Si vous êtes mordus de Pokémon — ou que vous êtes parents de jeunes fans de la licence — il est plus que probable que vous ayez entendu parler du JCC Pokémon, ce jeu de cartes à collectionner (aussi appelées trading cards) aux nombreuses extensions que les amateurs s’échangent entre eux, et qui leur permet également de s’affronter au sein d’un véritable jeu. Autour d’un principe simple (les joueurs font combattre leurs Pokémon grâce à différentes énergies et en s’aidant de cartes Dresseur), le JCC Pokémon, conçu par la société japonaise Creatures Inc. qui a également développé certains des jeux vidéo de la licence, n’a cessé d’évoluer depuis 20 ans, introduisant d’une année sur l’autre de nouveaux mécanismes afin de maintenir l’intérêt des joueurs. Il s’agit aussi et surtout d’une immense collection constituée de cartes standard ou alternatives à l’effigie des nombreuses créatures des jeux vidéo et dessins animés, que les amateurs s’arrachent, et parfois à prix d’or pour les plus rares d’entre elles.
Alors que la 3e extension de cartes à collectionner Pokémon Soleil et Lune : Ombres ardentes est disponible depuis le 19 août, nous en avons profité pour rencontrer les développeurs du JCC Pokémon, Mr. Yugi Kitano (producteur) et Mr. Atsushi Nagashima (directeur du jeu), lors de leur passage au Ampersand Hotel dans le cadre de leur première tournée médiatique européenne. L’occasion de les interroger sur les nouveautés de ces deux nouveaux decks, mais aussi leur processus créatif, le Pokémon World Championships 2017 — qui s’est achevé hier à Anaheim en Californie et au sujet duquel nous vous proposerons un reportage spécial — et l’évolution du jeu de trading cards.
Culturellement Vôtre : Comment les jeux vidéo Pokémon Soleil et Pokémon Lune vous ont-ils inspirés pour cette nouvelle extension Ombres Ardentes du JCC ? Et The Pokémon Company avait-elle des demandes spécifiques d’éléments à inclure, ou bien étiez-vous relativement libres ?
Yugi Kitano : Nous n’avons pas eu de demandes spécifiques du côté de Creatures Inc., mais tout au long de la conception de l’extension, nous nous inspirions le plus possible des jeux vidéo pour les illustrations des cartes et les pouvoirs des différents Pokémon, et on nous envoyait régulièrement des informations, de sorte que les Pokémon les plus puissants des jeux soient également reflétés dans l’extension.
Culturellement Vôtre : Du coup, vous basez-vous toujours sur les jeux vidéo, même lorsque vous devez décider quels Pokémon plus secondaires inclure ? Ou alors prenez-vous également en compte les demandes des fans ?
Atsushi Nagashima : Nous travaillons sur les extensions jusqu’à 1 an à l’avance, nous ne pouvons du coup pas vraiment prendre en compte les demandes des fans, puisque les jeux vidéo ne sont parfois pas encore sortis à ce moment-là. Nous cherchons surtout à obtenir une certaine fluidité dans le jeu, et nous allons par exemple inclure tel Pokémon afin de pouvoir introduire tel mécanisme, ou telle attaque.
Yugi Kitano : Personnellement, c’est parfois en jouant au jeu que je me dis, « Tiens, j’aimerais beaucoup inclure ce Pokémon dans la prochaine extension ». Mais nous ne nous basons pas vraiment sur les demandes de la communauté.
Culturellement Vôtre : Justement, passez-vous beaucoup de temps à tester les différents mécanismes des nouvelles cartes ? Comment fonctionnez-vous ?
Yugi Kitano : Cette fois-ci, les cartes GX étaient la grande nouveauté. Nous avions au départ une vingtaine d’autres idées et, au bout du compte, c’est le principe des cartes GX que nous avons choisi de retenir. Chez Creatures Inc., nous avons 17 testeurs qui jouent avec les cartes du matin au soir et nous font constamment des retours pour nous dire quels mécanismes sont les plus intéressants, lesquels pourraient le mieux être développés dans le temps, et lesquels fonctionnent le mieux avec les anciens mécanismes du jeu. Il est essentiel que les nouveaux mécanismes n’interfèrent pas avec les anciens, par exemple.
Culturellement Vôtre : Et comment vous est venue l’idée des cartes GX ?
Yugi Kitano : Dans une précédente extension, nous avions des cartes EX, qui ont rencontré un grand succès. Du coup, nous avons cherché à aller encore plus loin, en conservant un principe assez similaire, mais qui donnerait des cartes encore plus puissantes. Et en ce qui concerne les illustrations des Pokémon sur ces cartes et les attaques spéciales, nous voulions que ce nouveau type de cartes puisse exprimer cette puissance. L’une des spécificités de ces cartes est qu’il y a davantage de Pokémon basiques, plutôt qu’évolués, qui peuvent devenir des cartes GX. Même s’il était important de conserver le principe des évolutions dans le jeu, c’était la grande nouveauté.
Culturellement Vôtre : Sur combien de temps la conception s’étend-elle ? Vous disiez tout à l’heure que vous commenciez à travailler sur une extension environ un an avant sa sortie…
Yugi Kitano : En principe, cela demande 6 mois de travail complet, mais lorsqu’on commence une nouvelle série d’extensions, nous décidons des Pokémon basiques à inclure et des principaux mécanismes environ un an à l’avance.
