Caractéristiques
- Titre : la Main au Collet
- Titre original : To Catch a Thief
- Réalisateur(s) : Alfred Hitchcock
- Avec : Cary Grant, Grace Kelly, Jessie Royce Landis, John Williams, Charles Vanel...
- Distributeur : Paramount
- Genre : Comédie, Romance, Policier
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 1h46
- Date de sortie : 23 décembre 1955 (France)
- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Un duo irrésistible
Second Hitchcock que je revois cette année, La main au collet est une « comédie à suspense » légère, forcément moins intense que La Mort aux trousses (1958) ou Les Oiseaux (1963), mais ô combien jubilatoire. Si l’histoire, qui se déroule dans le sud de la France, nous raconte les malheurs d’un ancien as de la cambriole, John Robie (Cary Grant), accusé à tort de nombreux vols de bijoux exécutés à sa manière et qui se lance à la recherche du coupable, il ne s’agit en fin de compte qu’un prétexte (le MacGuffin qu’affectionne tant le maître).
Le coeur du film, son intérêt véritable se trouve dans le jeu du chat et de la souris entre Robie et la séduisante Frances Stevens (Grace Kelly). Fille d’une riche mondaine dont les bijoux pourraient intéresser le véritable voleur, la jeune femme souffle le chaud et le froid pour mettre « la main au collet » de Robie. De prime abord sage, distante et assez froide, elle révèle très vite un esprit espiègle et intrépide. C’est à son initiative que Robie entreprendra de la séduire.
Voir ces deux personnages se chercher et se taquiner est un plaisir de tous les instants et leurs interprètes semblent s’amuser comme des petits fous. Grace Kelly, fragile et à fleur de peau dans Le crime était presque parfait (1954) apparaît plus enjouée que jamais, dans la droite lignée de son rôle de Fenêtre sur cour (1954) tandis que Cary Grant affiche une belle décontraction, rendant son personnage facétieux.
Des allusions facétieuses
On retrouve tout du long l’humour caractéristique d’Alfred Hitchcock, notamment lors des joutes verbales entre Robie et Frances, parsemées de sous-entendus sexuels. Habitué des double-sens à l’époque du code Hays, qui limitait de manière étroite ce qu’on pouvait montrer et entendre ou non dans un film, le cinéaste a toujours habilement réussi à contourner la censure (voir l’exemple de Rebecca notamment) et à conserver l’intégrité de ses intrigues.
Cependant, dans le cas de La main au collet, les censeurs n’ont pas été dupes des sous-entendus présents dans la scène de l’hôtel, aux trois-quarts du film. Pour conserver ce passage, le réalisateur dû ainsi changer la musique et le montage. La tactique produisit l’effet voulu puisque les membres du comité de censure furent apaisés mais il est amusant de constater que les changements effectués rendent la métaphore sexuelle encore plus intense et très drôle.
En effet, le tête à tête entre John et Frances se déroule au moment où est tiré un feu d’artifice et la musique de fête, complètement décalée, met l’emphase sur ce qui se trame dans la chambre d’hôtel. A mesure que le désir monte entre les deux protagonistes, Hitchcock insère de nombreux gros plans de feux d’artifice, dont les bouquets se font de plus en plus impressionnants tandis que la musique monte crescendo, avant d’atteindre un climax… Pas besoin de vous faire un dessin sur la métaphore ! Le côté guilleret et exagéré de la musique, qui a rassuré la censure, renforce la dimension sexuelle en lui ajoutant, de plus, un ton grivois. Le comble ! On a du mal à imaginer que le jury n’ait rien vu… Peut-être manquaient-ils trop d’humour pour percevoir la facétie du cinéaste ?
Un pur Hitchcock
La main au collet comporte également de nombreux éléments récurrents chez le cinéaste, en faisant un film typiquement hitchcockien. Outre l’innocent accusé à tort qui doit démasquer le coupable (quatre ans avant La mort aux trousses), on retrouve également la mère envahissante, la blonde au tempérament volcanique derrière une apparence glacée, l’amour de la bonne bouffe… Le cinéaste suit des codes qu’il a lui-même instaurés mais ne se contente pas pour autant de suivre une recette. Le plaisir qu’il a pris à réaliser ce film est manifeste et le duo Cary Grant–Grace Kelly est sans doute l’un des plus mémorables des comédies des années 50.
Le film n’évite pas forcément les poncifs du genre sur la France mais joue avec eux de manière plutôt réussie. Evidemment, que les amis de Robie forment une bande d’anciens résistants (pas vraiment à leur avantage) prête plutôt à rire mais le second degré est de mise et fonctionne bien, même si cet aspect de l’intrigue, très en retrait par rapport à la dimension amoureuse, n’ait rien de vraiment mémorable. Tourné à Cannes et à Monaco, le film montre bien entendu de sublimes paysages et on imagine bien que de nombreux américains aient gardé cette image idyllique de la Côte d’Azur, dont le glamour est renforcé par le Technicolor.
La main au collet est également le dernier film que Grace Kelly tourna avec Alfred Hitchcock. Lors du Festival de Cannes en 1955, elle fait la rencontre du Prince Rainier de Monaco. Elle l’épouse l’année suivante et abandonne sa carrière d’actrice, au grand regret du maître du suspense, qui avait trouvé en elle une égérie. Ironiquement, c’est sur cette même route en lacets qu’on voit dans le film, où Frances s’amuse à effrayer Robie en roulant à toute allure, que l’actrice trouvera la mort vingt-sept
ans plus tard, en 1982.