle afin qu’elle contacte le vaisseau-mère censé arriver lors d’une éclipse lunaire dans trois nuits. Leur objectif ? Négocier le départ de tous les extraterrestres de la Terre. Une fois leur coup réussi, le film démarre véritablement, laissant place à des joutes verbales intenses entre Michelle et Teddy. Les deux protagonistes confrontent leur vision du monde : Teddy est convaincu que les “Andromédiens”, comme il les appelle, sont là pour détruire la planète en ruinant l’écosystème via des sociétés comme celle que dirige Michelle.

image jesse plemons bugonia
Copyright Focus Features

Quand la satire rencontre la paranoïa

Évidemment, la jeune femme ne se laisse pas faire. D’une intelligence redoutable, elle tente de déconstruire méthodiquement les théories de Teddy pour s’échapper. Mais… est-elle vraiment si innocente ? Est-elle réellement humaine ? Si vous connaissez l’univers de Yorgos Lanthimos, vous savez qu’il va toujours au bout de ses idées — et c’est encore le cas ici. En s’attaquant aux théories du complot, le cinéaste dresse surtout un constat social et politique : celui de la fracture grandissante entre les petits travailleurs et les dirigeants, mais aussi des dérives du capitalisme américain. Il évoque l’impact des grandes entreprises sur l’écologie, la manipulation de masse, et plus généralement, la question de la survie de l’humanité.

Au-delà des thèmes, le scénario fonctionne malgré quelques faiblesses. Les dialogues, admirablement écrits, sont portés par des acteurs en pleine forme. On ressent un véritable ping-pong verbal entre Teddy et Michelle, d’une intensité constante. Comme souvent chez le réalisateur, l’humour noir s’invite par petites touches, toujours bien placées.

Le vrai défaut de Bugonia réside dans son rythme : après un démarrage vif et intriguant, le second acte s’étire un peu trop. Très bavard (ce qui n’est pas un mal en soi), certaines scènes paraissent un peu longues. Heureusement, le troisième acte, plus nerveux et riche en révélations, relance parfaitement l’intérêt. Quoi qu’il en soit, impossible de reprocher à Lanthimos de ne pas aller jusqu’au bout de son concept.

image emma stone bugonia
Copyright Focus Features

Une mise en scène sous contrôle

Sur le plan technique, c’est très propre, comme toujours avec le cinéaste. Il délaisse ici une partie de ses excentricités visuelles pour adopter une approche plus classique. L’essentiel de l’action se déroule dans la maison de Teddy et Don, créant une atmosphère de huis clos étouffante. Les mouvements de caméra y sont rares, mais deviennent plus amples et dynamiques lorsqu’on s’échappe vers la société de Michelle. La direction photo, réaliste, renforce cette impression de tension sourde. On regrettera juste un rythme un peu bancal au milieu du film — une dizaine de minutes en moins aurait probablement dynamisé l’ensemble. Enfin, la musique de Jerskin Fendrix accompagne le tout avec discrétion mais efficacité, et certaines chansons sont utilisées avec une vraie pertinence pour souligner le propos.

Avec Bugonia, Yorgos Lanthimos signe un film à la fois brillant, dérangeant et terriblement actuel. Sous ses airs de fable paranoïaque, il tend un miroir à notre époque, celle des vérités alternatives, de la défiance envers les élites et du besoin désespéré de trouver un sens à un monde qui en manque. Le long-métrage n’est peut-être pas le meilleur du réalisateur, mais il reste un bon Lanthimos, fidèle à son univers singulier et à sa manière de scruter la psyché humaine. Imparfait, certes, mais toujours passionnant, porté par un duo Emma Stone / Jesse Plemons en état de grâce et un réalisateur qui continue, film après film, à explorer les recoins les plus troubles de l’humanité.

Article écrit par

Adore le cinéma en général, que ce soit les gros blockbusters ou les plus petits films, les séries TV et les jeux vidéo. Il réalise de nombreux tests de blu-ray et films en UHD 4K et couvre l'actualité cinématographique en salles.

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