Culturellement Vôtre : Comment réussissez-vous à maintenir l’équilibre pour inclure de nouvelles caractéristiques, de nouveaux mécanismes, tout en gardant un jeu cohérent et accessible aux débutants ?
Yugi Kitano : C’est le plus important pour nous, mais aussi le plus difficile. Nous faisons toujours en sorte que le principe – assez simple en lui-même – soit le même : le joueur attache différentes énergies à son Pokémon et les utilise pour attaquer son opposant.
Atsushi Nagashima : Mais, ensuite, nous rajoutons d’autres éléments pour que le jeu conserve toujours un élément de fraîcheur, afin de maintenir l’intérêt des joueurs. Cela va par exemple être une manière particulière de combiner les cartes. Et en ce qui concerne la création de l’environnement de jeu, avec la sortie régulière de nouvelles extensions, le nombre de cartes augmente, et les faiblesses de votre adversaire seront également différentes. C’est également là que l’aspect stratégique du jeu entre en ligne de compte.
Culturellement Vôtre : De quoi êtes-vous le plus fier depuis que vous travaillez sur le jeu, qui a fêté ses 20 ans l’an dernier ?
Yugi Kitano : Chaque année, nous nous rendons aux Pokémon World Championships, et nous avons l’occasion de voir toutes ces personnes venant des 4 coins du globe et qui parlent différentes langues se rassembler, et surmonter la barrière de la langue grâce au jeu. Les trading cards Pokémon deviennent alors comme des éléments de phrases, de langue commune permettant de communiquer. Ca peut sembler un peu étrange, mais c’est comme ça que nous le ressentons et voir cet échange se créer entre des personnes d’âges et de cultures différentes nous rend très heureux.
Culturellement Vôtre : Les Championnats du Monde Pokémon débutent justement vendredi. Vous passez beaucoup de temps à concevoir les nouvelles cartes et les nouveaux mécanismes, mais qu’est-ce que cela vous fait de voir des gens dévoués au JCC jouer avec et s’affronter ?
Yugi Kitano : J’adore observer le visage des participants avant l’ouverture des grilles le matin de l’ouverture des championnats, et sentir leur excitation à l’idée de jouer. C’est vraiment mon moment préféré ! En tant que développeur du jeu, c’est vraiment stimulant, et même émouvant de sentir l’excitation de toutes ces personnes à l’idée de jouer à un jeu que nous avons créé.
Atsushi Nagashima : Et puis, il y a aussi une véritable énergie que l’on sent émerger lorsqu’on se trouve dans ce lieu. A chaque fois que je rentre au Japon après les Championnats du Monde, je me rends compte que j’ai trouvé des tas de nouvelles idées, cela me stimule d’un point de vue créatif.
Culturellement Vôtre : Comment parvenez-vous à équilibrer la dimension collection du jeu (le fait que les fans souhaitent acquérir les différentes cartes et leurs variantes) et la partie compétition ?
Nous dirions plutôt que le plus important est qu’il s’agit de cartes physiques à collectionner permettant aux fans de se constituer leur Pokédex personnel. Chaque carte représente les caractéristiques de chacun des Pokémon, aussi bien à travers le texte que les illustrations. Et en plus de cette collection, en guise de supplément, vous pouvez jouer avec ces cartes et affronter des adversaires. Donc oui, il y a bien cette dimension compétitive, mais fondamentalement, cela reste des cartes de collection que l’on peut s’échanger.
Culturellement Vôtre : Pensez-vous rééditer par la suite d’anciennes cartes issues d’extensions favorites des fans ?
Ce n’est pas à l’ordre du jour, mais nous avons bon espoir d’être en mesure de le faire par la suite. Nous savons qu’il y a beaucoup de méga-fans qui adorent les anciennes cartes et aimeraient en voir certaines rééditées, donc peut-être cela se fera-t-il à un moment donné.
Culturellement Vôtre : Enfin, savez-vous déjà comment vous souhaitez faire évoluer le jeu dans les prochaines années ?
Disons que nous réfléchissons déjà à la direction à donner au jeu dans les 2-3 prochaines années, afin qu’il continue à évoluer tout en restant accessible, oui.
Culturellement Vôtre : Le jeu est peut-être moins connu en France qu’au Japon, mais il y a néanmoins de nombreux fans de Pokémon. Que diriez-vous aux fans français qui commencent à jouer avec les trading cards et à participer aux tournois ?
Tout d’abord, nous souhaiterions insister sur le fait que le jeu est amusant, mais aussi qu’il leur permettra de rencontrer de nombreuses personnes avec lesquelles ils pourront jouer. Le jeu deviendra alors la base commune qui leur permettra d’entrer en contact et communiquer. Nous souhaiterions du coup les encourager à utiliser ce jeu pour faire des rencontres et sortir de chez eux.
Propos recueillis par Cécile Desbrun.
Nous remercions chaleureusement Messieurs Yugi Kitano et Atsushi Nagashima pour leur disponibilité et leur amabilité, ainsi que The Pokémon Company.