Caractéristiques
- Titre : The Marriage of Reason and Squalor
- Réalisateur(s) : Jake Chapman
- Avec : Rhys Ifans, David Thewlis, Ronni Ancona, Nnenna Ani, Noma Dumezweni, Jenny Eclair, Sophie Kennedy Clark...
- Genre : Comédie dramatique, fantastique, romance
- Pays : Grande-Bretagne
- Durée : 86 minutes
- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Synopsis
À l’approche de son mariage, Chlamydia Love se voit offrir une île par son fiancé. En la visitant, la belle va plonger dans un monde mystérieux et peuplé d’habitants insolites. Rêve ou réalité ?
La critique
Après avoir œuvré pendant de nombreuses années dans le domaine de l’art contemporain, où il a réalisé en compagnie de son frère Dinos des oeuvres controversées autour de thèmes choc, Jake Chapman a adapté pour le cinéma son propre roman, The Marriage of Reason and Squalor, l’histoire d’une jeune femme qui, suite à une longue hospitalisation, raconte à qui veut l’entendre qu’elle va se marier avec l’homme parfait, le docteur Algenon Hertz, qui s’est occupé d’elle durant sa convalescence et lui aurait promis une île tropicale en guise de cadeau de mariage. Avec sa mine dépressive et ses mimiques de douce dingue, elle est la risée de ses collègues, et le spectateur ne tarde pas à soupçonner que Lydia, qui dit s’appeler Chlamydia Love, souffre d’un délire érotomaniaque qui la fait idéaliser son chirurgien.
Cependant, bien loin de nous proposer une variation de L’histoire d’Adèle H., Jake Chapman choisit au contraire une approche psychédélique à cette histoire de folie qui, sur le papier, pourrait sembler presque banale tant le cinéma a traité ce thème. The Marriage of Reason and Squalor est donc un croisement improbable entre Alice au pays des merveilles, 50 nuances de Grey, un film de David Lynch, Dr Jerry et Mr Love de Jerry Lewis et un fantasme colonialiste ultra-kitsch. Le tout tient en moins d’1h30, bien qu’il accuse quelques longueurs. Non pas qu’on s’ennuie, mais le premier long-métrage de Jake Chapman est, à bien y regarder, un peu semblable au sac de Mary Poppins : énormément de choses tiennent à l’intérieur, même si on a bien du mal à savoir comment.
Ainsi, alors que l’intrigue semble relativement simple au départ, avec d’une part Lydia à moitié inconsciente dans les toilettes d’une boîte de nuit où l’ont emmenée ses collègues, et Chlamydia sur l’île paradisiaque du Dr Hertz, attendant longuement son promis tout en découvrant les secrets du lieu et de ses habitants, dans la seconde partie, les choses s’emballent progressivement et le film multiplie les ramifications et les images correspondant aux visions de plus en plus hallucinées de l’héroïne. Réalisé sur le ton de la comédie, de telle façon qu’il est assez difficile de prendre Lydia au sérieux, cet OVNI donne lieu à des passages assez flippants sur la fin, avec des images assez angoissantes disséminées au sein d’un univers à l’apparence tellement factice que le terme « kitsch » apparaît comme un doux euphémisme. Chlamydia (ou est-ce Lydia ?) s’enfonce dans les profondeurs de son esprit et prend une apparence de plus en plus archaïque, quelque part entre Carrie et L’Exorciste, tandis que des considérations métaphysiques (suggérées sans être pleinement développées) font surface.
Jake Chapman s’empare ainsi du sentiment d’aliénation que ressentent les personnes en état de psychose pour nous renvoyer à un sentiment finalement universel. Si ceux que l’on considère comme « fous » ont l’impression qu’une main invisible ou un mauvais écrivain tire en permanence les fils de leur destin, n’en est-il pas de même pour tout un chacun ? Le libre arbitre existe-t-il ? Ces réflexions sont esquissées, avec un humour au dixième degré que certains qualifieraient sans doute de cynisme (et peut donc agacer), mais qui atteint lors de brefs moments une certaine forme de poésie par son onirisme, avant que le carton-pâte et le grotesque assumé ne reprennent le dessus. Lesquels sont par ailleurs assez amusants, bien que certains gags soient trop répétitifs et ne fonctionnent pas aussi bien que l’auteur-réalisateur l’aurait sans doute souhaité. On en ressort avec le sentiment d’avoir vu une oeuvre fourre-tout, parfois un peu complaisante, mais dont les multiples couches, en dépit de leur manque de finesse apparente, constituent un film souvent divertissant, aux multiples références et possédant quelques visions inspirées. Et de se faire la réflexion que, s’il parvient mieux à canaliser ses idées qu’un Richard Kelly en roue libre sur Southland Tales la prochaine fois, Jake Chapman pourrait même accoucher d’une œuvre allant au-delà du film de petit malin.