Caractéristiques
- Titre : L’Étranger
- Réalisateur(s) : François Ozon
- Scénariste(s) : François Ozon
- Avec : Benjamin Voisin, Rebecca Marder, Pierre Lottin...
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Genre : Drame
- Pays : France
- Durée : 2h03
- Date de sortie : 29 octobre 2025
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- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Avec L’Étranger, François Ozon signe une adaptation du roman d’Albert Camus, publié en 1942 au sein de son « cycle de l’absurde ». Un exercice assez risqué – Luchino Visconti s’y était essayé en 1967 et n’avait pas été satisfait du résultat – dont il ressort avec les honneurs.
Colonisation, racisme, bureaucratie et perte de sens
Esthétique très léchée avec cadres et photographie très travaillés. Noir et blanc encore après Frantz (2016).
François Ozon axe clairement dès l’introduction sa lecture du roman de Camus par rapport à la situation de la France en Algérie à la veille de la Seconde Guerre Mondiale (l’action se déroule en 1938), rendant cette dimension clairement lisible sans trop en faire pour autant là où celle-ci demeurait bien plus sous-jacente dans le roman, qui se concentrait sur le sentiment d’absurdité étreignant le personnage principal, de même que l’absurdité de son acte, sans mobile.
Le milieu administratif dans lequel il travaille, son côté froid et mécanique derrière lequel se cache une véritable déshumanisation à l’œuvre, dont personne ne semble s’offusquer, se contentant d’accomplir sa tâche sans broncher, était très clairement présent dès les premières pages du roman, et on la retrouve également chez Ozon, qui clarifie donc la grille de lecture pour les spectateurs. Le racisme ambiant à l’égard des Algériens est également présent au travers de réactions de personnages secondaires, comme les collègues du personnage principal et sa fiancée, qui est clairement la plus sympathique du lot et l’un des rares protagonistes avec lequel on puisse être en empathie. Pour eux, avoir peur devant des arabes ou avoir des propos désobligeants ou insultants, condescendants, va de soi. Là encore, cette dimension n’est présente qu’à travers une poignée de scènes et de rares répliques, mais cela est suffisant.
Benjamin Voisin : Le vide et son vacillement
Ozon a privilégié une direction d’acteurs volontairement très neutre, presque trop, à la limite de la théâtralité. Chaque réplique du personnage principal ou presque est souvent suivie d’un long silence afin de renforcer l’absurdité de son comportement, son anesthésie émotionnelle et son évident décalage par rapport aux situations auxquelles il est confronté, mais aussi avec les gens qui l’entourent. Ces temps renforcent l’impact des mots et créent un malaise véritable.
Benjamin Voisin parvient à rendre le personnage de Meursault humain et à laisser deviner, sous la surface de marbre, quelque chose qui a été étouffé voire tué, mais qui ne demande qu’à s’exprimer. Le scénario a le bon goût de ne pas vouloir verser du côté de la psychanalyse en cherchant à tout prix à trouver une explication à l’état d’esprit du personnage pour essayer de nous le rendre un tant soit peu sympathique, ce qui est une excellente chose. Tout passe par le corps, la posture, les expressions du visage, la diction, le rythme des mots et les regards. Et, à voir cette anesthésie que rien ne saurait craqueler, cet ennui viscéral qui semble étreindre Meursault en toutes circonstances, on ressent malgré tout une certaine peine pour lui, jusqu’au moment, près de la toute fin, où il craque et trouve, en fin de parcours, enfin, un chemin vers des émotions qui semblaient bel et bien présentes de manière souterraine sans qu’il en ai conscience. L’acteur livre une performance de haut vol et il n’est pas exagéré de dire que l’impact du film repose principalement sur ses épaules.
Pour le reste, L’Étranger est une adaptation assez fidèle au roman de Camus, reprenant même, de-ci de-là, quelques répliques tirées du livre. Une réussite de plus donc pour François Ozon, qui s’attaquait, avec ce classique de la littérature française, à un exercice pour le moins difficile.





